Les variables relatives aux caractéristiques organisationnelles

L’engagement organisationnel

L’engagement organisationnel permet de décrire la qualité de la relation entre une personne et son organisation, à l’intérieur d’une orientation théorique proactive et positive. Jusqu’à la fin des années 80, de par sa complexité, ce concept demeurait obscur et confus. Or, l’intérêt croissant de la recherche pour le concept de l’engagement organisationnel, a conduit à d’importants développements tant sur le plan théorique qu’empirique (Meyer, Allen et Smith, 1993). Cet intérêt s’explique par l’importance de cette variable pour la compréhension du comportement des individus au travail. Dès 1958, les auteurs March et Simon, en se fondant sur la théorie de l’échange, font la distinction entre la motivation des individus à participer à l’organisation (rejoindre l’organisation et y rester) et la motivation de produire qui concerne leur propension à être performants dans les tâches qu’ils accomplissent. Depuis cette première distinction, ‘ plusieurs auteurs ont tenté de définir l’engagement organisationnel (Becker, 1960; Brown, 1969; Buchanan, 1974; Grusky, 1966; Hall, Schneider et Nygren, 1970; Hrebiniak et Alutto, 1972; Kanter, 1968; Sheldon, 1971 ).

Depuis 1990, selon Perron et Collier , nombre d’auteurs s’accordent pour considérer la définition de Porter et ses collaborateurs (Porter, Steers, Mowday et Boulian, 1974; Mowday, Steers et Porter, 1979) comme étant la plus exhaustive et la plus fréquemment utilisée dans les recherches contemporaines sur le sujet. Pour ces auteurs, qui sont à l’origine de la clarification conceptuelle de l’engagement organisationnel, trois facteurs le caractérise: 1) une forte croyance et une acceptation des buts et des valeurs de l’organisation, 2) la volonté de réaliser des efforts considérables en faveur de l’organisation et 3) un fort désir d’en rester membre. L’engagement organisationnel reflète donc l’acceptation par le salarié des buts de l’organisation et sa volonté d’agir pour les atteindre. Il apparaît comme une variable importante dans la compréhension du comportement organisationnel. Selon Rousseau (1998), il existe toujours un besoin chez chaque être humain de s’identifier au système social dont il fait partie, un besoin dont la satisfaction est source de bénéfices psychologiques pour l’individu. En ce sens, les organisations disposent donc d’un allié de poids pour favoriser l’engagement de leurs employés.

Le modèle tridimensionnel d’Allen et Meyer Actuellement, l’approche dominante de l’engagement organisationnel est celle développée par Meyer et Allen (1997). Le modèle tridimensionnel qu’ils ont développé a donné lieu à de nombreuses validations (Dunham, Grube et Castaneda, 1994; Hackett, Bycio et Hausdorf, 1994; Ko, Priee et Mueller, 1997; Meyer, Allen et Smith, 1993; Stanley, Meyer, Topolnysky et Herscovitch, 1999) et semble actuellement s’imposer comme la conceptualisation la plus complète de ce construit. Meyer et Allen définissent l’engagement comme « [ … ] a psychological state that (a) characterizes the employee’s relationship with the organization, and (b) has implications for the decision to continue or discontinue membership in the organization» (Meyer et Allen, 1991, p.67). Pour ces auteurs, si l’engagement reste un état psychologique qui reflète la relation des salariés à leur organisation, le concept a désormais plusieurs dimensions. Leur approche fait de l’engagement un construit multidimensionnel à trois composantes : une composante « affective », une composante «de continuation» et une composante « normative ». Meyer et Allen (1997) insistent sur le fait que ces trois composantes coexistent à des divers degrés chez chaque individu et que ces celles-ci sont observables et mesurables.

