Les Tribulations d’un mage en Aurien
Une pratique de création ludique et collective
Les jeux de rôle sont des jeux durant lesquels les participants, joueurs comme Maître de Jeu (MJ) travaillent, investissent et créent des univers diégétiques souvent issus d’œuvres fictionnelles. Pour ce faire, ces jeux sont dotés d’un panel de règles qui peut être particulièrement conséquent. Ces règles ont le rôle de réguler les actions des joueurs en jeu comme hors-jeu, mais mettent aussi à disposition des composantes facilitant l’inscription des joueurs dans la fiction. Les dés, avatars du hasard, sont ainsi utilisés grâce à divers tableaux que joueurs et MJ doivent connaître, à la fois dans le but de contrôler les actions des personnages joueurs (PJ) mais aussi pour donner des informations sur les personnages non-joueurs (PnJ) – comme leur taille, leur force, leur allure – leurs actions et l’environnement autour des PJ. Si aujourd’hui la pratique du jeu de rôle sur table reste peu visible, ses liens avec d’autres loisirs sont incontestables. Parent des jeux vidéos et des jeux de rôle grandeur nature qui se nourrissent encore aujourd’hui de ses codes et scripts, le jeux de rôle sur table est un élément important dans l’appréhension des productions de la culture populaire (cinéma, séries télévisées, littérature, réseaux internet)
Le jeu de rôle et son contenu
Au cours de ce mémoire, j’ai proposé une analyse des jeux de rôle davantage portée sur le groupe, la création de récit et de liens sociaux par le jeu. Dans ma volonté de rendre intelligible le déroulement d’une partie, la focale a été portée sur un certain nombre de données extérieures au contenu du jeu. J’ai tenté d’étudier comment se crée le récit mais ne l’ai pas étudié en tant que tel. À ce terme, il est possible de constater que les liens tissés en et hors-jeu ont une influence sur la nature et le contenu du récit créé et que ce dernier a lui aussi un rôle important dans le tissage des liens entre participants et entre participants et personnages – l’existence de ces liens réciproques étant le corps même de mon analyse.
Si j’ai présenté les aspects structurels, sociaux, ludiques, littéraires et linguistiques du jeu de rôle, une dimension reste absente – celle de la nature et du contenu des récits. Une fois les contours tracés, je compte dorénavant appréhender les jeux de rôle par leurs contenus, d’en proposer une ethnographie. Les jeux de rôle sont en effet des espaces très travaillés. Y sont présents des systèmes sociaux, linguistiques, religieux, politiques, économiques, de perception du monde différents. En jouant, les participants s’y ouvrent et participent à l’élaboration de ces univers de fiction et apprennent, peu à peu à s’y reconnaître et à s’y référer [Fine, 1983]. Au bout d’un moment, sans avoir vu aucune représentation, chaque membre du groupe est capable de fournir une description d’un paysage ou d’une ville de Centauri II, d’un village des Royaumes Oubliés, peut anticiper le déroulement de rapports sociaux à partir de données présentes en jeu.