L’expanded cinema au Web élargi ou quand le Web sort dans la rue

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Sortir dans la rue : la mobilité

Chacun, pour peu qu’il ait suivi d’assez près la presse durant le mouvement des sanspapiers de l’Église Saint-Bernard au milieu des années quatre-vingt-dix, se souvient de cette image assez intrigante du porte-parole des Sans-papiers de Saint-Bernard, Babacar Diop en l’occurrence, coordonnant l’ensemble du mouvement un téléphone portable rivé à son oreille. L’image avait marqué à l’époque : sans que ce soit explicitement formulé, on s’étonnait de ce qu’un sans-papier puisse être en possession d’une telle technologie, à un moment où ce n’était pas encore tout à fait un produit accessible au grand public.

À ce moment-là, le téléphone portable aurait probablement pu devenir la « machine de guerre » par excellence du mouvement social. Les forces de l’ordre ne s’y sont d’ailleurs jamais trompées. Dans un rapport de juillet 2001 du service d’analyse et de prévention de l’Office fédérale de la police suisse, on pouvait lire : « Certains groupes violents se fondent dans la grande manifestation pacifique et l’utilisent pour se laisser aller à des combats de rue.

Ainsi, un centre de rassemblement situé si possible à proximité du lieu de protestation et équipé de la messagerie électronique et de téléphone mobile est souvent utilisé comme une véritable centrale d’engagement servant à piloter de petits groupes de personnes mobiles (« cluster »)350″. De la même manière, la RAND Corporation, le célèbre think thank américain créé en 1948 qui s’est donné pour objectif de réfléchir en particulier aux problèmes de sécurité et de défense nationale décrit, à de nombreuses reprises dans son rapport Networks and Netwars : The Future of Terror, Crime, and Militancy, le potentiel de dangerosité que représentent les usages du téléphone portable en citant de nombreux exemples.

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Le téléphone portable, une « sale machine » 350 Service d’analyse et de prévention de l’Office fédéral de la police. Le potentiel de violence résidant dans le mouvement antimondialisation.  Ces deux citations l’attestent : le téléphone mobile représente un objet omniprésent dans le médiactivisme même si les activistes ne se le sont pas, jusqu’à une période très récente, réellement approprié. Il reste considéré comme un « objet sale » (« dirty object »), au sens où Stuart Hall définissait ce mot352, en référence au « dirty outside world ».

Cette « face obscure du monde » auquel appartient le téléphone mobile pour les médiactivistes renvoie au monde des opérateurs de télécommunication, qui ont mis sur le marché un objet, véritable « boîte noire », qu’il était impossible de bricoler ou de détourner. Et ceci non en vertu de propriétés techniques intrinsèques à l’appareil lui-même mais à cause de l’interdiction, pour des individus qui n’auraient pas de concession (attribuée en France par l’Autorité de Régulation des Télécommunications), d’accéder aux fréquences des GSM vendues à prix d’or par les États aux opérateurs de téléphonie mobile. Au-delà de sa représentation en termes de boîte noire, le mobile ne bénéficie d’aucun crédit de confiance auprès des activistes qui savent encore comment leurs communications peuvent être facilement écoutées ou brouillées par la police.

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