Les transformations de la comptabilité et la transition économique
Dans cette section § 3.4., nous nous basons principalement sur les travaux de Richard (1995, 1997, 2000) car ses travaux portent non seulement sur l’ensemble des pays d’Europe de l’Est, mais aussi sur les transformations de la réglementation dans chacun de ces pays : Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Tchéquie et Russie (1995, 1997, 2000). entreprises, les profils et les rôles des législateurs, des comptables et des bénéficiaires de l’information comptable ont entraîné forcément une redéfinition des objectifs de la comptabilité. La comptabilité d’entreprise a pour objectif de fournir de l’information sur l’entreprise. Comment est définie cette information ? La lecture des articles fait ressortir le principe de la « true and fair view » de la quatrième directive qui semble être largement intégré dans la nouvelle législation comptable des pays européens en transition (Richard, 1997 ; Sucher et al., 1996). Ce principe était un dénominateur commun entre les Directives comptables de l’Union Européenne et les normes de l’IASC. Il s’agit d’un principe d’origine britannique et non américain selon lequel les comptables ont la possibilité d’interpréter la réglementation, d’en juger et de l’appliquer. Si le comptable juge que la réglementation ne donne pas la « true and fair view », il peut refuser de l’appliquer. Presque tous les pays d’Europe de l’Est et du Centre ont incorporé le principe du « true and fair view » (TFV) dans leur nouvelle législation comptable. Néanmoins l’adoption de ce principe a plus une connotation politique que pratique parce que ces pays ont copié ce qu’on leur proposait afin de réaliser leur rêve de devenir membre de l’Union européenne. La question qui s’ensuit sera de savoir ce que signifient les mots « true and fair » pour ces nouveaux utilisateurs ? Nous référant à la littérature en langue anglaise nous avons l’impression qu’il existe une certaine homogénéité au niveau du vocabulaire. Mais le principe inscrit dans les textes semble revêtir de significations différentes parfois divergentes d’une personne à une autre, d’une institution à une autre.
Comment les utilisateurs du principe de la « true and fair view » le perçoivent-ils ? Dans une étude dédiée au concept de la »true and fair view » dans la législation Tchèque, Sucher et al. (1996) ont essayé de répondre à deux interrogations : – Premièrement, quelle serait la re-traduction littérale (par littérale, les auteurs entendent une traduction qui respectent le fond et le style du document de départ) vers l’anglais des différentes formulations en langue locale ? – Deuxièmement, que signifient ces mots pour les personnes qui les utilisent à travers la mise en application des textes réglementaires ? A la première question, les auteurs arrivent à une conclusion que la compréhension du mot exprimé en langue tchèque est plus proche du mot « faithful » que celui de « fair and true » parce qu’apparemment les normalisateurs ont travaillé avec la version française de la quatrième directive d’où l’esprit de l’image fidèle prime. Pour répondre à la deuxième question, les auteurs ont mené à l’époque des interviews auprès de représentants des Cabinets des Big Six, de représentants du Ministère des finances, de comptables, d’entreprises et d’analystes financiers en bourse. Les résultats sont relativement surprenants : sur le même territoire, au même moment, chaque profil de personne fournit une interprétation et une application totalement différente l’une de l’autre. Pour le représentant du Ministère tchèque des finances, la révolution de la comptabilité réside dans la distinction entre le résultat comptable et le résultat fiscal. Cette flexibilité accordée au reporting serait autorisée tant que celle-ci ne va pas à l’encontre d’autres prescriptions réglementaires comptables.
Les comptes seront considérés comme « true and fair »46. si les actifs et les dettes sont bien évalués (nets de toutes provisions autorisées), ce qui représente une nouveauté de la comptabilité post- communiste. A ces mêmes questions, un représentant d’un cabinet parmi les ‘Big Six’ a répondu que dans son statut de prestataire de service comptable et d’audit auprès de sa clientèle, il est qualifié uniquement dans l’interprétation du principe de « true and fair view » appliqué dans l’évaluation des actifs telle qu’elle a été stipulée dans la législation comptable locale47 (Sucher et al., 1996, p.551). Selon les auteurs, aucune preuve montre une certaine tendance à aller au-delà de la législation de la part des cabinets d’audit des ‘Big Six’ (Sucher et al., 1996, p. 551) Les comptables tchèques, par contre, expriment une indifférence, vis-à-vis du principe de « true and fair view » parce que pour eux la fiscalité est la préoccupation majeure dans leur travail. La notion de réalité économique ne leur paraît pas important ; et l’argument avancé parlant des omissions dans le calcul les provisions est que ces omissions sont « volontaires » car elles contribuent à offrir une présentation optimiste de la situation financière de l’entreprise auprès des établissements bancaires (Sucher et al., 1996, p. 552). Malgré cette diversité, toutes les interprétations semblent convenir à l’esprit des textes réglementaires. Tout le monde y trouve son compte. L’étude de Sucher et al., (1996) dévoile une réalité presque inévitablement rencontrée dans tous les pays : une situation d’ambiguïté causée .