Anatomie et physiologie de l’ olfaction
L’épithélium olfactif La paroi intérieure des cavités nasales est recouverte de deux types d’épithéliums, un épithélium respiratoire et un épithélium olfactif. Ce dernier représente seulement 1,25% de l’épithélium nasal et se retrouve principalement dans le toit de la cavité nasale ainsi que dans les cornets nasaux supérieurs et moyens où il couvre au moins 2 cm2 de surface dans chaque narine (Sahin-Yilmaz & Naclerio, 2011; van Riel, Verdijk, & Kuiken, 2015). Cependant, l’emplacement de l’épithélium olfactif varierait avec l’âge ou certaines pathologies puisque, dans ces cas, certains neurones olfactifs seraient graduellement remplacés par des cellules de l’épithélium respiratoire (Kern, 2000). L’épithélium olfactif est pseudostratifié et composé de trois types de cellules: les cellules sustentaculaires (1), les cellules basales (2) et les cellules sensorielles olfactives (3) (Young, O’Dowd, Woodford, & Wheater, 2015).
Les cellules sustentaculaires (1) sont allongées et possèdent un noyau apical et des microvillosités à leur surface. Elles ont un rôle de support et permettraient une concentration en ions optimale du liquide extracellulaire entourant les cellules sensorielles (Kern, 2000) ainsi que la dégradation des molécules odorantes (Glezer & Malnic, 2019) (Doty, 2009). On retrouve deux types de cellules basales (2); les cellules horizontales et globuleuses (Holbrook, Wu, Curry, Lin, & Schwob, 2011). Les cellules horizontales se retrouvent collées sur la membrane basale et se divisent moins rapidement. Les cellules basales globuleuses, quant à elles, se retrouvent sur le dessus des cellules horizontales et agissent comme cellules souches, permettant la régénérescence des différentes cellules de l’épithélium olfactif (G1ezer & Malnic, 2019). Cette neurogenèse continue des neurones olfactifs est une caractéristique particulière au système olfactif. Ce trait est d’autant plus nécessaire puisque l’épithélium olfactif est en contact direct avec l’air ambiant et est donc plus susceptible de dégénérer. C’est ainsi que l’épithélium olfactif se renouvelle toutes les quatre semaines (Breer, Fleischer, & Strotmann, 2017). Finalement, les cellules sensorielles olfactives (3) sont des neurones bipolaires ayant des cils à l’extrémité de leur dendrite. Ces cils ont, dans leur membrane, des récepteurs transmembranaires permettant de se lier aux odorants. De plus, à la surface de l’épithélium olfactif, on retrouve du mucus synthétisé par les glandes de Bowman (Patel & Pinto, 2014).
Les molécules odorantes doivent atteindre l’épithélium olfactif afin d’être perçues. Elles peuvent le faire par la voie orthonasale ou rétronasale, c’est-à-dire par le nez ou bien via le nasopharynx. Dans les deux cas, les molécules odorantes se combinent avec des protéines olfactives liant des odeurs. Celles-ci facilitent la liaison des molécules odorantes lipophiles avec les récepteurs olfactifs se trouvant dans un milieu hydrophile muqueux (Pevsner, Reed, Feinstein, & Snyder, 1988; Sahin-Yilmaz & Naclerio, 2011). Chez l’humain, des 636 gènes codants pour les récepteurs olfactifs, 339 seraient fonctionnels comparativement à 1000 chez la souris (Malnic, Godfrey, & Buck, 2004). Cependant, il ne faut pas tirer des conclusions hâtives sur ces différences entre les espèces.
