L’espèce Porphyromonas gingivalis 

L’espèce Porphyromonas gingivalis 

Caractéristiques de l’espèce

P. gingivalis est une bactérie à Gram négatif anaérobie stricte, appartenant à la famille des Porphyromonadaceae, ordre des Bacteroidales dans le phylum des Bacteroidetes connu anciennement sous le nom de Cytophaga-Flavobacteria-Bacteroides (CFB) (Nelson et al., 2003). Cette bactérie est fréquemment rencontrée dans les biofilms associés aux sites sousgingivaux, un environnement où la teneur en oxygène est faible. Morphologiquement elle se présente sous forme de coccobacille, d’environ 2 μm de longueur et 1 μm de diamètre, isolée ou en courte chaînette. Sur gélose au sang, P. gingivalis a la particularité de former des colonies à pigmentation noire résultant de l’accumulation dans ses membranes de protoporphyrine dérivée de l’hémine contenue dans le milieu (Holt et al., 1999; Gibson et Genco, 2006). Ce microorganisme, comme la plupart des parodontopathogènes, est dit asaccharolytique, c’est-à-dire qu’il ne métabolise pas les sucres présents dans son environnement (Mouton et Robert, 1994; Gibson et Genco, 2006; Delost, 2014). Son fort pouvoir protéolytique lui permet d’utiliser les peptides et les acides aminés de son milieu comme source d’énergie et de carbone (Mouton et Robert, 1994; Dashper et al., 20009). Pour ce qui est de son implication dans les maladies parodontales, P. gingivalis est l’un des principaux agents étiologiques responsables de la parodontite (Holt et Ebersole, 2005; Greenwood et al., 2012; Mysak, et al., 2014). Cette bactérie représente le parodontopathogène le mieux caractérisé jusqu’à maintenant (Darveau, 2010; Cugini et al., 2013).

Facteurs bactériens de virulence

La virulence d’un agent infectieux se définit comme la capacité d’un microorganisme à causer une maladie ou à interférer avec le métabolisme ou les fonctions physiologiques de l’hôte. Les facteurs de virulence des bactéries parodontopathogènes présentent les déterminants de son pouvoir pathogène (Holt et al., 1999). La multitude des facteurs exprimés leur permettent de coloniser efficacement l’espace gingivo-dentaire, de se multiplier et provoquer la destruction des tissus du parodonte (Amano, 2010). Ces facteurs leur donnent également la capacité d’échapper aux mécanismes de défense de l’hôte (Kinane, 2000).

Les fimbriae

La capacité d’adhésion et de formation du biofilm par P. gingivalis est assurée en grande partie par les fimbriae, structures filamenteuses recouvrant la surface de la cellule bactérienne. Les fimbriae sont constitués par la juxtaposition d’une même protéine, la fimbrilline (Nagano et al., 2012). P. gingivalis exprime deux fimbriae distincts, les fimbriae majeurs FimA et les fimbriae mineurs Mfa1 (Lin et al., 2006). Les fimbriae majeurs ont été proposés comme étant la première structure de la bactérie à entrer en contact avec les surfaces et les colonisateurs primaires (Enersen et al., 2013). En effet, FimA est responsable de la coadhésion à différentes bactéries par l’entremise de différents récepteurs comme la glycéraldéhyde-3-phosphate (GAPDH) déshydrogénase chez certains streptocoques (Park et al., 2005). Des mutants de P. gingivalis déficients en fimbriae n’adhèrent presque pas aux cellules eucaryotes (Weinberg et al., 1997). Le fimbriae de P. gingivalis permet donc l’adhérence à des récepteurs spécifiques des cellules de l’hôte, en particulier les cellules épithéliales. Le gène de FimA n’est présent qu’en une seule copie sur le chromosome de la bactérie (Nagano et al., 2012) et la séquence protéique ne présente pas d’homologie avec d’autres protéines fimbriales (Enersen et al., 2013). Chez P. gingivalis, 6 types de FimA ont été identifiés, et il semblerait que la virulence de P. gingivalis soit influencée par le type de fimbriae exprimé (Enersen et al., 2013). Les fimbriae mineurs permettent eux aussi la coadhésion aux bactéries déjà présentes (Andrian et al., 2006). Ces fimbriae proviennent du gène mfa1 codant pour la sous-unité protéique Mfa. Cette dernière est nécessaire pour la reconnaissance entre P. gingivalis et Streptococcus gordonii (Lin et al., 2006). Les fimbriae sont immunogeniques modulant la production de cytokines pro-inflammatoires comme IL-l, IL-6, et le facteur tumoral de nécrose (TNF-α) et induisent l’activation des lymphocytes T (Gipson et Genco, 2006). Il a été démontré que la production de cytokines par les cellules dendritiques est grandement diminuée lorsque P. gingivalis n’exprime pas de fimbriae majeur (Jotwani et Cutler, 2004). 

