Les transactions effectuées au sein de structures de gouvernance

Quant à son contenu et aux modalités 

Par lesquelles une structure de gouvernance opère, il convient de remarquer qu’elle ne peut se mettre en œuvre qu’à travers une multiplicité de modes de coordination, qui puisent dans l’ensemble des techniques offertes par un système de relations fondées sur le contrat, la confiance, la routine ou l’autorité, – mettant en œuvre les ressources de l’incitation et de la sanction- suivant des configurations multiples au cœur desquelles se nouent des intérêts économiques et financiers tant immédiats que de long terme .
Pour autant et ceci constitue un point essentiel, la structure de gouvernance ne saurait être réduite à une simple « relation d’Agence » au sens plein donnée à cette notion dans les développements contemporains de la théorie standard15. En effet, au niveau le plus abstrait la structure de gouvernance doit gérer et assurer une compatibilité minimum (qu’on dira « opérationnelle ») entre trois séries de déterminations. Il s’agit de gérer à la fois :
Une incertitude concernant les informations qui concernent les données les plus élémentaires et les plus stratégiques de la vie du projet ; il ne s’agit donc pas ici seulement d’amener des acteurs à« révéler » des informations qu’ils détiennent (et dont ils feraient un usage stratégique dans un cadre d’asymétries d’information) : il s’agit de trouver les procédures permettant d’acquérir (en général au cours du temps) des informations sur l’état du monde, non disponibles et que personne ne détient. Ces informations non disponibles (et non prévisibles) dans les phases initiales du projet, et qui pourtant conditionnent sa menée à bien et sa réalisation, ne peuvent en général être acquises qu’au cours du temps. Ainsi la dimension de « révélateur d’information » ou de (« préférences ») et de mise en compatibilité de ces informations à travers des incitations et des contrats, postulée par la théorie de l’agence (outre les limites postulées par l’hypothèse de rationalité subtancielle qui grève ces approches) est ici inadaptée par principe : les incertitudes qui pèsent ne sont pas levables « par des incitations » : elles sont « de principe ». Au demeurant comme on le verra ces difficultés ne sont pas résolues par des procédures visant à « probabiliser » les états futurs du monde mais par la mise en place de procédures de concertation au cours de la vie du projet de manière à le faire évoluer au fur et à mesure que les incertitudes sont levées. Ainsi comme nous le verrons la coordination se fera ici bien plus par « comités » que par des procédures marchandes appuyées sur des contrats. Une grande variété de connaissances et de savoir-faire qui eux mêmes doivent souvent être associés pour donner naissance des solutions originales et des produits inédits ; il n’existe pas ici de « blue print » des techniques dans lesquelles puiser directement : souvent, l’existence du projet est fonction d’une capacité à concevoir une technique et une solution inédite. Enfin, il faut coordonner et rendre compatibles les intérêts très différents des entreprises et organisation parties prenantes, qui suivant la nature de leurs compétences ou des actifs spécifiques qu’elles détiennent, seront logiquement conduits à des comportements plus on moins ouvertement « opportunistes » ; dans ce cadre, comme nous le montrerons la « rente finale » à partager n’est pas entièrement définissable à priori :elle dépend largement de la qualité des coordinations qui auront pu être mises en œuvre tout au long de la vie du projet, ce qui complique la question de la nature des incitations à mettre en place. Au total, on posera donc que la structure de gouvernance est constitué par le système des règles, conventions ou routines que se sont données les acteurs engagés dans le projet, système qui forme le cadre dans lequel ils vont développer leurs actions. Ce cadre consiste ainsi dans les différents protocoles de rencontre et résolutions de problèmes dont les acteurs sont convenus pour assurer la vie du projet au cours du temps et faire face à l’ensemble des évènements aléatoires qui ne peuvent manquer de se produire.

