L’eutrophisation processus normal dans le cycle de vie de la plupart des lacs

Facteurs en cause

Le phosphore (P) et l’azote (N) sont les nutriments clés à la base de la problématique d’eutrophisation. Ces éléments comptent parmi les constituants fondamentaux des êtres vivants et sont nécessaires à la productivité primaire. Or, leur concentration dans les environnements aquatiques est généralement beaucoup plus faible que les besoins des organismes photosynthétiques, ce qui limite leur développement et leur multiplication (Istvánovics 2009). En particulier, le phosphore est généralement le principal agent limitant dans les lacs (Schindler 1977) et c’est pourquoi il joue un rôle crucial dans l’eutrophisation (Correll 1998).

L’eutrophisation est un processus normal dans le cycle de vie de la plupart des lacs et survient habituellement de manière graduelle sur une longue période de temps. Par ailleurs, le phosphore et l’azote sont naturellement présents dans l’environnement et sont transportés dans les lacs via l’atmosphère, les eaux souterraines et le ruissellement à la surface des sols, par exemple. Il arrive cependant que les activités humaines telles que les rejets d’eaux usées (source ponctuelle) et les activités agricoles (source diffuse) résultent en un accroissement massif des apports en nutriments. Par conséquent, les lacs subissent un enrichissement rapide et, donc, une eutrophisation accélérée (ou vieillissement prématuré). On parle alors d’eutrophisation culturelle (Smol 2008). Plus rarement, une eutrophisation accélérée peut également être entraînée par des facteurs naturels, tels que des changements climatiques (e.g., Brüchmann et Negendank 2004) ou des épisodes importants de feux de forêt (e.g., Hickman et al. 1990; Enache et Prairie 2000) ou de morts massives d’arbres (e.g., Boucherle et al. 1986; St. Jacques et al. 2000).

Classification trophique des lacs

Les lacs sont généralement classés sous différentes catégories d’état trophique en fonction de leur concentration en phosphore total (PT) et en chlorophylle a (chl a) et de la profondeur observable du disque de Secchi, permettant d’estimer le degré de transparence de la colonne d’eau (OECD 1982). Le tableau 1 présente les intervalles de valeurs utilisés pour ces paramètres par le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) afin de définir les différentes classes trophiques.
De manière générale, les lacs oligotrophes sont caractérisés par une faible concentration en nutriments et productivité primaire, un hypolimnion bien oxygéné et des eaux claires et diluées (Figure 1). À l’opposé, les lacs eutrophes possèdent une concentration en nutriments et une productivité primaire élevées, un hypolimnion anoxique et des eaux turbides. Les lacs mésotrophes présentent des conditions intermédiaires entre ces deux états trophiques (Mason 1996; Schindler et Vallentyne 2008).

Paléolimnologie

Principes théoriques

Les sédiments des lacs sont formés de matériel allochtone et autochtone. La matière allochtone est produite à l’extérieur du lac et consiste, par exemple, en des particules érodées et transportées par les cours d’eau affluents ou en des poussières directement déposées via l’atmosphère. À l’inverse, la matière autochtone est formée à l’intérieur du lac et provient principalement de la décomposition des macrophytes, algues et autres organismes aquatiques et de la formation de précipités chimiques créés selon des processus naturels dans l’eau (O’Sullivan 2003; Smol 2008). Par conséquent, les caractéristiques des sédiments sont représentatives des conditions environnementales prédominantes au niveau du lac et de son bassin versant (Håkanson et Jansson 1983). Or, les milieux lacustres représentent généralement des environnements de faible énergie et sont donc favorables au dépôt et à l’accumulation temporelle des sédiments selon le principe de superposition des couches stipulant que pour une séquence sédimentaire non perturbée, les sédiments en profondeur sont plus vieux et ceux en surface plus récents (Wetzel 2001; Barker 2009). En étudiant les archives sédimentaires, il est donc possible de reconstituer l’évolution temporelle d’un plan d’eau et de son milieu environnant.

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La paléolimnologie se base sur ces principes afin de retracer, par exemple, les changements climatiques historiques régionaux et planétaires, ou encore l’historique de la pollution dans certains milieux lacustres (Cohen 2003; Smol 2008). Elle a notamment permis de mettre en évidence à plusieurs reprises l’impact des activités humaines, telles que les rejets d’eaux usées (e.g., Levine et al. 2012), la déforestation et les activités agricoles (e.g., Pan et Brugam 1997), ainsi que les activités industrielles (e.g., Guilizzoni et al. 2001) et minières (e.g., Kerfoot et al. 1999) sur l’évolution de la qualité de l’eau des lacs. L’approche paléolimnologique consiste typiquement à prélever une ou plusieurs carottes de sédiments au fond d’un lac et à étudier les propriétés physiques, géochimiques et biologiques des différentes couches. Les sédiments en profondeur reflètent son état passé, alors que les sédiments en surface sont représentatifs de sa condition récente (Figure 2). La chronologie de la séquence sédimentaire peut être établie de manière précise à l’aide de diverses méthodes de datation (Last et Smol 2001).

Indicateurs physiques

La variation de la couleur du matériel sédimentaire peut fournir un premier aperçu de structures et de zones stratigraphiques importantes dans une carotte de sédiments. La teinte des sédiments est généralement représentative du contenu en matière organique d’un échantillon (e.g., Soiniemi 1972), mais peut également indiquer des différences au niveau de la teneur en carbonate, de la concentration en fer ou de l’état d’oxydoréduction, notamment (Kemp et al. 2001). L’identification des horizons clés est souvent facilitée ou confirmée à l’aide de mesures quantitatives de la variation du contenu en eau et en matière organique des sédiments basées sur des méthodes physiques d’analyse (séchage et combustion).

Le contenu en eau des sédiments varie verticalement dans un lac en fonction du degré de compaction, mais peut aussi être influencé par différents facteurs, tels que la nature du matériel sédimentaire, ainsi que les taux de sédimentation et niveaux de bioturbation actuels et passés (Håkanson et Jansson 1983). La variation du contenu en matière organique dans une carotte de sédiments est un paramètre important et peut indiquer plusieurs modifications dans la condition historique d’un lac et de son bassin versant. Elle peut, notamment, suggérer des changements évolutifs au niveau de la productivité primaire de l’écosystème. En effet, la plus importante source de matière organique dans les lacs provient souvent de la mort du phytoplancton, bien que les débris organiques en provenance du bassin versant peuvent aussi apporter une contribution importante (Meyers 1997). Le pourcentage de matière organique est également influencé par la quantité de matériel minéral entrant dans le lac (Rowan et al. 1992) et peut donc indiquer une plus forte érosion au niveau des berges ou du bassin versant, par exemple (e.g., Almquist-Jacobson et al. 1992; Brown et al. 2000).

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