En effet, bien qu’il ait parfois été considéré comme « microsmate » – avec un odorat faible – l ‘humain a des capacités olfactives remarquables et croire le contraire devrait être chose du passé (McGann, 2017). D’ailleurs, les termes « microsmate » et « macrosmate » ne devraient plus être utilisés sans avoir réellement testé les compétences olfactives (Las ka & Seibt, 2002). Les odorants se lient donc avec les récepteurs des cellules sensorielles olfactives et, s’ils sont en concentration suffisante, les dépolarisent. Chez les mammifères et les vertébrés, la liaison de la molécule d’odeur active une protéine G qui entraîne l’activation d’une adénylate cyclase III. Celle-ci permettra la synthèse d’AMP cyclique qui provoquera l’ouverture des canaux ioniques à calcium et sodium. Si le stimulus est assez fort, plusieurs canaux ioniques ouvriront et l’entrée massive de cations dépolarisera la cellule sensorielle olfactive (Breer et al., 2017; Firestein, 2001). L’information se rend ensuite au bulbe olfactif via les axones amyélinisés passant par la lame criblée de L’os ethmoïde du crâne, et ce, ipsilatéralement.
Le bulbe olfactif
Les axones des neurones olfactifs menant au bulbe olfactif sont entourés par des cellules gliales particulières : les cellules olfactives engainantes. Ces cellules favorisent la régénération 18 neuronale en participant à divers mécanismes tels que la croissance et réparation axonale, l’angiogenèse, la myélinisation, etc. (G6mez et al., 2018; Yao et al., 2018) . Ces cellules uniques sont étudiées, chez certains modèles animaux, mais aussi dans certains cas cliniques, afin de voir si leur utilisation permettrait de traiter les blessures à la moelle épinière (G6mez et al., 2018). Le bulbe olfactif (BO) est bilatéral et organisé en six couches circulaires: (1) la couche externe, (2) la couche glomérulaire, (3) la couche plexiforme externe, (4) la couche de cellules mitrales, (5) la couche plexiforme interne et (6) la couche de cellules granuleuses (Huart, Rombaux, & Hummel, 2013). Les afférences de l’épithélium olfactif forment la couche externe (1) du BO. La plupart des neurones de l’épithélium olfactif présente un type de récepteur à sa surface (Wilson & Mainen, 2006). Chez le rongeur, les neurones olfactifs présentant le même type de récepteur convergent vers un même glomérule au niveau du bulbe olfactif (Firestein, 2001). Chez l ‘humain, une certaine répartition spatiale existe probablement (Pinto, 20 Il), bien qu’elle reste toujours à étudier. Ainsi, déjà, dans le bulbe olfactif, nous observons une transition vers un modèle d’activation spatiale des glomérules. Ce phénomène permettrait une plus grande sensibilité et spécificité de détection des odeurs en améliorant le rapport signal sur bruit (Cleland & Linster, 2005).
Les neurones olfactifs forment des synapses avec les cellules mitrales et les cellules touffues dans les différents glomérules qui forment la deuxième (2) couche du BO (Huart et al., 2013). Les cellules mitrales et touffues (MIT) sont des cellules nerveuses qui acheminent l’information provenant de l’épithélium olfactif vers les différentes régions du cortex olfactif et qui utilisent principalement le glutamate comme neurotransmetteur (Huart et al., 2013). Mis à part les cellules MIT, le bulbe olfactif est composé de plusieurs types d’interneurones qui engendrent une inhibition ou une excitation du signal olfactif et qui permettent la communication interglomérulaire. Par exemple, les cellules périglomérulaires transmettent des signaux inhibiteurs (GABA etlou dopamine) venant limiter la libération de neurotransmetteurs par les neurones olfactifs. (Freiherr, 2017; Wilson & Mainen, 2006).
