L’ÉVALUATION À L’ÉCOLE: LES EXPÉRIENCES DE L’ENSEIGNANT
L’évaluation du rendement des élèves a toujours fait partie de la tâche de l’enseignant. Cependant, elle a connu une évolution. Il y a quelques années, les élèves ont vécu à l’école la peur de la note. Ils vivaient dans un univers où la punition prenait beaucoup de place . Les erreurs y étaient trop souvent sanctionnées.
Depuis la réforme de l’éducation au début des années 1980, l’évaluation formative a été fortement encouragée. Le pendule a fait un bout de chemin vers des méthodes d’enseignement centrées sur l’élève. Nous sommes passés de l’évaluation sommative, dans laquelle on faisait le total des notes, vers une évaluation formative qui vise à se rapprocher du portrait des apprentissages des élèves.
Comme enseignant, l’évaluation formative semble toujours la partie la plus difficile de la tâche. Il y a un flou. Parfois l’enseignant dispose d’instruments d’évaluation, parfois il n’en dispose pas et doit en construire. Comment vérifier le degré d’atteinte des objectifs fixés? Comment mieux comprendre la nature des difficultés rencontrées par les élèves? Quelles solutions doit-il trouver pour les aider dans leurs apprentissages? Ce questionnement est également partagé par diverses autorités de l’évaluation.
QUELQUES QUESTIONNEMENTS SUR L’ÉVALUATION
Plusieurs auteurs questionnent l’évaluation. Jean Cardinet, entre autres, dans une rétrospective de l’évaluation depuis les cinquante dernières années, conclut qu’il vaut mieux développer l’auto-évaluation des élèves étant donné que l’évaluation ne peut pas, à toute fin pratique, être objective.
Selon De Bal et Paquay-Beckers, il y aurait une série de discordances et de manques de fidélité dans la correction. Ils en relèvent des facteurs internes, dépendant des valeurs du juge, et externes, comme les effets de halo, de stéréotypie, de contamination, de tendance centrale, d’indulgence et de sévérité, d’ordre de correction et de variation des jugements les uns par rapport aux autres. Les auteurs remettent en question la notation des correcteurs individualistes; ils préconisent de faire un travail commun entre le maître et 1 ‘élève pour établir de véritables évaluations critériées .
Dans un article intitulé «La relation noteur-noté», Cécile Delannoy critique le fait que la note mise à 1′ élève provoque une réaction de peur sinon d’inquiétude ou même de culpabilité. Conséquemment, la note est insupportable, car elle comporte un jugement, un jugement de l’autre. L’auteure démontre que l’on se défend naturellement d’être jugé. Ainsi l’on fera un travail modèle lorsque «l’inspecteur» viendra mais, aussitôt parti, on fera ce qu’on veut.
Gérard Scallon, professeur à l’Université Laval, soutient que, dans un contexte de formation, il convient d’ adopter plutôt une perspective didactique dans laquelle la rétroaction elle-même devient le moyen de régulation. À cause de sa fonction de régulation des apprentissages, qui implique des décisions d’ordre pédagogique , il apparaît de plus en plus évident que la pratique de 1′ évaluation formative doit être abordée dans une perspective d’évaluation-décision.
Ce simple survol chez quelques auteurs dans le domaine de 1′ évaluation nous amène à penser que le terrain est encore en friche. S’il 1′ est chez les spécialistes de la question, il l’est encore plus dans la pratique quotidienne de l’enseignant.
PROBLÉMATIQUE DANS UNE PRATIQUE DE L’ÉVALUATION FORMATIVE
Le milieu d’intervention
La recherche est réalisé par un enseignant qui pratique au primaire depuis 1989 à la Commission scolaire Rouyn-Noranda. La recherche-action se déroule dans une municipalité d’un peu plus de 4 000 habitants. L’école regroupe environ 350 élèves. Le groupe-classe de cinquième année et son titulaire se retrouve avec douze autres groupes-classes répartis de la troisième à la sixième année.
Les difficultés rencontrées
Dans le contexte actuel, où l’élève apprend à participer davantage à l’évaluation, il y a une différence entre le dire et le faire. Ainsi, dans l’ensemble des groupesclasses de cinquième année de 1 ‘enseignant, celui-ci a toujours observé des élèves qui réussissent mieux que d’autres en production écrite. Il a beau vouloir aider les élèves les plus faibles à mieux réussir, il lui semble que rien ne change. Les bons élèves, en début d’année, restent bons, les moyens demeurent moyens et les faibles continuent à éprouver des difficultés. Est-ce qu’il est victime de l’effet de stéréotypie relevé par De Bal et Paquay-Beckers cités plus haut? Comme enseignant, il s’est toujours préoccupé et interrogé sur ce phénomène d’un résultat scolaire quasi prévisible. Pourtant, il fait cheminer les élèves avec les mêmes outils de travail, comme l’application de techniques de relecture ou encore de grilles de relecture. Pourquoi certains élèves réussissent-ils mieux que d’autres dans l’utilisation de ces moyens pour améliorer leurs textes écrits? Il a observé au cours des années que les habiletés des élèves varient quand vient le temps de corriger les productions écrites. Chaque élève n’agit pas de la même manière.
Les difficultés rencontrées par l’ élève
Quand vient le temps de relire et de corriger son brouillon, l’élève est appelé à utiliser des grilles de relecture pour réfléchir sur 1 ‘organisation de son texte, sur le choix de ses informations, sur le respect des codes grammatical et lexical. C’est lors de cette étape cruciale d’auto-évaluation que les comportements divergent. Certains élèves utilisent les grilles avec compétence, c’est-à-dire qu’ils cochent comme réussi un critère à atteindre et 1’ ont effectivement atteint, ou encore cochent un critère qu’ils n’ont pas atteint et cherchent alors à y remédier. D’autres sont malhabiles avec les grilles, ils pensent qu’ils ont réussi leur objectif, ou bien ne semblent pas motivés à les utiliser.
Les problèmes liés à l’ auto-évaluation
Les élèves qui utilisent leurs grilles de relecture avec aisance semblent réfléchir à chacune des étapes de la relecture. Ils portent alors un jugement juste dans l’ensemble sur leur démarche d’écriture et corrigent, régularisent leurs textes en conséquence. Par contre, les élèves qui sont malhabiles avec les grilles sont tantôt optimistes dans leurs jugements, ils pensent que c’est bon alors que ça ne l’est pas, tantôt pessimistes, ils pensent qu ‘ils n’ont pas réussi alors que c’est bien. Il y a enfin ceux qui ne semblent pas motivés à utiliser leurs grilles de relecture. Est-ce par crainte de se creuser les méninges? Est-ce par paresse? Est-ce par excès de confiance? Est-ce trop difficile? Bref, les élèves n’agissent pas tous de la même manière lorsque vient le temps de s’auto-évaluer dans leurs productions écrites.
L’INTRODUCTION |