Les trois formes de structure de gouvernance

Dans son ouvrage de 1975, Markets and Hierarchies, Williamson définit les premiers jalons pour penser l’arbitrage entre marché et hiérarchie. Dans le premier cas, le mécanisme essentiel de coordination est le système de prix. Dans le deuxième cas le mécanisme essentiel est le commandement. Ce commandement ne prend pas exclusivement la forme du contrat de travail mais peut être aussi, par exemple, un ordre donner par la maison mère à l’une de ses filiales. Cependant, à ces deux formes stables – marché et hiérarchies – Williamson ajoute, dès 1975, un ensemble de formes instables qui regroupe les contrats de long terme, Il faudra attendre le milieu des années 80 pour que ces relations liées par des contrats de long terme, soient envisagées comme des structures de gouvernance à part entière et qu’il appelle les « formes hybrides ». Ainsi considérera que « dans le secteur commercial (activités économiques) trois formes discrètes de structure de gouvernance sont généralement distinguées : le marché classique, la contractualisation hybride et la hiérarchie ». Ces trois formes sont discrètes, au sens où il convient analytiquement de les séparer pour en saisir la particularité. Il nous faut donc comprendre et définir quels sont les attributsessentiels de chacune de ses formes pour ensuite comprendre comment s’effectueront les choix entre ces trois formes alternatives. Marché, hiérarchie, hybride : des efficacités différentes :
Une structure de gouvernance doit permettre, d’une part, de contrôler les comportements. Les instruments de ce contrôle sont soit l’intensité de l’incitation soit le contrôle administratif qui permet de donner des ordres et d’obtenir des comportements conformes à ces ordres. Sur le marché, l’incitation est considérée comme forte parce que l’agent supporte l’intégralité des conséquences de ses choix. A l’inverse, dans une organisation, la prise de décision et les conséquences des choix individuels peuvent être réparties voire diluées entre les membres de l’organisation. L’incitation à effectuer un choix efficace est donc moins forte que sur le marché. Par exemple, les prix proposés par un fournisseur peuvent conduire le client à refuser l’achat d’un produit. Le fournisseur a donc une forte incitation à systématiquement proposer les prix les plus bas possibles. Le service approvisionnement dans une firme n’est pas dans la même situation puisque les prix de cession interne sont négociés ex ante et font l’objet de négociation ex post en cas de modification de l’environnement. Cette marge de négociation n’incite pas à la recherche systématique des coûts de production les plus bas possibles au sein des organisations. D’autre part, la structure de gouvernance doit permettre d’obtenir de bonnes performances. Or, dans leurs transactions les agents sont confrontés à des changements continuels de l’environnement19 . Sur le marché, le mécanisme des prix, qui ajuste l’offre à la demande, peut apparaître comme un moyen efficace d’adaptation entre les agents parce qu’il économise les coûts d’information. Chaque agent, qu’il soit vendeur ou acheteur, adapte son comportement en fonction des prix proposés sur le marché. Il adapte son comportement de façon autonome sans qu’il y ait de concertation directe avec l’autre partie au contrat. Dans une  organisation, inversement, et Williamson s’appuie ici sur Barnard, la manière dont les agents se coordonnent est établie « d’une manière consciente, délibérée et déterminée par l’utilisation d’une administration ». . Cependant l’objectif est le même que celui d’un échange sur le marché : permettre l’adaptation du comportement des agents à la transaction en fonction des situations auxquelles ils sont confrontés. Enfin, selon les structures de gouvernance, la résolution de conflits, ne sera pas faite de la même manière. Sur le marché, les éventuels conflits seront traités par les tribunaux compétents. Leurs résolutions relèvent d’un cadre légal commun à l’ensemble de ce type de transaction. Dans une organisation, à l’inverse, le juge ne pourra pas intervenir pour trancher certains litiges. La contestation d’un choix stratégique ou celle d’ordres donnés qui respectent le cadre général de la législation du travail ne sera pas de la compétence des tribunaux. Les transactions réalisées à l’intérieur d’une structure hiérarchique échappent, pour une part, à toute possibilité de contrôle du pouvoir judiciaire. Williamson précise que l’entreprise est ainsi juge « en premier et dernier ressort », phénomène pour lequel il utilise le concept de « forbearance ». Dans les formes hybrides, les contrats sont très souvent adaptés et spécifiques à la transaction. Un contrat adapté à une situation est moins susceptible de recours devant le juge que dans le cadre d’une structure de gouvernance de marché, parce qu’il, il a fait l’objet d’une négociation ex ante qui le rend plus adapté à la situation et à ses éventuelles évolutions. De plus, en cas de conflits d’interprétation, les parties, parce qu’elles sont engagées dans une relation contractuelle interpersonnelle, préfèreront très souvent trouver un compromis en raison de leur habitude de négociations bilatérales plutôt que de recourir au juge.

