La prévalence de l’HB et la différence associée au genre et à l’âge
La prévalence des individus obèses souffrants d’HB aux États-Unis atteint, selon les études, 8 à 28 % (Hudson et al., 2007), et près de 46 % des clients qui consultent dans les cliniques de perte de poids présentent des difficultés significatives liées à la présence d’épisodes de compulsion alimentaire (Marcus et al., 1985). La prévalence de l’H8 aux États-Unis et dans l’ensemble des pays industrialisés s’élève à 3,5 % pour les femmes et à 2 % pour les hommes (Hudson et al., 2007). Comparativement aux autres troubles alimentaires, la différence entre les sexes se révèle beaucoup moins prononcée dans le cas de l’H8, où le ratio femmes/hommes s’avère davantage égalitaire, soit trois femmes pour deux hommes, en comparaison à trois femmes pour un homme dans la boulimie et à dix femmes pour un homme dans l’anorexie mentale (Hudson et al., 2007). Certaines données scientifiques indiquent qu’au niveau de la pratique clinique, la prévalence des épisodes de compulsion alimentaire est presque similaire entre les sexes et que la principale différence vient du fait que les hommes endossent moins le sentiment de perte de contrôle et la détresse psychologique associés aux épisodes de compulsion alimentaire, ce qui peut entrainer une sous-estimation de la prévalence de l’HB chez les hommes (Grucza, Przybeck, & Cloninger, 2007; Hudson et al., 2007; Reslan & Saules, 2011).
Dans l’H8, les hommes et les femmes qui consultent pour un traitement éprouvent un degré de honte équivalent associé à leur trouble, et ce sentiment n’est pas relié à l’indice de masse corporelle ni à la fréquence des épisodes de compulsion alimentaire (Jambekar, Masheb, & Grilo, 2003). Ce sentiment semble davantage associé à une insatisfaction générale par rapport au corps chez les hommes, tandis que chez les femmes, la honte est davantage liée au poids (Jambekar et al., 2003) et orientée vers la recherche de minceur (Bhadra, Grünewald, Creasey, & Thomas Mortimer, 2002). Les hommes et les femmes souffrant d’HB ne diffèrent pas de manière significative au niveau des caractéristiques associées à la symptomatologie, au niveau de la sévérité .des symptômes dépressifs ou de l’ estime de soi; par contre les hommes rapportent des différences significatives quant aux antécédents et aux difficultés accrues liées à l’abus de substances (Barry, Grilo, & Masheb, 2002; Bhadra et al., 2002).
L’HB et ses formes sous-cliniques demeurent des troubles alimentaires rencontrés plus fréquemment chez une population d’adultes comparativement aux enfants et aux adolescents. Par contre, certains auteurs observent que cette distinction semble être davantage attribuable aux critères définissant un épisode de compulsion alimentaire, soit la quantité de nourriture consommée qui doit être objectivement beaucoup plus importante que la normale. Les écrits scientifiques indiquent que la notion de perte de contrôle apparait d’ une façon similaire chez les enfants et adolescents en comparaison aux adultes (Goldschmidt, Aspen, Sinton, Tanofsky-Kraff, & Wiltley, 2008) et que c’ est davantage la notion de quantité objectivement plus grande de nourriture consommée qui distingue ces deux groupes (Tanofsky-Kraff et al., 2007). Ce concept semble plus difficilement quantifiable chez un enfant. En effet, pour un enfant, il est très difficile de définir objectivement une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des enfants absorberaient en un temps similaire dans les mêmes circonstances. Ce critère de quantité (le critère Al du DSM-5) s’ avère essentiel au clinicien afin d’ être en mesure d’évaluer la présence ou l’ absence d’ épisodes de compulsion alimentaire, mais un enfant arrive très difficilement à répondre à cette question. D’une façon similaire, chez les adolescents, c’est davantage la notion de perte de contrôle que la quantité excessive de nourriture qui s’avère associée à un niveau élevé de symptomatologie et à un état dépressif, indépendamment de l’ampleur de la suralimentation (Goldschmidt, Jones et al., 2008; Latner, Hildebrandt, Rosewall, Chisholm, & Hayashi, 2007). Chez les enfants et les adolescents, la présence de comportements alimentaires caractérisés par un sentiment de perte de contrôle demeure parmi les déséquilibres alimentaires les plus fréquemment observés (Goldschmidt, Aspen et al., 2008), et la présence de ce déséquilibre au niveau pédiatrique prédit l’apparition d’un trouble alimentaire (Stice, Marti, Shaw, & Jaconis, 2009; Tanofsky-Kraff et al., 2011 ).
