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LES TYPES DE VIOLENCE DANS LE CORPUS
Plusieurs types de violence sont manifestés dans le corpus, on peut même affirmer que l’œuvre toute entière repose sur ce thème.
La violence politique
La thématique de l’œuvre étudiée est profondément marquée du sceau de la violence politique. Celle-ci constitue la toile de fond du récit et le mécanisme responsable de la mise en marche de ses évènements. Le texte est consacré, dans son intégralité, à raconter la situation politique du pays durant et d’après 2002. Dans Za, on trouve plusieurs manifestations de la violence politique.
Usage de la force comme manœuvre politique
L’usage de la force est un des moyens utilisés des politiciens et des dirigeants du pays pour assurer la continuité de leur pouvoir. Cette soif du pouvoir et ce désir de toujours y rester pousse les hommes politiques à user tout ce qui est en leur possession, les amenant parfois à faire des choses et des actes horribles.
Dans ce roman, Za est emprisonné avec des politiciens, des opposants du parti au pouvoir et des hommes politiques ayant changé de camp; il est témoin des façons que celui qui gouverne fait subir à ses rivales. Pour éviter que ces derniers ne sèment le trouble dans l’esprit de la population, il les emprisonne, les tortures, et les maltraite de la façon la plus immonde qui soit. Mais Za non plus n’était épargné par ces maltraitances. Par rapport à sa torture voici comment Za décrit leur façon de procéder :
« ILS vous déséquilibrent, vous tombez ILS vous écrasent la poitrine d’un cou de talon, vous suffoquez, vous cercez vos poumons ILS écrasent le cœur du même talon, vus perdes le souffle, ILS vous montrent qu’ILS ont doigt sur la détente ILS vous enfoncent le canon dans la bouce ILS cercent vos dents avec le viseur ILS tournent et tournent le canon, le viseur casse vos dents, blesse votre palais, meurtrit votre langue… vous sentez une saleur entre vos zambes, vous avez fait dans votre pantalon ILS ressortent l’arme de votre bouce, l’air dégoûté ILS vous enfoncent l’arme dans le pantalon souillé ILS cercent votre trou du cul Tu avoues donc de ce côté-ci de ta bouche qu’ILS disent, ILS vous enfoncent le canon dans le cul, le viseur vous décire, vous saignez dans votre merde Arrête de saigner tu salis mon arme ! ILS arracent l’arme de votre cul, vous avez plus mal encore, vous tombez.ILS vous relèvent et vous remettent le canon au nez. Sens l’odeur de ta merde et de ton sang… »
Ce passage est descriptif. Décrire signifie donner une image, l’intention de l’auteur étant ici de faire imaginer c’est-à-dire créer une image dans l’esprit du lecteur. Dans ce passage cette image est atroce et abominable voire insupportable : il y existe tant de violence physique (des coups, du sang, des blessures, etc.) et de violence verbale (les propos violents et brutaux). Le réalisme de cette description choque n’importe quel lecteur à cause de ce souci du narrateur d’être direct mais aussi le fait que tout ait été si bien détaillé.
L’auteur a l’intention de toucher le public et l’inciter par la suite à prendre connaissance des abus de pouvoir et de force des dirigeants, les persécutions et les maltraitances qui règnent dans l’univers politique malgache.
Ce qui est évident aussi dans ce passage du côté forme c’est l’aspect typographique, les majuscules qui sautent tout de suite aux yeux quand on y jette ne serait-ce qu’un tout petit coup d’œil.
Za est pronom personnel et nom propre dans le roman mais il n’est pas entièrement en majuscule alors que le pronom « ILS » l’est.
Le pronom « ILS » qui est un indice de la non-personne désignant un être ou objet ne participant pas à l’énonciation représente dans ce passage les persécuteurs de Za.
En utilisant le pronom « vous le narrateur désigne lui-même et toutes les personnes qui ont subit les mêmes tortures que lui. « Vous » est un indice de la personne. Ce déictique représente et désigne la personne à qui le locuteur s’adresse dans une situation d’énonciation.
Ainsi en lisant « ILS vous déséquilibrent », en tant que lecteur donc, nous constatons que c’est comme si le narrateur s’adresse à nous. Le « vous » inclue le lecteur et par ce fait l’intention de l’auteur est de faire participer ce dernier à l’histoire pour que les cruautés et les barbaries soient bien perçues. Etant donné qu’il s’agit d’un auteur Malgache, il vise comme public premièrement des lecteurs malgaches francophones car il faut connaitre la culture, les évènements historiques du pays ainsi que la réalité quotidienne malgache pour bien saisir le message véhiculé dans cette œuvre.