Il est donc possible qu’un acteur ait le besoin de rester au sein de l’entreprise et en ressente fortement le devoir, bien qu’il n’ait pas pour autant la volonté de demeurer au sein de son organisation. Tout d’abord, l’engagement affectif désigne une identification et un attachement émotionnel à l’entreprise. Ce type d’engagement s’intéresse à la volonté de l’individu d’adhérer à ce que représente l’organisation. L’individu engagé affectivement, s’identifie, s’implique et demeure heureux d’être membre de l’entreprise pour laquelle il travaille (Allen et Meyer, 1990 et Meyer et Allen, 1997). Il s’inscrit directement dans la ligne des recherches de Porter et ses collègues (Mowday, Porter et Steers, 1982; Mowday, Steers et Porter, 1979; Porter, Steers, Mowday et Boulian, 1974). Ensuite, l’engagement de continuation est basé sur les coûts occasionnés par la rupture du lien contractuel avec l’entreprise, comme la perte d’acquis ou d’investissements tels que le salaire, la position hiérarchique ou les relations interpersonnelles. L’engagement est alors fondé sur une évaluation coûts/bénéfices. En d’autres mots, l’engagement de continuation mesure les conséquences pour l’individu d’un départ volontaire. L’individu engagé de façon continue demeure au sein de son organisation parce qu’il en a besoin (Allen et Meyer, 1990).

Cette forme d’engagement s’articule autour de deux théories : la théorie de l’échange réciproque (March et Simons, 1958) et la théorie des avantages comparatifs ( Side Bets Theory); (Becker, 1960) qui témoignent, toutes deux, d’une rationalisation de l’appartenance de l’individu à l’organisation. Elles préconisent que « l’engagement résulte des investissements qu’un individu aura accumulés dans l’organisation » (Savoie et Martin, 1990, p.291). Ceci signifie que le temps passé et l’expérience dans l’organisation sont susceptibles de susciter l’engagement. Face aux efforts investis et aux gains accumulés, il devient difficile pour l’acteur de quitter l’organisation qui l’emploie, suscitant alors le désir de poursuivre la relation individu/organisation. Enfin, s’inspirant des travaux de Wiener (1982) qui considère l’engagement comme une conséquence de l’influence de l’environnement social sur l’attitude individuelle, Allen et Meyer (1990) ont identifié une troisième composante : l’engagement normatif. Cet engagement, quelquefois marginalisé dans la littérature, représente une attitude de loyauté envers l’entreprise dérivée d’un sentiment d’obligation morale à son égard. Ainsi, un individu engagé de façon normative demeure dans l’organisation parce qu’il le doit (Allen et Meyer, 1990). En somme, les individus affectivement engagés restent membres de leur entreprise parce qu’ils le désirent, ceux qui éprouvent un engagement de continuation restent parce qu’ils y sont contraints et ceux qui sont normativement engagés restent parce qu’ils en ressentent l’obligation.

L’intérêt pour le concept de l’engagement affectif

Les conséquences de l’engagement affectif sur les comportements organisationnels présentent une justification appréciable pour s’intéresser à ce concept. Les études qui ont porté sur les conséquences de l’engagement organisationnel démontrent l’importance que revêt, pour les organisations publiques et privées, un employé hautement engagé affectivement. Meyer et Allen (1987) mentionnent qu’un employé fortement engagé affectivement présentera une plus grande motivation ou un plus grand désir de contribuer de façon significative à l’organisation. Il travaillera avec plus d’ardeur et aura un rendement supérieur. Il dirigera son attention vers les aspects performants de son travail qu’il considère précieux aux yeux de l’organisation. Il percevra une congruence entre ses objectifs et ceux de son organisation. Dans la littérature organisationnelle, le processus d’intention de départ des salariés est de loin la conséquence la plus étudiée et la plus importante. Cet intérêt s’explique, en majeure partie, par les coûts exorbitants qui sont associés pour l’organisation à un taux élevé de roulement de personnel.

