La diversification de la population étudiante en contexte postsecondaire
Tout comme l’ensemble du milieu scolaire québécois, l’éducation postsecondaire a fait face à de nombreux changements aux plans de sa population étudiante et de ses pratiques au cours des dernières années (Fédération des cégeps, 2010; Vagneux et Girard, 2014). Avec la récente démocratisation du système d’éducation québécois, les établissements collégiaux et universitaires ont été confrontés à une augmentation et une diversification de leur effectif étudiant (Conseil supérieur de l’éducation [CSE], 2013; Consortium d’animation sur la persévérance et la réussite en enseignement supérieur [CAPRES], 2013; Vagneux et Girard, 2014). Désormais, les études postsecondaires ne se limitent plus à une étape de la vie réservée aux jeunes adultes et elles ne sont plus le centre de la vie des étudiants (CSE, 2013). En effet, les étudiants postsecondaires sont d’origines variées et ont des cheminements scolaires plus atypiques que dans le passé (CSE, 2013; Duchaine, Gagnon-Paré, Mercier et Poncelin de Raucourt, 2013). Par exemple, ils occupent des emplois à temps plein, ont une famille, font un retour aux études ou éprouvent des difficultés importantes à l’école (CSE, 2013; Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec [CREPUQ], 2010). Pour le CSE (2013), « la nouveauté réside dans l’intensité des phénomènes observés: est presque devenue marginale la figure traditionnelle de l’étudiant, jeune, engagé à temps plein de façon quasi exclusive dans un parcours de formation régulier » (p. 28). La population étudiante au postsecondaire est donc de plus en plus hétérogène, et cela amène certains défis tant pour les étudiants que pour les milieux d’enseignement.
L’hétérogénéisation de la population étudiante
L’hétérogénéité au postsecondaire se remarque par le fait que « de nouveaux groupes viennent s’ajouter, demandant à l’université d’assumer des responsabilités particulières en matière d’accueil, d’intégration et de formation de ces étudiants }) (Réseau de l’Université du Québec [UQ], 2012, p. 8). En effet, il appert que les étudiants fréquentant le réseau collégial présentent des problématiques ou des difficultés variées et proviennent d’origines ethniques de plus en plus diversifiées (Barile, Mimouni et Fichten, 2013; Barile, Nguyen, Havel et Fichten, 2012). À ce titre, parmi ces nouveaux groupes d’étudiants, dans son mémoire, la Fédération des cégeps (2015) mentionne qu’en 2013, le réseau collégial public accueillait 2519 étudiants étrangers, alors qu’il y en avait 1216 en 2006, ce qui représente une hausse de 107 %. En 2018, on comptait 45 086 étudiants étrangers fréquentant le milieu universitaire, alors qu’ils étaient 32870 en 2013 (Bureau de coopération interuniversitaire [Bel], 2018). La diversité étudiante se traduit également par la présence croissante d’étudiants autochtones: la Fédération des cégeps (2015) note une hausse de 50,9 % entre 1999 et 2004. En effet, ces étudiants sont passés de 501 en 1999 à 756 en 2004, pour baisser à 475 en 2011 et remonter à 500 en 2013. En 2015, ils étaient 455 (Fédération des cégeps, 2016). Aussi, en 2011, 10 % des autochtones de 16 à 24 ans détenaient un diplôme universitaire comparativement à 6 % en 2001. Bien que les étudiants autochtones soient plus présents dans les universités, il semble qu’ils accusent un retard important pour le taux de diplomation en comparaison avec les autres groupes d’étudiants (Duchaine et 01.,2013).
En plus des étudiants étrangers et autochtones, les étudiants en situation de handicap et ceux de première génération2 sont de plus en plus présents au postsecondaire, et ils font aussi partie de ces nouveaux groupes d’étudiants. En effet, « en 2013, 9554 étudiants en situation de handicap fréquentaient le réseau collégia l public, soit sept fois plus qu’en 2007, alors que ce réseau ne comptait que 1303 de ces étudiants» (Ducharme et Montminy, 2015, p. 7). La Fédération des cégeps (2015) ajoute qu’en 2014, les réseaux publics et privés dénombraient 11337 étudiants en situation de handicap, représentant une hausse de 770 % depuis 2007. En 2015, ce nombre était de 12733 (Fédération des cégeps, 2016). La Fédération précise également que cette catégorie d’étudiants possède un taux de croissance annuelle moyen de 33,4 % depuis 2010. En contexte universitaire québécois, le nombre des étudiants en situation de handicap aurait doublé en dix ans, passant de 1645 en 2003 à 3971 en 2011 (Macé et Landry, 2012). Cette hausse s’est poursuivie jusqu’en 2017, où le réseau universitaire compte désormais 14652 étudiants en situation de handicap (Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap [AQICESH], 2015). La Fédération des cégeps (2015) ajoute que la « hausse concerne l’ensemble des étudiants en situation de handicap, mais plus particulièrement ceux qui présentent un trouble d’apprentissage, un trouble de santé mentale ou un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) » (p. 22). Dans le réseau des universités québécoises, ces troubles représentent 61 % des situations de handicap recensées par l’AQICESH en 2015. À son tour, la Fédération des cégeps (2015) précise que selon les données de l’Association des collèges privés du Québec, le nombre d’étudiants fréquentant un collège privé subventionné et présentant un trouble d’ apprentissage, un trouble de santé mentale ou un trouble de déficit de l’attention (avec ou sans hyperactivité) a pratiquement doublé entre 2011-2012 et 2013-2014, passant de 821 étudiants à 1560 étudiants (p. 7).
Malgré tout, il apparaît que ces chiffres pourraient être plus élevés que ce que l’on croit actuellement, alors qu’ « approximativement neuf étudiants sur dix ayant des incapacités ne s’inscrivent pas aux services spécialisés » (Bonnelli, Fer/and-Raymond et Campeau, 201O, p. 11). À cela, Vagneux et Girard (2014) ajoutent que seuls les étudiants qui déclarent leur situation de handicap sont comptabilisés dans les données sur les étudiants en situation de handicap. Ainsi, les étudiants n’ayant pas de diagnostic, ne se sachant pas être en situation de handicap ou refusant d’être identifiés ne font pas partie des statistiques mentionnées au préalable. Ces étudiants présentent quand même des besoins éducatifs particuliers auxquels il importe de répondre.
Ainsi, il est permis de croire que l’accès et le développement des mesures d’aide des ordres primaire et secondaire contribuent à ce que les étudiants en situation de handicap accèdent en plus grand nombre à des études supérieures (CREPUQ, 2010; Vagneux et Girard, 2014;). Aussi, le dépistage et le dénombrement plus attentifs révèlent plus aisément leur présence au postsecondaire (Vagneux et Girard, 2014).
Les étudiants de première génération universitaire font également partie des groupes qui diversifient l’effectif universitaire. Effectivement, Bonin et Girard (2013) précisent que ce groupe représente 58 % de l’effectif étudiant dans le réseau des universités québécoises. Il est à noter que cette proportion est plus élevée en région (Duchaine et al., 2013; UQ, 2012).
L’INTRODUCTION |