L’IDENTIFICATION BASQUE COMME POTENTIEL LEVIER DE DEVELOPPEMENT DE LA COOPERATION
Ce travail nous a permis de mieux cerner les liens qui existent entre coopération transfrontalière et construction identitaire au Pays Basque. La coopération a pu, à l’échelle locale, à la fois être motivée par l’identification basque et permettre d’homogénéiser en partie cette identification. A des échelles plus larges, ce lien est plus complexe, l’identification basque n’étant ni la motivation ni le but affiché de la coopération. Cette dernière admet des limites, soit voulues et entretenues par les acteurs, soit résultant de forts déséquilibres entre partenaires français et espagnols qui se sont développés au fil de l’Histoire et en lien avec la construction des Etats français et espagnol entre lesquels est partagé le Pays Basque. Cette dernière partie vise à proposer des pistes de réflexion qui permettraient selon nous de faire émerger un réel territoire transfrontalier au niveau du Pays Basque, en lien avec l’identification basque qui y est présente et qui est parfois complexe à aborder pour les acteurs impliqués dans la coopération transfrontalière. Ces propositions seront émises à partir d’un positionnement personnel que nous préciserons, qui n’est bien entendu pas à considérer comme le seul possible. cours du travail de terrain comme étant à double tranchant. C’est un point de vue que nous partageons et guidera les propositions formulées. Celles-ci auront pour objectif de valoriser les bénéfices potentiels que la coopération peut avoir à tirer de l’identification basque, ainsi que de mettre en garde vis-à-vis des dangers qu’elle peut engendrer.
L’identification basque, un atout pour dynamiser la coopération transfrontalière
L’identification basque peut apparaître en premier lieu comme un atout important pour la coopération transfrontalière. Le but de cette coopération est de faire émerger un territoire où la frontière serait dépassée, soit un territoire où les différences entre les deux côtés de cette frontière seraient gommées. Elle vise donc à développer des actions qui contribuent à gommer ces différences. Ce travail n’est plus à faire où déjà amorcé lorsqu’il existe préalablement à son action des éléments communs sur le territoire transfrontalier en projet. Ces éléments communs constituent donc un point de départ privilégié pour la coopération, une première amorce de travail en commun. Ceci est illustré par l’étude des cas catalan et rhénan par Caroline Maury83. Dans le premier cas, l’identification catalane commune est présentée comme le moteur de la coopération transfrontalière. Le second met en avant les problématiques fonctionnelles communes plutôt que les aspects identitaires qui constituent la principale différence entre les deux côtés de la frontière franco- allemande, et que les acteurs de la coopération envisagent de prendre en compte dans un second temps. Ainsi, les éléments communs ou partagés agissent comme des catalyseurs du développement de la coopération transfrontalière, qui est ancrée en premier lieu sur ces thématiques avant de voir son action élargie aux thématiques pour lesquelles les différences sont plus marquées.
Ici, l’identification basque peut servir de base commune à la coopération transfrontalière, la plupart des acteurs ont d’ailleurs noté qu’elle était une force pour la coopération au Pays Basque. L’existence d’une langue commune peut en particulier être considérée comme un atout considérable, qui peut permettre aux partenaires de se comprendre aisément et ainsi faciliter l’échange, la réflexion et l’action menée dans le cadre de la coopération. Cette identification basque a pu être considérée comme un moteur et un atout pour la coopération au Pays Basque à ses débuts : c’est son existence qui a au départ motivé la création de l’Eurocité, et qui a été avancée par les associations telles que Hemen pour le développement de la coopération avec le Pays Basque Sud. Aujourd’hui, son rôle et sa prise en compte dans la coopération sont devenus secondaires, l’identification basque semblant être perçue davantage comme un risque pour la coopération transfrontalière que comme un atout. L’un des éléments qui contribue à cela est évidemment l’existence de l’organisation terroriste ETA, qui a engagé depuis cinquante ans une lutte armée au nom de la libération et de l’indépendance du Pays Basque. Ennemi commun de la France et de l’Espagne, l’ETA donne à ces deux Etats, à l’Europe et au monde l’impression d’une identification basque extrémiste, fortement excluante et fermée. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’identification basque mais d’identité basque définie de manière figée et présentée comme « non négociable » en vue de justifier des revendications (Avanza, Laferté, 2005)84. L’image négative de l’identité basque support de revendications violentes rejaillit sur celle de l’identification basque, notion plus souple et évolutive : une prise de distance vis-à-vis de cette identité peut être considérée à juste titre comme une protection par rapport au risque de glissement de l’identification vers l’identité revendicatrice, dont on a ici la preuve évidente qu’elle peut être violente.