LES TICE INTEGRATION, CONCEPTION ET FORMATION

LES TICE INTEGRATION, CONCEPTION ET FORMATION

Un bilan mitigé de l’intégration actuelle des TICE

Compte tenu de l’intérêt potentiel des TICE, on aurait pu s’attendre à ce que le numérique soit aujourd’hui omniprésent dans les établissements scolaires. Cependant, le bilan réel est plus mitigé. Dans son rapport, Fourgous (2010) décrit des limites actuelles à l’intégration des TICE. Malgré les mesures mises en place depuis plus de 40 ans, son bilan sur le numérique dans l’éducation met en évidence le retard de la France par rapport à d’autres pays européens tels que le Royaume-Uni ou le Danemark. Il insiste sur le besoin d’intégrer davantage de TICE dans le système éducatif. Il s’appuie pour cela sur des témoignages d’enseignants ou de directeurs d’établissements qui rapportent les bénéfices du numérique constatés lors d’expérimentations.

En 2011, l’enquête nationale PROFETIC (PROFesseurs et Technologies de l’Information et de la Communication [Chambon & Le Berre, 2011]) est lancée par le ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, concernant les pratiques des enseignants avec le numérique. Cette enquête a été menée sur 3 ans auprès de 5000 enseignants de collège, lycée et lycée professionnel. Elle porte sur leur usage des TICE, en particulier sur des questions d’accès, de fréquences d’utilisation, de perception de leur utilité ou de satisfaction. Un résultat particulièrement intéressant décrit les ressources numériques existantes comme sous-exploitées alors que 90 % des enseignants jugent le numérique profitable à leur enseignement.

Ce type de résultat est d’ailleurs confirmé par la recherche (p. ex. Hoyle & Lagrange, 2009). Artigues (2013) fait un constat similaire dans l’enseignement des mathématiques. Initialement, une attente générale associée aux TICE était qu’elles devaient apporter un changement rapide et profond dans les formes et les contenus de l’enseignement de cette discipline. Par la suite, des études expérimentales positives ont renforcé cette attente et ont permis d’identifier les apports potentiels de différentes technologies. Cependant, il a été difficile de généraliser ces résultats dans des environnements moins contrôlés et moins protégés.

C’est pourquoi, à l’heure actuelle, « une intégration efficace des technologies 30 numériques à l’enseignement des mathématiques à grande échelle reste encore un problème non résolu » (Artigues, 2013, p. 10). Baron & Bruillard (2008) appuient ce constat sur la place et le rôle limités des TIC en insistant sur la « modestie de la prise en compte de l’informatique et d’internet dans les cursus scolaires. ». 

Problèmes relevés et éléments de réponse

Parmi les différents obstacles ou défis que pose l’introduction des TICE, on trouve la question de leur légitimité. Dans le domaine des mathématiques, Artigues (1998) affirme que l’intégration du numérique dans les domaines scientifiques et culturels faits que le domaine éducatif n’a d’autre choix que de l’intégrer également, ne serait-ce que par souci de crédibilité.

Néanmoins, cela ne suffit pas à convaincre le monde enseignant de modifier ses pratiques afin d’intégrer largement les TICE. Les institutions encouragent également la banalisation de la technologie pour développer son utilisation en classes. Cependant, certains choix institutionnels nuisent à cette intégration en proposant des prescriptions génériques et peu consistantes sur les usages du numérique en classe (Lagrange, 2013). Or, les enseignants attendent des TICE qu’elles les aident à l’améliorer leur enseignement et à dépasser leurs difficultés actuelles. Artigues (1998) parle d’un cercle vicieux à ce sujet, car les « supporters » des TICE auraient tendance à exagérer leurs avantages et à minimiser les difficultés qu’elles occasionnent. Sur le court terme, cela favoriserait les pratiques innovantes ou les expérimentations avec de nouvelles technologies.

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À long terme cependant, ces difficultés, parfois majeures, ne sont pas anticipées, ce qui nuit au développement de stratégies d’enseignement adaptées et efficaces. Dès lors, l’introduction des TICE serait ancrée dans une phase transitoire qui favorise les enseignants « pionniers » des nouvelles technologies au lieu d’atteindre une phase de maturité qui impliquerait une population plus importante d’enseignant. Pour l’auteure, une solution pour dépasser cet obstacle passe par la formation des enseignants. Celle-ci doit prendre les TICE en compte et donner aux enseignants les outils didactiques pour adapter leurs pratiques d’enseignement.

En effet, Labbo, Leu, Kinzer & al (2003) ont montré que l’intégration de TICE dans les pratiques des enseignants leur posait des difficultés à la fois matérielles et conceptuelles. Le numérique induit en effet une complexification des processus et des dispositifs d’enseignement (Joab, Guin & Trouche, 2003). Pacurar (2015) a montré que cela induisait une dimension chronophage dans les phases de préparation du contenu. Cela pouvait alors nuire à l’appropriation par les enseignants de dispositifs tels que des TNI ou des manuels 31 numériques.

En effet, d’après Lachance (1999) cité par Isabelle, Lapointe & Chiasson (2002), les enseignants hésitent à utiliser les TIC en classe malgré leur intérêt, parce qu’ils ne peuvent pas facilement s’approprier les nouveautés pédagogiques et technologiques tout en continuant à assurer l’ensemble de leurs fonctions. Cela rejoint les travaux d’autres chercheurs (Elliot, Livengood & McGlamery, 2012) quant à la nécessité d’une formation technique et pédagogique des enseignants vis-à-vis du numérique. À cela s’ajoute le fait que les usages proposés par les concepteurs de TICE ne sont pas toujours adaptés aux pratiques d’enseignement.

Il y a une interdépendance entre l’usage des TICE et l’activité des enseignants dans son ensemble, dont ils doivent rester maîtres. L’outil numérique seul n’apporte rien s’il n’est pas mis en œuvre dans le cadre d’un enseignement cohérent d’un point de vue didactique et pédagogique. De plus, la volonté institutionnelle de généralisation des TICE soutenait l’idée qu’il fallait « innover » par le biais d’une pédagogie active qui inciterait les élèves à expérimenter, à découvrir et à confronter leurs idées (Bétrancourt, 2007).

Or, une grande partie des ressources développées ne favorisent pas ce type de pédagogie. Au contraire, certaines donnaient l’impression aux enseignants qu’elles essayaient de les remplacer, totalement ou en partie. Ils étaient alors supposés s’approprier des programmes d’apprentissages individualisés ou des systèmes « clé en main » (Lombard, 2007) qui leur laissaient peu de marges de manœuvre. Dès lors, les ressources entrent en rivalité avec l’activité de l’enseignant, malgré la volonté des concepteurs de l’assister, ce qui rend leur intégration difficile.

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