Qu’il soit mesuré par le biais des intentions de quitter ou par le départ réel, les résultats de plusieurs études montrent que l’engagement affectif est négativement corrélé avec le départ volontaire (Allen et Meyer, 1996; Becker, 1992; Cohen, 2000; DeCottis et Summer, 1987; Jaros, 1997; Mathieu et Zajac, 1990; Meyer, Stanley, Herscovitch et Topolnytsky, 2002; Mobley, 1977; Mowday et autres, 1982; Saba, Lemire et Henri, 2002; Tett et Meyer, 1993; Whitener et Walz, 1993). Mathieu et Zajac (1990), dans leur méta-analyse, ont effectivement relevé une corrélation moyenne de -,46 entre l’engagement affectif et l’intention de quitter, et de -,28 entre l’engagement affectif et le départ réel. D’autres chercheurs, dans leur méta-analyse (Cohen et Hudecek, 1993; Griffeth, Hom et Gaertner, 2000 et Lee, Carswell et Allen, 2000), ont conclu que l’engagement affectif était l’un des meilleurs indicateurs du roulement de personnel. Enfin, corroboré par !verson et Buttigieg (1999), l’étude de Somers (1995) révèle que l’engagement affectif est le seul antécédent au roulement du personnel (mesuré par le roulement et l’intention de quitter) et de l’absentéisme.

Tout comme Becker (1992), plusieurs chercheurs se sont attardés à inclure d’autres variables comme conséquence de l’engagement affectif. L’absentéisme est l’une de ces variables. Que les absences soient volontaires ou non, ses principales mesures sont le nombre d’absences, le nombre de jours d’absence, la ponctualité et la présence au travail. En 1996, Allen et Meyer ont recensé cinq études qui affichaient un lien significatif entre l’engagement affectif et différentes mesures d’absentéisme. Mathieu et Zajac (1990), dans leur méta-analyse, ont eux aussi trouvé des liens entre ces variables. Leur étude révèle qu’un employé engagé sur le plan affectif aura, en général, un taux de présence au travail plus élevé et un nombre moindre de retards qu’un individu non engagé. Plusieurs études (Gellathy, 1995; Hackett et autres, 1994; Meyer et autres, 1993 et Somers, 1995) démontrent que les employés affectivement engagés envers leur organisation sont moins souvent absents pour des raisons volontaires, c’est-à-dire qu’ils décident moins souvent de s’absenter lorsqu’ils en ont le choix. D’autres résultats d’études récentes (Cohen, 2000; Eby, Allen et Douthitt, 1999; Hackett, !verson et Buttigieg, 1999; Meyer et al., 2002; Saba, Lemire et Henri, 2002) concluent également que l’engagement affectif est négativement relié à l’absentéisme. Finalement, l’étude de Gellathy (1995), réalisée auprès d’infirmières d’un hôpital de soins de longue durée, a permis de constater que les employés qui ont un engagement affectif fort envers l’organisation sont moins fréquemment absents que ceux ayant un engagement affectif faible.

Table des matières

REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
PREMIER CHAPITRE CONTEXTE THÉORIQUE
1.1 L’engagement organisationnel
1.1.1 Le modèle tridimensionnel d’Allen et Meyer
1.2 L’étude de la dimension affective de l’engagement organisationnel
1.2.1 L’intérêt pour le concept de l’engagement affectif
1.3 Les antécédents de l’engagement affectif
1.3.1 Les variables relatives aux caractéristiques personnelles
1.3.1.1 Les variables sociodémographiques
1.3.1.2 La perception du sentiment de compétence comme variable d’attitude
1.3.2 Les variables relatives aux caractéristiques organisationnelles
1 .4 Le soutien social
1.4.1 L’émergence du concept de soutien social
1.4.2 Les définitions conceptuelles du soutien social
1.4.2.1 Le modèle de Weiss
1.5 L’objectif et les hypothèses de recherche
DEUXIÈME CHAPITRE DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
2.1 La population à l’étude
2.2 La collecte de données
2.2.1 Les caractéristiques des sujets à l’étude
2.3 Les instruments de mesures
2.3.1 L’échelle de provisions sociales
2.3.2 L’échelle d’auto-efficacité généralisée
2.3.3 L’échelle de mesure de l’engagement affectif
TROISIÈME CHAPITRE RÉSULTATS
3.1 Les qualités métrologiques des instruments de mesures
3.2 Les analyses descriptives
3.3 Les analyses bivariées
3.4 Les analyses multivariées
QUATRIÈME CHAPITRE DISCUSSION
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
APPENDICES
Appendice A : Questionnaire du prétest
Appendice B :Version finale du questionnaire

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