L’existence d’un gradient d’intégration identité/projet transfrontalier par rapport à la frontière
La coopération transfrontalière apparaît comme une évidence à l’échelle locale du Consorcio. L’identité basque y tient également une place centrale, et cet espace transfrontalier semble constituer une base d’identification partagée par les habitants français et espagnols. En premier lieu, le Consorcio correspond à une unité spatiale, structurée autour de la baie de Txingudi et entourée de montagnes. Cette légitimité géographique se retrouve dans le nom même du Consorcio Bidasoa-Txingudi, mais aussi dans la communication autour de la coopération et les projets menés par le Consorcio. Le projet connu et cité par de nombreux enquêtés à Irun et Hendaye est celui du Chemin de la baie, chemin pédestre longeant le littoral et la baie de Txingudi en traversant les trois villes du Consorcio. Ce projet tend à présenter la baie comme l’élément d’union autour duquel les habitants des trois villes peuvent se retrouver. L’unité géographique est en tout cas un élément mis en avant par les acteurs du Consorcio rencontrés. Pour Pilar Fuertes de l’agence Bidasoa Activa, il constitue une « réalité qui pousse à concrétiser » l’action ; elle parle d’un « même espace urbain démographiquement, vécu » (Carte 8), avec une « mixité complète ». Cette unité géographique peut également représenter un atout économique, notamment touristique pour les trois communes de la baie : plutôt que séjourner dans l’une des trois villes, on cherche à faire séjourner les touristes sur un territoire plus vaste, celui de la baie, et ainsi les faire séjourner également plus longtemps.
Au-delà de cet aspect économique, l’action menée par le Consorcio vise à développer le « vivre ensemble » (M. Peyrelongue) entre les habitants de la baie, un vivre ensemble au sein de cet espace commun ainsi qu’autour d’une identité partagée. L’événement annuel des Txingudi Egunak (journées de Txingudi), fête de la baie de Txingudi, symbolise cette volonté de rassemblement autour du territoire partagé. L’identité basque s’impose aussi comme identité commune au sein du Consorcio. La langue basque, notamment, élément identitaire commun au Sud et au Nord, fait partie des domaines sur lesquels le Consorcio veut intervenir, en promouvant l’usage des « trois langues » autour de la baie, en intégrant l’euskera dans ses documents d’information, en favorisant la formation des personnels au basque ou le recrutement de bascophones. Il faut enfin préciser que la structuration administrative à cette échelle présente un déséquilibre notable. Si les trois partenaires sont des municipalités aux compétences comparables, un déséquilibre peut être noté entre Irun et ses deux partenaires, notamment dans le financement et le leadership au sein du Consorcio. Comme nous l’avons vu, Irun amène 50% du budget, la seconde moitié étant amenée à part égale par Hendaye et Fontarrabie. La structure elle-même est de droit espagnol, et l’agence de développement en charge des projets transfrontaliers, Bidasoa Activa, est au départ l’agence associée à la ville d’Irun (et d’ailleurs basée à Irun). L’importance relative d’Irun par rapport à ses partenaires peut expliquer et justifier cette place dans le Consorcio, ne serait ce que démographiquement (61000 habitants à Irun, 14000 à Hendaye, 16000 à Fontarrabie). Le déséquilibre observé est à nuancer, nous verrons dans les parties suivantes qu’aux échelles plus larges de coopération transfrontalière, certains déséquilibres institutionnels peuvent être mis en évidence.
Une mobilité encouragée entre les trois villes permettant de développer les pratiques transfrontalières
Dans ces cas, ils sont un frein au projet transfrontalier alors que la situation au sein du Consorcio ne semble pas bloquer la dynamique transfrontalière, les trois Le second élément permettant d’expliquer la cohérence de la coopération à cette échelle ainsi que l’existence d’une identité relativement partagée de part et d’autre de la Bidassoa est la proximité entre les trois villes ainsi que l’existence d’infrastructures facilitant d’autant plus l’émergence de pratiques et de liens transfrontaliers. La proximité immédiate des trois villes est évoquée par certains enquêtés à Irun et Hendaye. Ils précisent que passer d’une ville à l’autre ne prend que quelques minutes, et peut même se faire rapidement à pied, les deux centres étant proches. Seul le pont enjambant la Bidassoa les sépare de quelques centaines de mètres. Passer en revanche de Fontarrabie à Hendaye peut sembler moins rapide et aisé, les deux villes se faisant face, séparées par la baie. Cependant, depuis de nombreuses années, les trois villes ont mis en place des moyens de transport en commun permettant de circuler rapidement entre les trois centres. Il s’agit de navettes routières entre les trois villes et d’une navette fluviale reliant Hendaye et Fontarrabie. Cet aspect fonctionnel de la mobilité autour de la baie semblait être selon M. Peyrelongue un domaine incontournable d’intervention pour les trois municipalités, intervention qui n’a pas attendu l’émergence du Consorcio pour faire l’objet d’une coopération. A ceci peut s’ajouter le cas particulier du raccordement de la gare d’Hendaye au réseau ferré espagnol. Il permet notamment de profiter des lignes espagnoles, mais aussi et surtout d’un train urbain local, appelé le Topo, qui permet de rallier les centres urbains espagnols proches de la frontière, jusqu’à San Sebastián.