Les notions relatives aux quantités (subjectives et objectives) et à la fréquence La quantité de nourriture consommée dans l’HB représente une quantité objectivement supérieure à ce que la plupart des individus absorberaient en une période de temps similaire (Allison, Grilo, Masheb, & Stunkard, 2005; Engel et al., 2009). Ainsi, le grignotage continuel de petites quantités de nourriture durant une journée entière n’est pas considéré, selon les critères du DSM-5 (APA, 2013), comme un épisode de compulsion alimentaire (accès hyperphagique), ni l’ impression subjective d’ avoir trop mangé lorsque la quantité consommée n’est pas excessive. Les connaissances scientifiques confirment que les personnes souffrant d’HB consomment nettement plus de calories en comparaison des personnes obèses sans HB, peu importe que le repas soit composé de plusieurs aliments (Yanovski et al., 1992) ou d’un seul aliment (Sysko, Devlin, Walsh, Zimmerli, & Kissileff, 2007), que la consommation alimentaire provienne d’un épisode de compulsion alimentaire ou d’un repas régulier (Yanovski et al., 1992). Ces résultats sont également confirmés par Engel et al. (2009), qui révèlent que les individus obèses souffrant d’HB ont des comportements alimentaires objectivement différents des individus obèses sans HB. Les écrits scientifiques associent également le fait de manger très rapidement, l’un des critères diagnostiques liés à l’HB (critère BI) du DSM-5 (APA, 2013), à une augmentation de la dyslipidémie, à une augmentation du ratio taille-hanche et à des déséquilibres métaboliques. L’HB semble aussi être un facteur déterminant du syndrome métabolique (Kral, Buckley, Kissileff, & Schaffner, 2001). La prise de repas irréguliers représente un comportement fréquemment observé dans l’HB et apparait également comme étant un facteur de risque important du développement du syndrome métabolique (Sierra-Johnson et al., 2008) et des conséquences qui en découlent.
Par ailleurs, Striegel-Moore et al. (2000) indiquent qu’après ajustement pour l’ indice de masse corporelle (l ‘ IMC), c’est davantage la perception de la perte de contrôle que l’ampleur de la quantité de nourriture consommée qui semble définir le marqueur associé à la psychopathologie distincte de l’HB. Cette psychopathologie demeure présente quelle que soit la quantité de nourriture ingérée (Striegel-Moore et al., 2000). Latner et al. (2007) confirment que c’ est le sentiment de perte de contrôle plutôt que la quantité de nourriture consommée qui se révèle le marqueur spécifique des épisodes de compulsion alimentaire. Les connaissances scientifiques démontrent que la fréquence et l’ampleur de la quantité de nourriture consommée lors d’un épisode de compulsion alimentaire ne sont pas liées à une psychopathologie différente (Wolfe, Baker, Smith, & Kelly-Weeder, 2009). Les individus qui ne correspondent pas entièrement aux critères diagnostiques de l’HB, c’ està- dire les individus associés à l’HB sous-clinique, se révèlent avoir une psychopathologie aussi importante que les individus atteignant les critères diagnostiques du DSM-5 (APA, 2013). Ces connaissances empiriques sont également corroborées par les résultats de Marino et al. (2012). Ces auteurs indiquent que les patients obèses ayant subi une chirurgie bariatrique et qui vivent, en post-chirurgie, un sentiment de perte de contrôle lors de leur consommation alimentaire, semblent avoir une perte de poids mOInS importante et davantage de regain de poids suite à leur chirurgie. Par conséquent, le sentiment de perte de contrôle apparait comme un facteur prédictif significatif du regain de poids en postchirurgie suivant une chirurgie bariatrique (Marino et al., 2012).
L’hyperphagie boulimique et l’obésité: deux problématiques distinctes Les écrits scientifiques des dernières années confirment que les personnes obèses ne forment pas un groupe d’individus homogène: ceux présentant de l’HB représentent le sous-groupe ayant le plus de répercussions négatives liées à leur surpoids (Bulik et al., 2002; Engel et al., 2009; Mussell et al., 1996; Ramacciotti et al., 2008; Rieger et al., 2005). Cette section de la thèse précise la problématique de recherche et le cadre plus large dans lequel elle s’inscrit. De plus, on y souligne les caractéristiques qui différencient ce sousgroupe et la contribution unique des travaux de cette thèse quant à l’identification des distinctions importantes entre ces deux populations, soit les individus présentant de l’obésité et ceux souffrant d’HB en surpoids ou obèses. L’ auteure conclut cette section par l’introduction de la variable centrale liée à cette thèse et des liens qu’elle possède avec chacune des variables mises à l’ étude. L’état des connaissances scientifiques et cliniques démontre qu’ il peut exister au sein de la population générale une stigmatisation des personnes obèses, des impacts d’un surpoids sur la santé psychologique et plusieurs croyances populaires visant à renforcer l’idéalisation de la minceur, cependant l’ indice de masse corporelle d’un individu ne montre aucune différence significative sur la psychopathologie de l’HB (Grilo et al., 2013; Hrabosky et al., 2007; Pearl et al., 2014). L’ indice de masse corporelle n’a aucune différence significative sur la variable liée à l’importance excessive que ces individus accordent à leur poids et à leur apparence physique (Grilo et al., 2008, 2013; Hrabosky et al., 2007). Cette variable semble plutôt reliée de façon significative à la sévérité de la psychopathologie de l’HB et elle s’ avère être la variable distinguant les individus obèses sans HB de ceux qui en souffrent (Grilo et al., 2008, 2013; Hrabosky et al., 2007).
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