« Vous » ici représente alors tout le peuple Malgache, lequel se laisse exploité, utilisé et piétiné tous les jours. Les malgaches se font torturés aussi indirectement par « ILS » c’est-à-dire les politiciens et les gouvernants qui eux deviennent de plus en plus riches de jour en jour tandis que la majeure partie de la population vit dans la misère et la pauvreté.
« ILS» est donc en majuscule puisque cela englobe toutes les institutions, tous les organismes, toutes les personnalités politiques. La souffrance et la douleur de Za représente la misère et la pauvreté intense dans laquelle la population Malgache vit et ce sont les politiciens qui en sont à l’origine. « ILS » ici en majuscule fait ainsi figure de dénonciation voire d’accusation : bref la majuscule est ici un procédé de mise en relief pour mettre en évidence tout cela.
La dictature
Jean Luc RAHARIMANANA à travers l’écriture de cette œuvre avait pour objectif de dénoncer la dictature mise en place dans le pays à l’époque.
Dollaromane est celui qui dirige le pays. Pourtant le mot président n’est mentionné dans ce corpus qu’une fois. En effet, ce dernier est considéré comme un véritable empereur « lui, le seul, l’unique, leur candidat, leur champion, leur président… j’aurais surtout exercé une portion du pouvoir de l’un, l’unique, de l’ultime Dollaromane… » il est caractérisé par le narrateur comme un « dictateur », mot qu’on trouve plusieurs fois également dans le livre
Dollaromane a comme racine le mot « dollar ». Dollar pour montrer son caractère insatisfait : son soif interminable d’argent, de pouvoir et de richesse, d’or comme il le dit dans le livre : «L’objectif de tout ça c’est l’or.»
On démontre dans l’histoire sa façon de diriger qui est basée sur la dictature. On doit lui obéir, l’acclamer et accepter tout ce qu’il dit à l’image de la Dame internationale qui était obligé de louer sa grandeur et sa droiture bien qu’elle ait aperçu et pense le contraire pour sauver sa vie, il l’a menacée devant ses ministres et militaires.
Il décide de toute chose tout seul, et les personnalités qui sont autour de lui ne sont que des pions : il leur impose tout. Il peut leur demander n’importe quoi. C’est une terreur sans pareil, un véritable « coupeur de tête » au sens propre car il n’hésite pas à tuer ou à faire tuer quelqu’un et au sens figuré aussi car il a tout le pouvoir d’écraser n’importe qui se mettant au travers de sa route. C’est un homme qui n’a pas de sang froid : « Car Dollaromane ne connait ni sommation, ni négociation. Car Dollaromane ne parlemente ni ne palabre. »
Il considère comme étant des ennemis de la nation ceux qui ne sont pas consentants vis-à-vis de ses principes, ses plans, ses projets, sa politique. Ainsi personne n’ose s’opposer directement à son régime politique.
« Za voit que ce qui n’entrent pas dans le plan de votre connerie-ceux qui ont dénoncé comme vous aimez le garganiser-ceux dits maintenant ennemis de la Nation, traîtres en la Patrie, terroristes et déstabilisateurs, sont bas bien bas … »
D’ailleurs ceux qui osent s’opposer à lui sont soumis à des menaces voire des emprisonnements et des tortures.
La dictature est un régime politique totalitaire, établi et maintenu par la violence et l’oppression, dans lequel un homme ou un groupe détiennent un pouvoir absolu. Cette façon de diriger est une manifestation de la violence politique.
En réalité, l’auteur souhaite dénoncer la réalité politique du pays du début du deuxième millénaire, le système et les principes posés par les gouvernants : toutes ces formes d’abus, de vol, de mensonge, et de tromperie qui salissent le domaine politique malgache ainsi que la dictature mise en place par le régime au pouvoir.
De façon implicite, l’auteur veut parler dans ce livre d’un homme politique en particulier, un politicien dont le nom est mentionné une seule fois dans l’œuvre. Ce roman présente les jugements de l’auteur par rapport à cette personnalité politique Malgache.
La colonisation indirecte
Il est toujours complexe de définir le genre de relation que Madagascar a avec ses pays partenaires. Les pays en voie de développement qui regorgent de richesses et de ressources comme Madagascar intéressent les grandes puissances mondiales et ces dernières se battent pour avoir cette place.
La France depuis l’indépendance demeure un partenaire essentiel du pays, cependant en 2002, avec l’arrivée du président de la troisième république, les Etats Unis commençaient à prendre petit à petit une place beaucoup plus privilégiée.
