Les aspects psychosociaux
Selon Deccache (1994), les aspects psychosociaux d’une personne malade sont « les manières dont une personne ressent, se représente et juge les choses de manière consciente (ensemble des représentations, croyances, sentiments et perceptions du patient concernant sa maladie, son traitement, son contexte de vie, sur lui-même, des capacités d’adaptation …) » (p.35). Les personnes confrontées à une problématique de santé chronique signifie, pour la plupart d’entre eux ainsi que leurs proches, d’être confrontés à une situation déstabilisante, souvent perçue comme incontrôlable. Le stress induit par cette maladie va directement influencer la perception et l’évolution de celle-ci. Certains sentiments comme l’insécurité, le désespoir et la perte de contrôle sont causés par l’aspect imprévisible et inconnu de l’évolution de l’affection (Fröhlich-Rüfenacht, Rousselot & Künzler, 2013, p. 206). Selon Fröhlich-Rüfenacht & al (2013), Le vécu d’une maladie chronique est fortement marqué par toute une série de facteurs psychosociaux qui est un terme qui décrit chez une personne, son développement psychologique et son interaction dans un environnement social.
En effet, les traits de personnalité, les facteurs de stress et les ressources individuelles, ainsi que l’entourage social et leur soutien, jouent un rôle très important et le fait d’en tenir compte favorise considérablement la relation médecin/patient (p.207). Kostakou et al (2014) dit que les personnes atteintes de maladies chroniques ont un risque accru de troubles psychiatriques et de détresse psychologique (p.1). À cette fin, il y a un intérêt croissant dans le fonctionnement psychosocial parmi les populations souffrant de maladies chroniques. Selon une étude de Kostakou et al (2014), les niveaux élevés observés de problèmes émotionnels / comportementaux et les difficultés d’adaptation sociale des enfants et adolescents atteints de mucoviscidose indiquent la nécessité de la mise en place d’une approche collaborative de traitement entre le personnel médical, psychologique et familial (p.2). En effet, une problématique de santé rend la personne concernée et sa famille dans une situation de dépendance, physique ou émotionnelle, du système de santé. Une relation de confiance avec l’équipe soignante est un soutien précieux auprès des familles. La maladie chronique nécessite une prise en charge globale qui correspond aux facteurs biopsycho- sociaux du patient et de son environnement (Fröhlich-Rüfenacht & al, 2013, p.207). À travers cette prise en charge, la famille joue un rôle central, particulièrement pour les enfants d’âge scolaire.
Systémique familiale
La maladie chronique d’un enfant se trouve être une situation éprouvante pour la famille au quotidien, et plus particulièrement lorsque l’enfant est hospitalisé. Effectivement, cette hospitalisation va créer une perturbation de la dynamique familiale, ce qui va déstabiliser l’homéostasie de celle-ci (Ha, 2007, p.10). Il est prouvé que la relation que l’enfant entretient avec ses parents a un impact direct sur la perception de la maladie et son séjour hospitalier : « Les relations parents-enfants affectueuses peuvent protéger l’enfant du stress et favoriser son développement physique et social » (Ball & Bindler, 2010, p.315). Selon Drotar (1997), les parents et le fonctionnement de la famille ont été identifiés comme les principaux facteurs d’influence sur la réponse psychologique de l’enfant atteint de maladie chronique (p.152). En effet, Robin & Foster (1989) ont prouvé qu’en agissant directement sur la dynamique familiale et en évitant les conflits au sein de celle-ci en favorisant une meilleure adaptation à la maladie, cela augmentait la réponse d’adaptation psychologique de l’enfant face à la maladie (p.182).
Les auteurs Shields et al. (2003, cité dans Ha, 2007) démontrent l’importance de prendre en considération les besoins de l’enfant mais également ceux des parents. Il est vrai qu’une réponse adaptée aux besoins émis par les parents a des répercussions directes sur l’hospitalisation de l’enfant. Les parents, dont les besoins sont entendus, s’adaptent mieux à la situation et cela entraine une augmentation et une motivation de leur participation aux soins prodigués à l’enfant (p.10). À travers cet exemple, il est démontré l’importance de la systémique familiale. Celle-ci est définie par Pluymaekers (2002), comme étant une approche généraliste qui affirme que les difficultés d’un individu ne peuvent se comprendre qu’en lien avec son contexte familial et institutionnel (p.30). Minuchin (1979), décrit « un système comme composé de différentes parties interdépendantes qui s’affectent l’une l’autre mutuellement et affectent le système globalement » (p.1). D’après cette définition, il est important de prendre en considération les besoins de la famille afin que celle-ci soit prise en charge et puisse influencer de façon positive sur l’enfant hospitalisé. L’approche systémique, qui prend la famille comme un système à part entière, a permis le développement de pratiques cliniques qui permettent de mieux définir les interrelations familiales et l’impact de celles-ci sur la personne hospitalisée. La théorie de Calgary en est un bon exemple.
