L’évolution des activités environnementales des entreprises 

L’évolution des activités environnementales des entreprises 

Comme nous l’avons déjà vu, l’attention croissante portée aux questions environnementales est principalement issue de craintes initialement exprimées par les scientifiques. Il faut cependant noter que la prise de conscience et l’appropriation par la société dans son ensemble des problématiques environnementales furent relativement tardives. Ainsi, les premières contestations par l’opinion publique, des effets les plus visibles de certaines pollutions locales, n’apparurent réellement qu’au début des années 70. Par la suite, les deux crises pétrolières de 1973 et 1979 remirent en cause la légitimité des consommations insouciantes de ressources naturelles. Enfin, les accidents technologiques qualifiés de majeurs36 qui eurent lieu à la fin des années 70 et durant la décennie suivante firent des risques industriels un sujet de société majeur. Il faut souligner que les médias ont joué, en relayant ces informations, un rôle fondamental dans la prise de conscience générale vis-à-vis de l’environnement [Janin, 2000]. Du fait des évolutions des préoccupations et demandes de la société, et de leur traduction pour les entreprises par l’apparition de nombreuses réglementations environnementales à respecter, les interfaces entre entreprises et environnement se sont profondément transformées. 

L’évolution des réponses industrielles à celle des problématiques environnementales 

Le premier texte réglementaire associé à la notion d’environnement est l’ordonnance de Jean Batiste Colbert (1669) visant à rationaliser la gestion des forêts. La prise en compte des nuisances industrielles dans la réglementation française est toutefois plus récente. Il faut ainsi remonter au décret impérial du 15 octobre 1810 relatif aux manufactures et ateliers insalubres, incommodes ou dangereux, pour trouver la première trace d’une réglementation environnementale. L’objectif était alors de protéger la population des nuisances olfactives. La loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux et insalubres, organisant l’inspection des installations classées, instaura par la suite les premières démarches de contrôle des impacts des entreprises sur l’environnement [Gondran, 2001]. Cependant, le véritable élan 36 Seveso, 1976 : accident d’une usine chimique au Nord de l’Italie. Three-Miles-Island, 1979 : accident sur un réacteur nucléaire au Etats- Unis. Bhopal, 1984 : Accident survenu dans une filiale du groupe Union Carbide en Inde. Tchernobyl, 1986 : Accident dans un site nucléaire en Ukraine. Sandoz-Bâle, 1987 : Pollution majeur du Rhin suite à l’incendie d’une usine pharmaceutique. Le comportement de protection de l’environnement des entreprises industrielles de la conformité réglementaire à l’anticipation stratégique de prise de conscience environnementale ne s’est généralisé en France que vers les années 60 (Boullet, 91)37. L’évolution fut ensuite rapide. Chapuy [Chapuy, 2003] distingue au cours des quarante dernières années, quatre étapes clés dans l’évolution des réponses que les entreprises apportent aux problématiques environnementales. Ces dernières ne doivent toutefois pas être perçues comme des évolutions systématiques applicables à chaque entreprise. 

L’étape d’antipollution

 Au cours de la première étape, nommée étape d’« antipollution », les exigences environnementales se sont principalement traduites par la mise en œuvre de grandes politiques publiques visant à réduire localement les rejets industriels de polluants dangereux afin d’améliorer l’environnement et de diminuer les risques pour la santé humaine. Les lois sur l’eau38 et sur l’air39 qui se sont attaquées aux polluants40 majeurs en sont les principaux piliers. Nous situons cette étape entre le début des années 60 et le milieu des années 70. Les entreprises les plus concernées furent celles des grands secteurs de la production industrielle41. Ces dernières mirent en œuvre des technologies de réduction des pollutions de type « end of pipe » aussi appelées « en bout de chaîne », qui visent à traiter la pollution une fois cette dernière générée [Chapuy, 2003]. 

L’étape de prévention

 La seconde étape, qui survint après les chocs pétroliers de 73 et 79, découle d’une période marquée par la volonté de prolongement des efforts d’antipollution. L’élargissement des politiques publiques à la gestion des ressources non renouvelables entraîna la naissance d’une démarche globale visant à l’anticipation des problématiques. Cette étape est appelée par Chapuy étape de « prévention ». Les politiques, notamment d’économie d’énergie ou des matières transcrivaient alors le souci de faire évoluer les techniques de production, les modes de consommations ou encore de conception des produits. L’idée introduite était alors d’éviter de polluer afin de ne pas avoir à dépolluer. Au niveau européen, la directive IPPC42 (Integrated Pollution Prevention and Control) va dans ce sens et vise à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, en se basant sur la notion de Meilleures Techniques Disponibles (MTD ou BAT : Best Available Techniques). 37 Boullet, D., Entreprises et environnement en France de 1960 à 1990 : des chemins pour une prise de conscience, Mémoire de DEA d’histoire, Université Paris X, Nanterre, 55 p, 1991. 38 Loi cadre du 16 décembre 1964, relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution crée les six agences de bassin pour gérer les problèmes de l’eau en France. 39 Loi cadre du 2 août 1961 pose les principes de la réglementation sur la pollution atmosphérique est complétée par la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie du 30 décembre 1996 ; couramment appelée Nouvelle loi sur l’Air, LAURE ou encore loi Lepage 40 Parmi ceux-ci, nous pouvons citer les rejets atmosphériques de SO2 et de NOX, ainsi que les polluants chimiques et organiques des cours d’eau. 41 Industries chimiques, pâtes à papier, traitement de surface, énergie, etc.Dans les entreprises se développa en parallèle la notion de « technologies propres » que nous définirons plus précisément par la suite (2.1.2.3 – p50). L’apparition d’une concurrence entre firmes sur les caractéristiques de produits de grande consommation, tels que les lessives, engendra la création de nouveaux processus de conception des produits intégrant les exigences environnementales, non plus seulement en phase de fabrication, mais « du berceau à la tombe », sur l’ensemble de leur cycle de vie [Chapuy, 2003], [Janin, 2000]. La stratégie IPP43 (Integrated product policy) symbolise cette volonté au niveau Européen. 

L’étape d’intégration 

La montée en puissance dans le courant des années 1980 des préoccupations écologiques fut relayée par les pouvoirs publics par une volonté de prendre en compte systématiquement et le plus en amont possible les objectifs de préservation de l’environnement. Cette phase d’« intégration » de l’environnement dans tous les programmes des politiques publiques et des projets privés généra une remise en cause de la mesure uniquement économique du développement. Les entreprises et plus particulièrement les grandes firmes commencèrent alors à développer des stratégies environnementales élargies et la création de directions de l’environnement en fut le signe révélateur. Par la suite, les démarches de certification qualité se virent complétées par des certifications environnementales qui traduisent alors la volonté de démontrer aux partenaires, aux clients, aux consommateurs et plus généralement au public composé des citoyens, que l’entreprise intègre le paramètre environnement dans son management quotidien.

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