L’explication de la pérennité par un avantage structurel

L’explication de la pérennité par un avantage structurel

L’analyse en termes de trous structuraux va nous permettre de soulever deux points importants. Premièrement, elle questionne la place privilégiée que le courtier peut occuper en tant qu’intermédiaire et qui le place dans une position de captation des ressources et des flux informationnels. Deuxièmement, elle offre des perspectives d’analyse intéressantes de la rémunération de l’activité de courtage dans un contexte d’avantage structurel.

L’existence de trous structuraux

Le « broker », dans l’analyse structurale, correspond à un acteur qui, au sein d’un réseau, occupe une position structurelle privilégiée lui permettant, par ses transactions, de moduler l’accès aux ressources. L’accès et la circulation de ses ressources ont, notamment, été questionnées du point de vue de la « force des liens Le « broker » peut également être perçu comme celui qui parvient à combler le vide laissé par l’existence de trous structuraux dans les réseaux (Burt 2005) en endossant le rôle d’intermédiaire, de « tertius gaudens » (troisième larron). Ce dernier va tirer avantage des espaces existant entre divers flux d’informations pour asseoir son expertise, en mettant en avant la plus-value informationnelle dont il dispose, tout autant que sa capacité à instaurer et garantir une dynamique de confiance entre différents groupes. Dans le prolongement de ces travaux, il est possible de distinguer les activités de courtage locales, vis-à-vis des hubs (Burt et Merluzzi 2014), ces deux dimensions offrent des avantages plus complémentaires que distincts, et leur identification permet de différencier les activités de courtage locales et les hubs.

L’analyse de réseau permet, du point de vue de cette typologie, de considérer que les courtiers d’affrètement au voyage, se situent, en fonction du niveau d’interconnaissance préalable entre fréteur et affréteur, dans deux catégories : soit dans une perspective d’avantage structurel, lié à la capacité d’être un agent de liaison, soit d’un avantage structurel, lié à une aptitude de coordination des activités. Cette double dimension du métier de courtage est particulièrement présente dans le discours des acteurs. Il est intéressant de constater que le rôle d’expert qui est souvent revenu, dans les entretiens, n’est jamais totalement déconnecté du nécessaire besoin de bâtir une relation personnelle avec les différentes parties prenantes de la transaction commerciale.

Rémunérer l’activité dans un contexte d’avantage structurel

S’intéresser au courtage, c’est aussi poser la question de la contrepartie des services. Traditionnellement, la rémunération du courtier prend la forme d’une commission, le plus souvent calculée sur un pourcentage du montant de la prestation, encadrée et payée par celui qui a loué les services du courtier. Cette forme de rémunération coutumière est encore bien présente de nos jours et notamment dans le La question de la rémunération a été abordée dans le cadre de l’enquête. Si l’ensemble des courtiers interrogés ont déclaré en substance « bien gagner leur vie », obtenir des chiffres précis sur leur rémunération n’est pas toujours allé de soi. Objectiver leur niveau de rémunération s’est révélé complexe. Un contournement de cette difficulté a été envisagé à deux niveaux. Premièrement, tenter une estimation approximative en fonction du récit des affaires dans les entretiens et du volume traité annuellement en se basant sur une commission moyenne de 1.5% sur chacune d’elle. Deuxièmement, en orientant les discussions davantage sur le chiffre d’affaire du cabinet, élément plus facilement accessible dans le discours, plutôt que sur son bénéfice.

Le croisement des entretiens sur ces questions a permis d’estimer d’une part qu’une dizaine d’affaires sont réalisées en moyenne par chaque courtier, en l’espace d’un an et d’autre part que le chiffre d’affaire annuel moyen d’un cabinet de courtage de vrac sec de moins de 5 courtiers est compris entre 400 et 600 000 euros. Quelques discussions informelles lors des périodes d’observation, sont venus complétés ces premiers éléments estimatifs et ont laissé entendre que la rémunération mensuelle, bien que fluctuante en fonction des affaires finalisées, descendaient rarement en dessous des 4000 euros nets et pouvaient être bien supérieures. Seuls deux courtiers, à la tête d’un cabinet de vrac sec ont accepté de me laisser consulter quelques documents comptables, d’années antérieures, inhérent à leur activité. Entre 2014 et 2015, leur résultat net annuel était compris entre 80 et 100 000 euros. Bien que ne constituant pas une objectivation pleine et entière du niveau de vie au sein de cette profession, ces premiers éléments de réponse plaident en faveur d’un mode de rémunération à la commission parfaitement établi dans le secteur maritime et potentiellement lucratif.

Cependant, de nouvelles formes émergent dans le monde du courtage et traduisent de profonds bouleversements, dans la conception du rôle de courtier ainsi que l’opération de courtage. Nous pouvons citer les travaux de Peter Marsden (1982 ; 1983) qui ont apporté un éclairage original sur la question de la rémunération du « broker ». La négociation, par l’ensemble des parties, n’est pas la seule façon de pouvoir s’entendre sur les conditions de rémunération, dans certains cas, ces dernières peuvent être centralement définies. Par exemple, les « discount brokers » (Le Grand 1997) qui opèrent dans le secteur financier, se rémunèrent sans prélever de commissions à leurs clients mais sont rétribués, sous forme de rétrocessions par les sociétés de gestion, en fonction du volume d’actifs placés.

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