L’étude des dynamiques industrielles et des processus d’innovation dépassant le cadre de l’entreprise

L’étude des dynamiques industrielles et des processus d’innovation dépassant le cadre de l’entreprise

Depuis de nombreuses années, les chercheurs en gestion se sont penchés sur les processus d’innovation qui permettent à différents acteurs de renouveler leur offre de produits ou de services, et de faire évoluer les modèles d’affaires et les valeurs associés. L’étude de ces processus d’innovation s’est fait généralement au niveau du projet (Henderson & Clark, 1990 ; Garel, 1998 ; Lenfle, 2008 ; Hooge, 2010) ou de l’entreprise (Le Masson, Weil & Hatchuel, 2006). Cependant, une entreprise n’est pas un élément isolé. Elle s’inscrit dans un écosystème d’acteurs, un réseau incluant par exemple le fournisseur, le client, le prescripteur. Elle n’est donc pas une structure indépendante, mais un élément d’un ensemble de collectifs en interaction, que ce soit par exemple sous des formes de compétition, de complémentarité ou de symbiose. Il apparaît donc pertinent d’étudier les processus d’innovation à une maille d’analyse dépassant le cadre strict de l’entreprise. Divers angles ont déjà été adoptés pour décrire une dynamique industrielle, au sens de l’ensemble des interactions entre un acteur économique et son environnement, du point de vue de la compétitivité et de la productivité. La notion de cluster développée par Porter (1998) désigne des concentrations géographiques d’acteurs − académiques, industriels, institutionnels − autour d’une thématique spécifique. Ainsi, le district italien du cuir et de la confection (Becattini, 2002), la Silicon Valley (Saxenian, 1994) ou encore le cluster du vin californien (Porter, 1998) sont devenus des exemples emblématiques d’un phénomène pourtant connu depuis des années, à savoir que la proximité et la localisation ont une importance forte dans les dynamiques industrielles (Marshall, 1920; Becattini, 1979; Krugman, 1991). Cette notion de cluster permet de souligner les impacts de la co-localisation sur la productivité des entreprises en facilitant notamment l’accès à la main d’œuvre et aux fournisseurs. La co-localisation impacte également les capacités individuelles à innover en facilitant les stratégies de co- développement impliquant les partenaires et les fournisseurs, ainsi qu’en fluidifiant les échanges de biens, de technologies mais aussi de connaissances tacites par des mécanismes de débordement de connaissances (ou knowledge spillover) (Audretsch & Feldman, 1996).

Approfondissant ce focus sur les modalités de la circulation de la connaissance au sein de collectifs, les travaux de Cohendet, Créplet, et Dupouët (2003) ont amené à la caractérisation des communautés de pratique et des communautés épistémiques, structures construites sur une adhésion de l’ensemble des membres à une passion commune ou à une autorité procédurale. Ces communautés peuvent s’incarner dans différentes structures, et sont alors des espaces qui déclenchent « le processus de création de connaissance » (ibid.). La communauté de pratique se distingue de la communauté épistémique dans les modalités structurelles et organisationnelles : la communauté épistémique est structurée dans le but explicite de produire de nouvelles connaissances, alors que ces nouvelles connaissances se développent informellement dans la communauté de pratique via les pratiques et les retours d’expérience sur celles-ci. Les écrits sur les communautés de pratiques montrent ainsi comment les interactions entre acteurs exécutant une même activité contribuent à faire évoluer leurs connaissances respectives (Cohendet, Grandadam & Simon 2008). a notion d’architecture industrielle, c’est-à-dire un modèle de division du travail entre des entreprises liées entre elles. Cette littérature met en évidence les stratégies que peut déployer une entreprise pour influer sur l’architecture de son secteur afin de créer un « avantage architectural »1 dans sa politique d’innovation. Les relations entre les acteurs sont alors perçues comme articulées sur des interfaces qui permettent à deux entités (ou plus) de se partager le travail, dans une perspective de co-spécialisation des acteurs. La notion d’architecture industrielle apporte ainsi un éclairage sur les mécanismes de partage des tâches, ainsi que sur les règles d’appropriation de la valeur créée.Aujourd’hui, les relations d’une entreprise avec son environnement se diversifient et ne sont plus uniquement du ressort du partage de valeur et du travail. En effet, les modalités d’échange et d’interactions entre des acteurs économiques sont complexes et peuvent recouvrir des réalités aussi diverses que la prescription, la réglementation, mais aussi les externalités négatives (comme la pollution des ressources) ou les comportements de stratégie collective (Astley & Fombrun, 1983; Yami, 2003). Pour éclairer la diversité de la nature des liens d’une entreprise avec son environnement, la notion d’écosystème est aujourd’hui devenue incontournable. Le terme « écosystème », emprunté à l’écologie, a été repris par des chercheurs en sciences sociales il y a près de vingt ans (Moore, 1993) pour mettre l’accent sur la prise en compte par les entreprises de l’environnement dans lequel elles évoluent. Beaucoup d’entreprises ont en effet compris les bénéfices qu’elles pouvaient tirer d’une meilleure coordination des différents acteurs impliqués dans leur secteur.

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