Cadre de référence et rôle infirmier
À la suite de l’élaboration de la problématique, il a été décidé d’utiliser le modèle d’évaluation et d’interventions auprès de la famille de Calgary. En effet, la population cible étant l’enfant d’âge scolaire, la famille est encore très présente et a une part active lors de maladie chronique comme la mucoviscidose. L’approche systémique familiale en soins infirmiers de Calgary repose sur six fondements théoriques qui sont les suivants : le postmodernisme, la théorie des systèmes, la cybernétique, la théorie de la communication, la théorie du changement et la biologie de la cognition. Ce modèle est, comme son nom l’indique, divisé en deux parties : L’évaluation de la famille (MCEF) et l’intervention auprès de la famille (MCIF). Le modèle d’évaluation de la famille se fait en analysant trois dimensions de celleci : la structure familiale, le cycle de la vie familiale ou développementale et le fonctionnement familial comprenant différentes catégories. Le modèle d’interventions de la famille, quant à lui, propose des interventions infirmières systémiques avec le principe de circularité (hypothèses circulaires et questions systémiques) et le principe de neutralité, liées à l’évaluation préalable (Wright & Leahey, 2010, p. 28-29).
La théorie des systèmes, qui est une thématique principale du présent travail, a été expliquée par Von Bertalanffy en 1936. Ce fondement peut être facilement expliqué grâce à l’analogie du mobile faite par Allmond, Buckman & Gofman (1979, cité dans Wright & Leahey 2010, p.31). Celui-ci montre que dans un mobile, chaque pièce a son utilité pour son équilibre et son mouvement. Elles ont chacune leurs spécificités et lorsqu’un coup de vent atteint une de ces pièces, c’est tout le mobile qui se met à bouger pour ensuite mieux se stabiliser. C’est ce qu’il se produit aussi dans les familles et qui nous permet de les considérer comme une unité. Il faut garder en tête que chaque membre est un soussystème et un système en lui-même (Wright & Leahey 2007, p. 31). En effet, selon Wright et Leahey (2007), « tout changement qui se produit chez l’un des membres de la famille touche tous les autres membres » (p.31). Ceci rejoint l’analogie du mobile qui montre que tout événement ou changement important qui touche un membre de la famille, atteint les autres à des degrés différents. Ce concept sert à évaluer les retentissements qu’a une maladie d’un membre sur le reste de la famille (Wright & Leahey, 2007, p.34-35). En ce sens, lorsqu’une problématique de santé apparaît dans une famille, cela engendre du stress autant chez le patient que chez ses proches. La théorie de Calgary met en avant différents agents stresseurs, tant sur le plan des activités quotidiennes qu’au niveau cognitif, émotionnel, et finalement des relations interpersonnelles.
Les agents stresseurs sur le plan cognitif Chacun des membres d’une famille réagit et accorde une signification à une problématique de santé de façon différente, qui sont des facteurs déterminant du degré de stress éprouvé (Duhamel, 2007, p.5). Selon Cohen (1993) ; Hopia, Paavilainene et Astedt-Kurki (2005) ; Santacroce (2001), « l’imprévisibilité ou l’incertitude, l’ambiguïté et l’instabilité des conditions de santé du patient sont aussi des facteurs contribuant au stress avec lequel la famille doit apprendre à composer » (cité par Duhamel, 2007, p.5). L’infirmière fournit suffisamment d’informations claires et dans un langage adapté pour qu’ils puissent les assimiler et ainsi réduire les agents stresseurs. Le stress sur le plan cognitif engendre un stress émotionnel, ce qui entrave la bonne adaptation de la famille à la problématique de santé (Duhamel, 2007, p.5).
Les agents stresseurs sur le plan des émotions Une problématique de santé au sein d’une famille engendre du stress et de l’anxiété dus à son caractère imprévisible et inconnu. De plus, un nombre important d’émotions peuvent apparaitre durant l’évolution de la maladie. Un sentiment de culpabilité et de frustrations apparait fréquemment en lien avec l’impotence de la personne malade. Certaines familles parlent également de fardeau, lorsque la maladie affecte les activités de la vie quotidienne, ce qui peut engendrer frustration, colère et dépression. De plus, des troubles psychologiques et physiologiques apparaissent lors de stress émotionnel (Duhamel, 2007, p.6-7). Selon Duhamel (2007), D’autres agents stresseurs sur le plan des émotions consistent dans la peine et la tristesse associées à la perte de la maitrise, à la perte de l’autonomie, à la perte des rôles et des responsabilités et au renoncement de projets attribuables à l’affaiblissement de la santé du malade (p.6).
Les agents stresseurs sur le plan des activités quotidiennes Une problématique de santé génère une réorganisation des rôles des membres de la famille, la redistribution des tâches domestiques et des responsabilités, le renoncement à certaines activités culturelles ou sportives, une modification des habitudes de vie ainsi qu’une diminution du revenu familial engendre de la frustration et de la colère (Duhamel, 2007, p.8). La maladie, en plus d’engendrer du stress émotionnel et cognitif demande une réorganisation de la vie quotidienne et une grande capacité d’adaptation pour y faire face. L’infirmière joue donc un rôle clé dans la prise en charge de la famille, et les agents stresseurs démontrent l’importance d’une prise en charge systémique.
Introduction |