L’étendue du basculement du contentieux de l’impayé vers les procédures de surendettement
L’explosion des procédures de surendettement n’est évidemment pas sans incidence. Tout d’abord, il semble opportun de préciser que le principe de la force obligatoire du contrat est de plus en plus soumis aux transformations du fait des entraves économiques et sociales, et la force obligatoire du contrat qui constitue l’un des piliers du droit civil se conçoit mal avec les nouvelles exigences et mutations, notamment législatives, car on ne peut point nier l’influence et l’évolution des législations à caractère social sur le droit des obligations, et sur l’exécution elle-même. Cela étant, le phénomène étudié n’est pas épargné des conséquences de ces législations, particulièrement celles des procédures de surendettement, d’ailleurs, c’est là où résident les facteurs déterminants de ce renversement de tendance, et sa corrélation avec la baisse du contentieux de l’impayé demeure une thèse plausible. En effet, l’instauration de procédures visant à traiter le surendettement des particuliers a établi de nouveaux rapports de force entre le créancier et le débiteur. Le recouvrement de créance ne se restreint plus uniquement aux actions menées par le créancier et visant à l’obtention d’un titre exécutoire pour le contraindre de s’acquitter, mais le débiteur avec ses deux figures, celle d’une personne de mauvaise foi ou d’un débiteur malheureux, ne peut plus se contenter d’attendre la décision de la justice qui peut statuer sur le droit et le fait, sans tenir compte des impératifs économiques et sociaux auxquels il pourrait être confronté, ou attendre des mesures de grâce parfois qualifiées de dérisoires devant le dispositif de règlement des situations de surendettement. Mais son action peut intervenir avant même celle du créancier, dans la perspective de chercher une solution adaptée à ses difficultés ponctuelles ou durables, mais insurmontables, ou dont l’exécution ne peut plus se conformer aux engagements pris par lui initialement envers ses créanciers, et qui conduisent finalement à un encadrement du pouvoir du créancier à revendiquer son droit à l’exécution forcée.
Par analogie, le sens de ces changements s’explique essentiellement par le renversement des priorités entre les intérêts du créancier et du débiteur, résultant des interventions législatives tendant à chaque fois à condamner de moins en moins l’impayé, et à prendre plus que jamais en compte les éléments conjoncturels qui peuvent conduire le débiteur à un état d’insolvabilité, et par la suite à un surendettement. On constate une humanisation à l’égard des procédures d’impayé et à l’égard des particuliers qui ont vu combien la force contraignante de l’obligation et son intangibilité se sont atténuées. Abstraction faite des facteurs ayant concouru au recours massif des particuliers aux formulées devant les juridictions civiles pour des affaires relatives à l’impayé, ne peut être négligé, si on tient compte de la corrélation des deux phénomènes (p.1). Il va sans dire que l’exploration de ce lien corrélatif nous amène à porter la lumière sur les fondements juridiques du basculement des procédures de l’impayé vers des procédures de surendettement.
Le contentieux de l’impayé devant les juridictions civiles
Explorer les deux phénomènes nous oriente par la force des choses à analyser respectivement les chiffres du contentieux de l’impayé uniquement devant les juridictions civiles (1), et ceux des procédures de surendettement (2), afin de pouvoir mieux appréhender et mettre en rapport la réalité des chiffres relativement à chacune de ces procédures. Il convient de rappeler que le contentieux de l’impayé tel qu’il est répertorié dans les annuaires statistiques du ministère de la justice en France, repose sur toutes les affaires contractuelles présentant un caractère financier relevant du droit des affaires et du droit des contrats, autrement dit, les demandes liées à l’impayé formulées devant les juridictions civiles et commerciales. Cependant, cette étude se concentrera sur les demandes de contentieux de l’impayé formulées devant les juridictions civiles, et celles réglées par les mêmes juridictions, à l’exclusion des tribunaux de commerce, étant donné que le rapprochement est réalisé avec les procédures de surendettement qui visent particulièrement les particuliers et non pas les professionnels. Par conséquent, les saisines relatives à l’impayé dans lesquelles le débiteur est un particulier sont formulées devant les tribunaux duquel ressort le domicile du débiteur ou de l’un des débiteurs poursuivis, à savoir, les tribunaux de grande instance, les tribunaux d’instance, et les tribunaux paritaires des baux ruraux, ainsi que les juridictions de proximité en ce qui concerne les demandes liées à l’impayé. À ce propos, le nombre de demandes relatives à l’impayé s’est vu considérablement baisser, depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le surendettement. En effet, après une période où le contentieux a atteint des chiffres assez élevés au cours des cinq dernières années des années quatre-vingts, le ministère de la justice a quantifié le nombre des demandes relatives à l’impayé en 1990 à 1 201 339 demandes, partagées entre les tribunaux de grande instance, les tribunaux d’instance, et les juridictions de proximité.
Ces demandes comportent des procédures menées au fond, en référé, et des injonctions de payer, qui occupent la place de la procédure la plus utilisée en matière d’impayé256. En fin de décennies, les demandes de cette nature ont connu une baisse remarquable supérieure à 18% ne constituant plus en l’an 2000 que 978 123 demandes. Ignorant les causes de cette baisse, ces demandes, ont continué à suivre cette tendance, après les légères hausses qui ont suivi l’année 2000, ces demandes ont diminué les années suivantes, atteignant 964 419 demandes de contentieux de l’impayé (dont 613322 sont des demandes de procédures d’injonction de payer, avec 47211 demandes formulées particulièrement devant le tribunal d’instance) soit une baisse générale de 19,72% entre annonce265. Ces hausses peuvent vraisemblablement en être la suite logique, néanmoins, on peut s’en tenir à un constat global qui témoigne de l’importance de la baisse des affaires du contentieux de l’impayé traitées devant les juridictions civiles. En revanche, cette baisse relative au nombre de contentieux de l’impayé réglés par les juridictions ne remet aucunement en question la lenteur de l’institution judiciaire ou son manque d’efficacité quant à la célérité requise pour le traitement de ces demandes au cours des dernières années, étant donné que les demandes de cette nature ont suivi également une tendance baissière plus significative durant la période analysée.