En fait, Madagascar est une île riche mais dont les habitants sont pauvres. Toutes ressources naturelles et minières y sont abondantes. L’auteur est plus qu’explicite lorsqu’il utilise la métaphore « crâne d’or » pour le désigner car le pays regorge réellement d’or. En réalité ce sont toutes ces richesses qui intéressent les pays riches : l’or au sens propre.
« Et tu crois que j’ai besoin de toi pour tout cela. Crois-tu que les bailleurs ne le savent pas. Ils s’en foutent. C’est de crâne d’or qu’ils ont besoin ! L’or !Je te signe tes accords de coopération, je te négocie tes traités et tes alliances militaires, commerciales, culturelles, politiques, je te témoigne mes amitiés et tutti quanti mais le but de tout ça c’est l’or. » p.279 Les pays riches veulent tous devenir partenaire de la nation car ce qui les intéresse c’est l’or et les richesses du pays. Aucun accord n’est signé si cela ne leur est pas avantageux au maximum, aucune aide n’est gratuite.
Madagascar n’arrive pas à faire marcher son économie tout seul : jusque là le pays dépend des aides et des financements venant de l’étranger. Les investissements, les financements sont en réalité des prêts qui seront à jamais, pour toutes les générations futures, des dettes à payer. Cela offre aux pays partenaires le droit de se mêler des affaires de l’état : c’est comme s’ils dirigent indirectement le pays, mais également le droit d’exploiter tout ce qu’ils veulent. C’est l’indépendance même de Madagascar qui est remise en question, comme il est dit dans le roman : « …votre indépendance n’est que de la merdre saude servie salée par la mère-patrie, vous vous dites indépendants mais vous ne vives que par la dette qu’elle fourgue à tout va, aides internationales qu’elle vous nomme ça, investissements des bailleurs de fond, vous aurez dix, vingt zénérations à payer encore et encore …»
Le narrateur dans ce passage ne s’adresse à aucun autre personnage, ainsi le « vous » représente ici le lecteur. Un lecteur habitant dans ce pays qui est indépendant officiellement et sur papier mais qui est indirectement toujours dépendant voire colonisé. L’objectif étant toujours pour l’auteur de conscientiser le lecteur à se rendre compte de la réalité.
Cette politique au niveau international est donc basée sur la violence faisant toujours des victimes les pays faibles et pauvres comme Madagascar dont son indépendance n’est que pure vanité. C’est aussi donc une manifestation de la violence politique.
La violence sociale
Nous entendons par violence sociale, ces rapports conflictuels basés sur un abus, un usage injuste de la force. Des rapports qui naissent d’une puissance corrompue, qui font du plus fort un tyran et du plus faible un esclave.
La violence éclate là où la société est injuste, là où la société permet à l’homme de maltraiter l’homme, d’humilier l’homme, de se servir de l’homme, d’ôter sa dignité à l’homme. Là où la société apprend à ses individus le sens de l’intolérance, de la haine, de la rancune et la soif de la vengeance.
La marginalisation
Cette violence sociale se manifeste premièrement par la marginalisation : le fait d’écarter un individu ou un groupe d’individu de la société à cause de sa personnalité, son statut social, son handicap.
Za est un sans abris : « un moins que rien » comme il le dit. Il n’a pas de travail. Il n’a pas de foyer, il dort sur le trottoir, sur les rails du chemin de fer, dans des buses, etc. Il est, sur l’échelle sociale, au plus bas, au niveau le plus inférieur qui soit : « Za est plus bas que terre. »
Cette société n’accorde à ce genre de personne aucune place. Ils sont, on peut dire, marginalisés. On constate dans cette œuvre cette forme de violence l’on fait subir aux plus faibles et démunis : maltraitances, ignorance…
« Za me vautre là par terre d’Andavamamba et occupe le trottoir de tout mon long. Les zens m’enzambent… Les zens descendent un peu sur le côté pour m’éviter… Les zens me donnent un peu de coups de pied pour me déranzer… »
Andavamamba représente la pollution, la misère, la boue, la puanteur… C’est un quartier sale, là où on trouve le plus de bidonvilles dans la capitale, là où la misère règne. L’usage du verbe se « vautrer » ravive la misère de ce personnage : il est dedans, submergé dans cette pollution et cette indigence.
« La nuit est là ; des enfants de la cité Hectare zettent leurs ordures dans le bac, un trop petit ne parvient pas à soulever, il zette à côté, presque sur moi, il ne me voit pas, ils ne me voient pas. »
A travers ces passages on peut voir clairement comment les gens traitent le personnage car il est pauvre. Même les enfants ne lui accordent aucune considération, cet enfant dans ce passage le voit parfaitement mais il fait exprès de l’ignorer. On ne faisait pas attention à lui, on l’ignore volontairement et consciemment quitte à lui jeter des ordures dessus.
