L’HYPONATREMIE AU SERVICE DE REANIMATION MEDICALE
RAPPELS PHYSIOPATHOLOGIQUES
La membrane cellulaire est librement perméable à l’eau et seulement à certains solutés. Le passage de l’eau à travers cette membrane dépend de la concentration des solutés non diffusibles de part et d’autre de cette membrane, responsable de la pression osmotique. Il est utile de connaitre la différence entre trois définitions : L’osmolalité est égale à la somme des concentrations de toutes les molécules, diffusibles ou non, dissoutes dans 1 kg de solvant, en occurrence l’eau plasmatique. Elle est comprise entre 280 et 295 mosm/kg d’eau plasmatique. L’osmolarité est la somme des concentrations de toutes les molécules, diffusibles ou non, dissoutes dans 1l de solution, en occurrence le plasma. En pratique clinique, la différence entre osmolarité et osmolalité n’est pas significative. L’osmolalité efficace ou tonicité, est la somme des concentrations de toutes les molécules non diffusibles dissoutes dans 1l d’eau plasmatique. Certains ont proposé de les appeler tonomoles. Les mouvements d’eau entre les compartiments intra et extracellulaires sont régis uniquement par la tonicité plasmatique. L’osmolalité efficace plasmatique normale du plasma est de 285mosm/kg d’eau. Les solutés comme l’urée ou l’alcool qui traversent librement les membranes cellulaires augmentent l’osmolalité, mais sans modifier la tonicité, donc sans conséquence sur les mouvements d’eau. La tonicité plasmatique ne peut être que calculée en additionnant toutes les pressions osmotiques des solutés non diffusibles. En pratique, il est possible de l’estimer correctement à partir de la natrémie. La concentration de sodium multipliée par 2, éventuellement additionnée de la glycémie en cas de carence en insuline, estime bien la tonicité plasmatique.
Régulation de la natrémie et de la tonicité
Le sodium est le principal cation participant à la tonicité du milieu extracellulaire. Les variations de la natrémie sont liées à celles du sodium, du potassium et à celles de l’eau, comme le montre l’équation d’Edelman : Natrémie = Na e + K e /eau totale (Na e et K e représentent le sodium et le potassium échangeables.) 2 Rappelons que l’eau totale varie en fonction de l’âge et du sexe, selon la proportion relative de tissu adipeux. Chez l’homme adulte, l’eau totale représente 60 % du poids et seulement 50 % chez l’homme plus âgé. Elle se distribue pour 55 % à 60 % dans le secteur intracellulaire et pour 35 % à 45 % dans le secteur extracellulaire. Chez la femme jeune, l’eau totale est de 50 %, elle diminue à 40 % chez la femme âgée. La tonicité plasmatique est régulée pour éviter les variations du volume cellulaire. Toute variation de 1 % déclenche les mécanismes de régulation qui reposent sur le couplage de la soif, de l’excrétion rénale d’eau et de la libération d’hormone antidiurétique (HAD) ou arginine-vasopressine. L’HAD contrôle l’excrétion d’eau. Après fixation sur son récepteur V2 des cellules principales des tubes collecteur rénaux, elle induit la phosphorylation et le transfert au pôle apical des aquaporines-2, canaux perméables à l’eau, entrainant la réabsorption passive d’eau libre et l’excrétion d’une urine concentrée. La tonicité agit au niveau d’osmorécepteurs situés dans l’hypothalamus antérolatéral, à proximité mais distincts des noyaux supra-optiques et paraventriculaires responsables de la sécrétion de l’HAD. Les taux de HAD sont indétectables lorsque la tonicité descend au-dessous de 280 mosm/kg d’eau et sont maximum (10 pg /ml) lorsque la tonicité dépasse 300 mosm/kg d’eau. La tonicité des urines d’un sujet dont la fonction rénale est normale peut varier de 50 à 1200 mosm/kg avec des debits urinaires allant de 1000 à 20 ml/h. la tonicité urinaire est donc un élément d’appréciation de la sécrétion d’HAD. D’autres stimuli non osmotiques, très fréquents chez les malades de réanimation, peuvent faire secréter l’HAD tels que hypovolémie, hypotension artérielle, douleur, vomissements, nausées, hypoxie, ainsi que certains médicaments.
Osmorégulation des cellules cérébrales
L’hyponatrémie aiguë (< 48 h) entraine une augmentation de volume des cellules par influx d’eau, particulièrement grave pour les cellules cérébrales en raison de la boite crânienne inextensible. L’œdème cérébral est responsable des signes de souffrance cérébrale. En revanche, quand l’hyponatrémie s’installe progressivement, des mécanismes cellulaires compensateurs se mettent en place en 48 heures : sortie de potassium des cellules modification des osmoles organiques cellulaires : myoinositol, glycérophosphoryicholine, phosphocréatine/créatine, glutamate, glutamine et taurine. 3 Le risque d’une correction trop rapide de l’osmolalité plasmatique est alors l’apparition de lésions de démyélinisation osmotique. Plusieurs facteurs semblent diminuer l’efficacité de l’adaptation cérébrale. Les estrogènes pourraient limiter la sortie des solutés intracellulaires en agissant sur la Na/K-ATPase et ainsi réduire la tolérance à l’hyponatrémie. Plusieurs études ont rapporté la survenue d’hyponatrémies postopératoires profondes, avec des fréquences similaires chez les hommes et les femmes mais plus graves chez les femmes en période d’activité génitale. Le jeune âge serait un autre facteur de risque de mauvaise tolérance neurologique de l’hyponatrémie, on soulignera le paradoxe entre la plus grande fréquence de l’hyponatrémie chez le sujet âgé et sa moins bonne tolérance chez le sujet jeune. L’hypoxie limite aussi ces mécanismes compensateurs en aggravant les lésions cérébrales.
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