Les traits principaux et la cohérence de chacune de ces structures de gouvernance 

Sur le marché, un bien ou un service doit pouvoir être proposé au meilleur rapport qualité/prix, condition sans laquelle le risque de ne pouvoir effectuer la transaction  est élevé. En ce sens, l’intensité de l’incitation est forte. La manière dont l’adaptation s’effectue ne nécessite ni des relations interpersonnelles (les agents peuvent réaliser un échange sans se connaître), ni une définition préalable de la manière dont va s’effectuer la transaction (la transaction par le marché est réalisable dès lors qu’il y accord sur le prix et la qualité du bien, autrement dit, le contenu de la transaction est le seul élément à définir, les modalités de la transaction se faisant de façon automatique). Williamson parle ici d’adaptation autonome, au sens où les agents s’adaptent au prix de marché et ajustent leurs comportements en fonction de leur intérêt individuel. Les contrats signés relèvent du droit commun des contrats et les éventuels conflits entre les parties peuvent être tranchés par les tribunaux. Ce type de structure de gouvernance semble donc convenir dans le cas de transaction simple avec peu d’ambiguïté. Pour ce type de transaction, un simple contrat de vente apparaîtra moins coûteux que les formes alternative A l’opposé, la structure hiérarchique.
La structure hiérarchique repose sur des mécanismes de coordination interne qui sont définis à l’avance et que doivent respecter les agents qui subissent le contrôle de leur hiérarchie. En ce sens, l’exécution de la transaction repose sur le contrôle administratif de l’action des agents. Les modalités d’adaptation entre les agents ne relèvent pas d’une adaptation spontanée comme celle obtenue par les mécanismes du marché. C’est une adaptation consciente au sens où,
1) la réalisation des transactions nécessite une définition préalable des modalités de sa réalisation (modalités spécifiques à la structure hiérarchique),
2) les transactions sont effectuées lorsque quelqu’un en donne l’ordre ou le commandement
3) l’adaptation des transactions peut nécessiter des négociations. L’adaptation est ici assurée par coordination et non de façon autonome. La définition d’un mode de commandement interne, acceptée par les parties, implique que le juge ne pourra intervenir sur les décisions internes dès lors qu’elles respecteront le cadre légal. Le dispositif contractuel qui garantit le bon déroulement de la transaction est donc un dispositif ad hoc qui convient lorsque la transaction est inobservable par un tiers ou lorsque que les participants à la transaction ne peuvent, sans coût élevé, être remplacés.
Enfin, les structures de gouvernance hybrides englobent toutes les formes de relation contractuelle qui recourent au mécanisme du marché (l’échange reposant sur un mécanisme de prix) tout en intégrant dans la relation des mécanismes propres aux structures hiérarchiques (les modalités d’adaptation ne reposent pas que sur le mécanisme des prix mais incorporent des éléments de la relation administrative) et inscrivent la relation dans le long terme. Bien qu’incorporant des éléments de la hiérarchie et du marché, ce type de structure constitue une catégorie à part entière, dont la vertu analytique est de pouvoir mettre en évidence que beaucoup de structures de gouvernance ne relèvent ni d’une simple adaptation par les prix ni de mécanismes purement administratifs. Ce type de structure de gouvernance permettra de minimiser les coûts des transactions lorsque les mécanismes de marché n’apparaissent pas être une forme de garantie suffisante, mais sans que la transaction ne nécessite, pour autant, la mise en place d’une structure hiérarchique trop coûteuse pour ce type de transaction.

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