Cette société représentée dans l’œuvre reflète la société malgache. Cette société malgache actuelle en effet n’accorde aucune valeur aux personnes de classes inférieures, on les rabaisse, on ne leur accorde aucune importance, on les juges mal. Les sans abris et les habitants des bidonvilles sont mis à l’écart de la société, et même les gouvernants qui sont censés s’occuper de tout le monde les ignorent. De plus la violence envers ces gens se manifeste par le fait qu’il soient obligés de vivre là où toute la ville y jette leurs excréments, leurs détritus, leurs saletés.
L’humiliation
La violence sociale n’est pas obligatoirement matérielle, elle a des formes immatérielles telles que l’humiliation présentée avec force dans notre corpus. L’humiliation consiste à rabaisser l’autre, à l’agresser en se servant de ses points de faiblesse, à l’offenser pour le maintenir inférieur.
Za a dit « ils m’ont frappé à la racine de la pensée » , en effet la souffrance que l’on lui a fait subir n’est pas que physique, elle est aussi psychologique et cela vise même ses sentiments, son intégrité et son humilité. L’humiliation qui lui a été affligée en est la preuve.
Comme dans cette scène, où on insulte Za en le rabaissant de manière très violente:
«Insultes qu’ils te lancent-con de ta mère ravagé par ta langue, tu oses encore parler ? Salive pisseuses que tu as dans la bouche, tu pues avant même de l’ouvrir, ravale tes mots. »
« ILS parlent encore, vous n’entendrez plus. ILS prozètent leurs salives dans vos zoreilles.
ILS prennent vos doigts et hurlent Rince connard ! ILS vous enfoncent le doigt dans votre trou du cul cérébral qu’ILS vous disent Ta cervelle, tu vas la chier par tous les trous du cul de ton corps ! »
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : GENERALITE SUR LA LITTERATURE MALGACHE D’EXPRESSION FRANCAISE DU XXème SIECLE
1-1-CADRE GENERAL DE LA LITTERATURE MALGACHE D’EXPRESSION FRANCAISE DU XXème SIECLE
1-1-1-La première moitié du XXème siècle
1-1-1-1-Les auteurs et écrivains du début du XXème Siècle
1-1-1-2-Caractéristiques des œuvres de l’époque
1-1-2-Une nouvelle perspective de la quête d’identité
1-1-3-La période de silence
1-1-4-La nouvelle génération d’auteurs et d’écrivains (Fin XXème siècle)
1-2-LE ROMAN DANS LA LITTERATURE MALGACHE D’EXPRESSION FRANCAISE
1-2-1-Le début de l’écriture romanesque en français
1-2-2-La nouvelle génération
1-3-PRESENTATION DE L’AUTEUR ET DE L’ŒUVRE
1-3-1-Biographie de l’auteur
1-3-2- Résumé de l’œuvre
1-3-3-Présentation de l’œuvre
CONCLUSION PARTIELLE
DEUXIEME PARTIE : LES TYPES DE VIOLENCE DANS « ZA »
2-1-DÉFINITION DE LA VIOLENCE
2-2-LES TYPES DE VIOLENCE DANS LE CORPUS
2-2-1-La violence politique
2-2-1-1-Usage de la force comme manœuvre politique
2-2-1-2-La dictature
2-2-1-3-La colonisation indirecte
2-2-2-La violence sociale
2-2-2-1-La marginalisation
2-2-2-2-L’humiliation
2-2-2-3-La corruption
2-2-2-4-La violence envers la femme
2-2-2-5-La violence envers l’enfant
2-2-3-L’image de l’enseignant
2-2-4-La violence et la nature
CONCLUSION PARTIELLE
TROISIEME PARTIE : L’EXPRESSION DE LA VIOLENCE
3-1-LE STYLE DE L’AUTEUR
3-1-1-La langue de Za
3-1-2-Le système d’énonciation
3-2- LES TERMES CONNOTANT LA VIOLENCE
3-2-2-Les termes exprimant des sentiments violents
3-2-1- Le champ lexical de la violence
3-3-LES REGISTRES VULGAIRES
3-4-LES FIGURÉS DE RHÉTORIQUE DANS LE CORPUS
3-4-1- La métaphore
3-4-2- La comparaison
3-4-3-L’hyperbole
3-4-4-L’énumération
3-4-5-L’ironie
3-4-5-1- L’ironie de discours
3-4-5-2-L’ironie de faits
3-4-6-La périphrase
3-4-7-L’humour
3-4-8-La répétition
3-4-9-La personnification
CONCLUSION PARTIELLE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE