L’hydrosystème des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, situé dans le centre nord-est de l’Amérique du Nord, abrite 23 000 km3 d’eau. Cette quantité représente approximativement 20 % des ressources en eau douce mondiale et en fait la plus grande réserve d’eau potable mondiale (Hunter et al. , 2015). Ce pourcentage élevé contribue à la perception d’abondance des ressources hydriques dans la région des Grands Lacs. Cependant, cette conception est erronée. Seulement 1 % des ressources hydriques contenues dans les Grands Lacs peut être considéré comme une ressource renouvelable puisque la masse d’eau qui se trouve dans cette région est un héritage de la période glaciaire (Gossling et Michael, 2006). Son bassin versant couvre une superficie de 766000 km2 et occupe une portion des provinces de l’Ontario et du Québec au Canada et une partie des États riverains de l’Illinois, de l’Indiana, du Michigan, du Minnesota, de New York, de l’Ohio, de la Pennsylvanie et du Wisconsin aux États-Unis (CGLG, 2015). De l’amont vers l’ aval du système, on retrouve le lac Supérieur, le lac Michigan, le lac Huron, le lac Érié et le lac Ontario. Ce réseau est relié par quatre voies interlacustres : St Marys, St Clair, Détroit et Niagara. Le principal exutoire des Grands Lacs est le fleuve Saint-Laurent qui termine son cours dans l’océan atlantique (Ehsanzadeh et al. , 2013).
Pendant plus de 10 000 ans, les terres situées en périphérie des Grands Lacs étaient peuplées par différentes nations autochtones. Le 17e siècle est marqué par l’ exploration européenne de l’ estuaire du Saint-Laurent et des Grands Lacs. En empruntant la rivière des Outaouais, la baie Georgienne et le lac Huron furent les premiers à être cartographiées dès 1615 par les explorateurs Samuel de Champlain et Étienne Brûlé. D’ailleurs à partir du lac Simcoe, Brûlé a également exploré le lac Ontario la même année. Les premiers écrits mentionnant le lac Supérieur et le lac Michigan, quant à eux, remontent à 1634 par l’ explorateur Jean Nicolet. Enfin, Louis Jolliet, premier explorateur d’envergure natif du Canada, est l’ auteur des premiers écrits au sujet du lac Érié (Swackhamer, 2014).
Économie et commerce
La richesse des ressources naturelles constituait, et constitue toujours, la pierre angulaire de la région des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Au cours des 17e et 18e siècles, le commerce de la fourrure était la principale activité économique du bassin des Grands Lacs. Le bassin représentait non seulement une source d’approvisionnement en fourrures, mais également une route navigable permettant le transport efficace et à faible coût des fourrures. Le déclin de cette activité économique s’ est amorcé au début des années 1800 en raison de la surexploitation des mammifères à fourrure (castors, martres des pins, loups) qUI les ont menés près du seuil de l’ extinction (Ashworth, 1986).
Par conséquent, on assiste à l’ émergence de l’industrie forestière au début des années 1800, ce qui coïncide avec une forte vague d’immigration en provenance d’Europe. Initialement, l’exploitation forestière avait comme unique fonction d’ assurer la survie des pionniers. La forêt était défrichée pour l’établissement et l’agriculture et des résidences. Un demi-siècle plus tard, les villes de Détroit, Milwaukee et Chicago enregistraient une forte croissance urbaine qui se manifestait par une montée en flèche de la demande en bois d’ œuvre. Chicago connut la plus grande croissance et se hissa au premier rang du marché du bois d’œuvre américain. Jadis, la technologie des transports des billes de bois était dépendante du climat. La matière première était coupée l’hiver lorsque les rondins pouvaient être déplacés facilement sur la glace et la neige et transportés à la métropole, au printemps, par les hautes eaux. Vulnérable aux aléas climatiques, le marché du bois d’œuvre était soumis à une hyper-volatilité des prix. L’ avènement du chemin de fer a suscité des changements dans la nature des transports du bois devenant le mode de transport dominant de l’industrie. Après 1860, l’intensité des activités d’exploitation forestières s’était considérablement accrue en raison des avancées technologiques. La production de bois dans la région des Grands Lacs représentait trois à quatre fois la moyenne nationale. En 1920, l’industrie forestière dans la région des Grands Lacs avait atteint son point culminant et périclitait puisque la plupart des ressources forestières, antérieures à l’ arrivée des Européens, étaient épuisées (Hupy et Antoinette, 2005). Au cours de ces 200 dernières années, les changements observés sont beaucoup plus importants en comparaison aux changements observés par rapport aux 1000 dernières années avant la colonisation. Les superficies forestières de la région des Grands Lacs enregistrent une diminution pouvant atteindre les 40 % et les espaces forestiers restants sont des forêts reconstituées d’ espèces pionnières (Cole et al. , 1998).
Face à cette nouvelle conjoncture économique, le secteur industriel et le secteur agricole devinrent les forces économiques prédominantes dans le bassin des Grands Lacs dès 1940. Le minerai de fer du Minnesota pour la production de l’acier, le calcaire et le ciment pour la construction, le charbon du plateau appalachien pour la production d’électricité et le grain destiné à la consommation et aux exportations étaient des ressources naturelles transportées par barges sur les Grands Lacs (USACE, 2009). En 2010, 322,1 millions de tonnes métriques de marchandises ont transité dans les terminaux maritimes et les ports de l’hydrosystème des Grands Lacs et du Saint-Laurent (Martin Associates, 2011).
Contexte géologique et géomorphologique
Les bassins hydrographiques des Grands Lacs sont divisés en deux parties: une région de basses terres au sud qui repose sur des roches sédimentaires à faible pendage du Paléozoïque et une région de hautes terres constituée de granite, de gneiss et de roches métavolcaniques et métasédimentaires d’âge précambrien (Larson et Schaetzl, 2001). D’après l’ouvrage de référence de Botts (1987), durant l’ère paléozoïque, l’Amérique du Nord a été assujettie à des submersions marines répétées qui « ont déposé des boues calcaires, des argiles, des sables et des sels qui en se consolidant, ont donné des calcaires, des argiles litées, des grès, de l’halite et du gypse ».
Les vallées creusées par l’ action érosive des rivières et torrents furent approfondies et élargies par l’affouillement glaciaire durant les glaciations du pléistocène. En de nombreux endroits, des sédiments quaternaires se sont accumulés dans les Grands Lacs. Ces sédiments suggèrent que la topographie du plancher lacustre n’ est pas le produit unique de l’érosion glaciaire, mais également de dépôts glaciaires et postglaciaires. La première extension glaciaire dans la région des Grands Lacs remonterait à 2,4 Ma. Par contre, la majorité de l’ activité glaciaire aurait eu lieu, il ya 0,78 Ma, lors de la glaciation maximale en Amérique du Nord. Beaucoup d’incertitudes subsistent en ce qui concerne le nombre de fois que le bassin versant des Grands Lacs fut soumis à l’action de la glaciation. Néanmoins, des observations stratigraphiques suggèrent que l’extension glaciaire totale dans le bassin versant serait survenue au moins à 6 reprises depuis 0,78 Ma (Larson et Schaetzl, 2001).
CHAPITRE 1 |