L’identité constitutionnelle, objet d’une confrontation entre droits nationaux et droit de l’Union européenne

L’identité constitutionnelle, objet d’une confrontation entre droits nationaux et droit de l’Union européenne

Pour justifier un refus de remise, les États peuvent avancer que les jugements rendus par défaut combinés à l’absence d’une révision de la condamnation ou de la décision ayant conduit à l’émission du mandat en présence de l’intéressé risque de compromettre les droits fondamentaux de l’individu concerné dans l’État demandeur, alors que dans leur État, ces droits sont garantis (Paragraphe 1). La protection des droits fondamentaux deviendra alors un des enjeux majeurs du contentieux lorsqu’ils justifient l’inexécution du mandat. Toutefois et pour garantir l’effectivité du mandat et de la coopération pénale, la Cour propose une analyse plus nuancée et appelle à la mesure en offrant une réponse circonstanciée pour évaluer le risque avéré d’atteinte aux droits de l’individu qui pourrait justifier le refus de remise (Paragraphe 2).

La question des jugements par défaut

La problématique du refus de remise basé sur l’existence d’un jugement rendu, dans l’État membre d’émission, en l’absence de l’intéressé a fait l’objet de nombreux débats devant la Cour. Pour les États d’exécution, la mise en œuvre du mandat demeure impossible dans une telle hypothèse en l’absence de possibilité de recours prévu dans l’État d’émission. Procéder à la remise serait donc porter atteinte au droit à un procès équitable et plus largement au droit au juge de l’intéressé. Pour motiver ce refus, l’État d’exécution avance que les droits garantis par sa Constitution permettent à l’individu de bénéficier de l’exercice plein et entier de ces droits fondamentaux contrairement à ce qui est prévu par le droit de l’État d’émission. C’est l’argument identitaire confronté à celui de la mise en œuvre du droit de l’Union. affirmant qu’« aussi longtemps que »190 les droits fondamentaux garantis au niveau européen ne seraient pas aussi protecteurs que ceux prévus par la Loi fondamentale, ils ne pourraient s’imposer dans l’ordre juridique allemand. Pour elle, il n’était pas concevable de céder une part de la souveraineté à une Union européenne alors que le système du contrôle des droits fondamentaux n’était pas fiable au niveau supranational. Elle s’opposait donc à une primauté absolue du droit de l’Union européenne dès lors que les systèmes de protection nationaux étaient supérieurs à ceux offerts par le droit supranational. Elle contrevenait ainsi à la célèbre jurisprudence International Handelsgesellschaft191 qui étendait le principe de primauté du droit de l’Union consacré par la jurisprudence Costa c/ Enel192 aux règles constitutionnelles internes.

La première concerne la portée de l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584/JAI. Cette disposition doit-elle être interprétée comme ne permettant pas aux autorités judiciaires nationales de soumettre l’exécution du mandat d’arrêt européen à la condition que la condamnation puisse être révisée pour garantir les droits de la défense de l’intéressé ? Dans l’affirmative, il convient de se demander si cette remise est conforme aux exigences du droit à un procès équitable prévu aux articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux. Enfin, la dernière question posée à la Cour est essentielle, l’État membre d’exécution du mandat peut-il subordonner la remise d’une personne condamnée par défaut à la condition que cette condamnation puisse être révisée dans l’État d’émission du mandat ? Une réponse affirmative offrirait un niveau de protection plus élevé des droits de la défense, de manière générale, que celui qui découle du droit de l’Union.

Enfin, la dernière question posée à la Cour dans l’affaire Melloni est fondamentale. La juridiction de renvoi demandait, en substance, si l’article 53 de la Charte devait être interprété en ce sens qu’il permettait à l’État membre d’exécution de subordonner la remise d’une personne condamnée par défaut à la condition que la condamnation puisse être révisée dans l’État membre d’émission, afin d’éviter une atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense garantis par sa Constitution. L’interprétation que la Cour fera de l’article 53 devra être en corrélation avec le principe de primauté du droit de l’Union. Ainsi, celle que proposait la juridiction espagnole qui autorisait un État à appliquer le standard de protection des droits fondamentaux garanti par sa Constitution lorsque ce standard était plus élevé que la protection prévue par la Charte aboutissait à laisser inappliqué le droit de l’Union. Une fois de plus la Cour rejettera clairement l’argument identitaire et réaffirmera la primautéde l’intégration européenne225 et jouent un rôle déterminant dans l’articulation des droits fondamentaux comme l’a relevé l’avocat général dans l’affaire Melloni : « les droits fondamentaux à protéger et le niveau de protection qui doit leur être accordé reflètent les choix d’une société donnée quant au juste équilibre à atteindre entre les intérêts des individus et ceux de la collectivité à laquelle ils appartiennent. Cette détermination est intimement liée à des évaluations qui sont propres à l’ordre juridique concerné,

Les problèmes liés au respect des droits fondamentaux nationaux

Le respect des droits fondamentaux est un motif régulièrement invoqué par les États d’exécution pour justifier le refus de remise à l’État d’émission. Eu égard au risque encouru par l’individu concerné par la remise dans l’État d’émission, l’État d’exécution peut refuser la remise en invoquant une protection de ces droits insuffisants par rapport à ce que prévoyait son propre arsenal constitutionnel. Pourtant, valider ces refus peut remettre en cause la primauté du droit de l’Union et instaurer une hiérarchie entre les droits nationaux, voire un contrôle entre eux. Consciente que les juridictions des États membres invoquent leur système de protection des droits fondamentaux parce qu’ils les considèrent comme étant plus élevés que la protection accordée par le droit de l’État demandé si l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre permettait de refuser une remise en présence d’éléments sérieux témoignant d’une incompatibilité des conditions de détention dans l’État d’émission avec les droits fondamentaux et notamment l’interdiction des traitements inhumains et dégradants telle qu’elle est prévue par l’article 4 de la Charte. Il s’est également interrogé sur le point de savoir si l’État d’exécution pouvait subordonner la remise à l’obtention d’informations lui permettant de vérifier la conformité des conditions de détention aux droits fondamentaux.

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