L’historicité des stratégies contre les inondations et des problèmes de mise en œuvre
Il s’agit pour nous de rappeler de manière synthétique quelques éléments qui recadrent le contexte d’aménagement de la Loire avant le milieu du XXe siècle. En effet, depuis les années 1960 jusqu’à nos jours, les différentes solutions avancées en matière de protection contre les inondations ne sont dans l’esprit guère différentes de ce qui a déjà été imaginé durant les siècles précédents : – digues de protection pour les zones à fort enjeu ; – déversoirs permettant de contrôler l’inondation des vals ; – ouvrages écrêteurs sur l’amont du bassin.
De même, la nécessité de travailler à une échelle hydrologique pertinente, le besoin de trouver des solutions palliant les insuffisances de la seule protection rapprochée ainsi que la difficulté que représentent les phases de mises en œuvre sont des constats bien antérieurs au XXe siècle. Les faits anciens permettent de comprendre certaines politiques publiques actuelles, par exemple la restauration de déversoirs sur la Loire moyenne, dont les promoteurs soulignent une forme de légitimité historique. Ils peuvent souligner également une certaine permanence dans les problèmes rencontrés dans la mise en œuvre (Fournier, 2008).
Un fleuve aménagé contre les crues et pour la navigation depuis le Moyen-Age
Les premiers aménagements de protection réalisés à titre privé dans le val de Loire pour une mise en valeur des terres alluviales à des fins agricoles dateraient du VIIIe siècle (Fournier, 2005). Certains faubourgs riverains des métropoles gallo-romaines de Tours et d’Orléans pourraient avoir également bénéficié d’ouvrages de protection rudimentaire (Dion, 1934). Jusqu’au XIIe siècle, les digues riveraines appelées turcies ont vocation à éviter l’ensablement et l’érosion des terres agricoles. Il s’agit d’ouvrages discontinus et submersibles, installés au point d’irruption des débordements. Aussi les premiers habitants du Val de Loire s’installent sur des tertres arasés à hauteur des plus hautes eaux, environ 5 mètres au-dessus du niveau d’étiage (Maurin & Guillou, 2004).
Les ouvrages de protection rudimentaires ne protègent pas les nouvelles populations mais permettent la mise en valeur des terres agricoles. Les premières opérations de protection de grande ampleur sont organisées par Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre et comte d’Anjou en 1160, à la demande des grands propriétaires de la vallée de Saumur. Il fait installer sur de nouveaux ouvrages des familles chargées de leur construction et de leur entretien. Ainsi les premières levées apparaissent pour protéger le val d’Authion ; ce sont des ouvrages continus, habités et plus élevés que les turcies existantes. La prolongation du système de levées s’étend ensuite progressivement durant le Moyen-Age vers l’aval à la basse vallée angevine, et vers l’amont jusqu’à l’Orléanais.
Les richesses et installations
L’historicité des stratégies contre les inondations et des problèmes de mise en œuvre Partie I augmentent dans le val de Loire durant les XIIIe et XIVe siècles, à l’abri des levées. Il semble que l’absence de rupture, permettant l’installation de la confiance dans les levées, soit due à des circonstances météorologiques ainsi qu’à l’étalement des eaux encore possible à l’amont d’Orléans (ibid.)