Les hémagglutinines

L’activité hémagglutinante de P. gingivalis est liée d’une part aux fimbriae, et d’autre part à des hémagglutinines distinctes des fimbriae à tout stade de la synthèse ou de l’assemblage mais les deux structures forment un complexe (Du et al., 1997). Ces protéines membranaires contribuent à l’établissement de la bactérie dans les sites sousgingivaux (Du et al., 1997 ; Ema et al., 2003). Elles fonctionnent souvent comme des adhésines par lesquelles les bactéries se fixent aux cellules hôtes (Kozarov et al., 2000; Ema et al., 2003). Elles permettent aussi la fixation à l’hème des érythrocytes pour l’acquisition du fer (Song et al., 2005). Cinq hémagglutinines ont été identifiées (HagA à E), dont l’hémagglutinine HagA apparait plus particulièrement impliquée. Elles sont codées par les gènes hagA, hagB, hagC, hagD, et hagE (Lépine et Progulske-Fox, 1996). En effet, l’inactivation des gènes hagA, hagB et hagC a démontré une diminution de l’activité d’hémagglutination de la bactérie (Lamont et Jenkinson, 1998).

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Le lipopolysaccharide (LPS)

Le LPS, constituant majeur de la membrane des bactéries à Gram négatif, est l’endotoxine bactérienne la plus étudiée et sans contredit, la mieux décrite actuellement dans la littérature (Kinane, 2001; Herath et al., 2011). Le lipopolysaccharide est un constituant amphipathique qui fait partie intégrale de l’enveloppe externe des bactéries à Gram négatif. Trois parties distinctes reliées ensemble par des liaisons covalentes forment cette structure bactérienne : le polysaccharide central, l’antigène O et le lipide A. L’activité toxique et immuno-stimulatrice des LPS est attribuée au lipide A (Okada et Murakami, 1998; Doucet et Lowenstein, 2006). Le lipopolysaccharide de P. gingivalis est unique, tant au niveau de la structure chimique du polysaccharide et des lipides A de sa partie centrale, qu’au niveau de son activité biologique, par rapport à ceux des autres bactéries à Gram négatif (Ogawa, 1994; Ezzo et Cutler, 2003). Le LPS est caractérisé par un faible pouvoir endotoxique : le lipide A de P. gingivalis est mille fois moins actif que celui des bactéries entériques. Il est probable que la faible action du lipide A, et surtout sa faible endotoxicité, permet à P. gingivalis de passer inaperçu dans l’hôte, et donc d’envahir le parodonte (Hirschfeld et al., 2001) 

Les vésicules

Les vésicules sont des excroissances de la membrane externe de P. gingivalis. Elles sont exprimées à la surface cellulaire ou relâchées dans le milieu environnant (Mantri et al., 2015). Les vésicules de P. gingivalis ont un diamètre compris entre 50 et 250 nm mais il est majoritairement autour de 50 nm (Xie, 2015). Les vésicules servent de véhicule pour les toxines, les enzymes protéolytiques et les adhésines (Ho et al., 2015), elles contiennent toutes les enzymes synthétisées par la bactérie et stockées avant leur excrétion (Mayrand et Grenier, 1989). Des études ont montré que les vésicules sont impliquées dans l’adhérence, la formation de biofilm, l’invasion et la modulation des réponses immunitaires de l’hôte (Ho et al., 2015). Il est possible que les vésicules protègent ainsi la bactérie en fixant une partie des anticorps dirigés contre elle (Mantri et al., 2015).

Les enzymes protéolytiques

P. gingivalis possède également des facteurs contribuant à l’inactivation des mécanismes de défense de l’hôte et à la destruction tissulaire, soient les protéinases (Kadowaki et al., 2000). Ces dernières interviennent également dans l’acquisition de nutriments. Elles peuvent dégrader la transferrine, une protéine riche en fer et présente en grande quantité dans le liquide créviculaire, afin de fournir une source de fer à la bactérie (Brochu et al., 2001; Olczak et al.,2005) Les enzymes protéolytiques de P. gingivalis sont soit extracellulaires, sous forme soluble ou incluses dans des vésicules, soit liées à la cellule. (Kadowaki et al., 2000) Trois activités protéolytiques sont le fait de protéinases différentes: La X-prolyl-dipeptidyl peptidase est active sur des aminopeptides, les collagénases actives sur le collagène de type I, II et III et les cystéine-protéinases (trypsin-like proteinases) aussi connues sous le nom de gingipaïnes. Diverses protéinases de P. gingivalis ont été décrites, mais l’essentiel de l’activité protéolytique serait du aux gingipaïnes (Huang et al., 2001; Hajishengallis et al., 2006) qui Synthèse bibliographique 20 représentent 85% de l’activité protéolytique totale de P. gingivalis (Bostanci et Belibasakis, 2012; How et al., 2016) et dont la fonction majeure est l’acquisition de nutriments via la dégradation des protéines en peptides (Kristoffersen et al., 2015). Leur activité catalytique est liée à la présence d’un groupement thiol dans la cystéine de la molécule. Sur la base de leur spécificité du substrat, les gingipaïnes sont divisés en Arggingipaïne A et B (RgpA, RgpB) qui clivent la région carboxy-terminale des résidus arginine alors que la Lys-gingipaïne (Kgp) clive la région carboxy-terminale des résidus lysine (Kadowaki et al., 2000; Curtis et al., 2001; Takashi et al., 2006; How et al., 2016). En outre, l’inactivation des défenses immunitaires locales est aussi le résultat de cette activité protéolytique, les gingipaïnes R conférent une résistance élevée aux mécanismes de défense de l’hote, où certaines immunoglobulines, des cytokines et des facteurs de complément peuvent être dégradés, contribuant ainsi à la progression et au maintien de P. gingivalis à l’intérieur de la poche parodontale (Curtis et al., 2001). 

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