D’autres interactions se font également au niveau des glomérules du bulbe olfactif: des projections provenant de régions supérieures du cerveau vont influencer les réponses de neurones olfactifs et des cellules MIT (Wilson & Mainen, 2006). Les cellules MIT font également synapse avec des intemeurones au niveau de la couche plexiforme externe (3) du bulbe olfactif (Huart et al., 2013). La couche de cellules mitrales (4) est composée des corps cellulaires des cellules mitrales dont les axones se dirigeront vers différentes régions olfactives du cerveau. Finalement, dans les dernières couches (5-6), on retrouve des cellules granuleuses; un autre type d’interneurone agissant comme inhibiteur (GABA) au niveau des connexions dendrodentritiques avec les cellules mitrales (Lazarini & Lledo, 2011). Grâce aux différents interneurones, les glomérules peuvent interagir entre eux via une excitation ou une inhibition qui permet de moduler le signal sortant du bulbe olfactif. Ainsi, le bulbe olfactif filtre et condense ses nombreuses afférences similairement à ce qui est fait au niveau des cortex primaires des autres informations sensorielles (Cleland & Linster, 2005). Certains auteurs proposent qu’il doive porter le titre de cortex olfactifprimaire, même si le bulbe olfactif n’est pas une structure corticale (Freiherr, 2017; Haberly, 2001; Lundstrëm, Boesveldt, & Albrecht, 2011; Weiss & Sobel, 2011).
Troubles de l’odorat post-viral Il est possible de perdre l’odorat lors d’une infection virale des voies respiratoires. La plupart du temps, cette perte est temporaire et les symptômes disparaissent avec ceux de l’infection (surproduction de mucus, oedème de la muqueuse nasale, etc.). Cependant, il arrive parfois que ce trouble perdure malgré la disparition des symptômes de la grippe ou du rhume : c’est le trouble de l’odorat post-viral (post-IVRS). Ce projet de recherche s’intéresse particulièrement aux troubles de l’odorat suivant une infection des voies respiratoires supérieures puisque ceux-ci sont parmi les plus fréquents avec une prévalence de 18 à 45% des cas (Nordin & Bramerson, 2008). Une étude de Fonteyn et al. (2014) rapporte une prévalence de 37,9% et sur cette proportion atteinte d’un trouble de l’odorat post-viral, il y avait significativement plus de femmes (74,4% versus 26,6% pour les hommes). Des fréquences similaires sont rapportées dans une étude comprenant 1231 patients avec un trouble de l’odorat post-viral; on y rapportait 70,5% de femmes comparativement à 29,5% d’hommes (Fark & Hummel, 2013).
Dans cette même étude, la tranche d’âge la plus vulnérable à ce trouble de l’odorat était les 50-65 ans. On peut donc conclure que les femmes ménopausées sont plus à risque d’un trouble de l’odorat post-viral. Comme l’épithélium olfactif est en contact direct avec l’air inspiré, il est plus susceptible aux infections virales qui l’endommagent selon des mécanismes encore mal compris (Whitcroft & Hummel, 2019). Les cellules olfactives endommagées ne transmettront plus l’information reçue au système nerveux central entraînant alors une absence ou une diminution de perception des odeurs. Dépendamment de l’étendue des dommages à l’épithélium olfactif, la personne souffrira d’une anosmie ou d’une hyposmie (Jafek et al., 1990). L’observation de 15 biopsies d’épithélium olfactif de patients avec un trouble de l’odorat post-viral (Jafek et al., 1990), a démontré que, dans les cas d’anosmie, il y a une quasi-absence de récepteurs olfactifs et les cellules sustentaculaires sont désorganisées. L’étude de ces biopsies a relevé un nombre plus élevé de récepteurs présents et des cellules environnantes d’apparence normales chez les épithéliums de patients souffrant d’hyposmie. En général, les patients avec un trouble olfactif post-viral auraient un épithélium olfactif avec une superficie beaucoup plus petite et entrecoupée davantage de régions d’épithélium respiratoire (Jafek et al., 1990) bien que ceci pourrait être également expliqué par l’âge plus avancé des patients (Duncan & Seiden, 1995). Certains virus sont plus susceptibles (ex. : influenza A, l’herpès, parainfluenza, etc.) de venir infecter le système nerveux central en se rendant, grâce à des mécanismes méconnus, aux bulbes olfactifs via la lame criblée et les nerfs olfactifs (van Riel et al., 2015).
Résumé |