Les TIC dans l’enseignement/apprentissage
Les recours à une gamme des réseaux sociaux chez des étudiants Les études sur les usages des réseaux numériques par les apprenants sont récentes. Plusieurs études réalisées sur les processus décisionnels au sein de groupes d’étudiants en contexte de projet pédagogique ont tenté de montrer que l’usage de médias sociaux contribue à modifier les comportements des apprenants dans leurs aspects psychomoteurs, cognitifs, sémiocognitifs, relationnels, réflexifs, posturaux (Peraya 1999, 2010, 2014; Peraya, Peltier 2012, Bonfils et Peraya 2016)81 . S’inscrivant dans un double cadre théorique de l’activité humaine instrumentée telle que perçue par Rabardel (1999) et de la communication et de la formation médiatisée développée par Meunier et Peraya (1993/2014) et Peraya (1999), les auteurs de ces recherches considèrent ainsi que les dispositifs médiatiques mis en œuvre par des activités telles que la communication et l’apprentissage ont un certain potentiel d’action. Les résultats de leurs enquêtes ont révélé que les dispositifs comme Skype et Facebook possèdent des valeurs d’immédiateté et de régulation des échanges. Ces valeurs sont garants de la fonction de circulation d’information à l’intérieur des groupes et entre les groupes. Ce potentiel des technologies avait déjà été identifié par les analyses de Paquelin en 2009 sur les dispositifs numérique de formation en général dans son ouvrage intitulé L’Appropriation des dispositifs numériques de formation, Du prescrit aux usages paru aux éditions L’Harmattan. Selon Paquelin, l’immédiateté et la régulation ont permis d’inclure l’apprenant lui-même en tant qu’acteur actif au système de communication dans la formation. Par ailleurs, l’apprenant actualise ce potentiel à des degrés divers au cours de son appropriation du dispositif. Mais, l’immédiateté et la régulation ne constituent pas qu’un potentiel des réseaux sociaux numériques. Ils sont aussi au cœur des processus décisionnels qui représentent un cas de détournement d’usage82 si l’on considère les environnements personnels d’apprentissage des étudiants. Cette dynamique relationnelle qui s’opère au sein des communautés d’apprentissage chez les étudiants se structure d’une part, entre des séances présentielles et des interactions distancielles à la fois synchrones ou asynchrones et d’autre part, sur une négociation permanente de compromis que l’on retrouve entre communication et partage des informations. Il faut ajouter que les dynamiques relationnelles observées et décrites ont suscité des questions sur le passage des communautés étudiées, pour certaines, d’un mode d’apprentissage coopératif à un mode plus collaboratif. L’apprentissage coopératif renvoie à une absence de collaboration à l’élaboration du travail de groupe et l’apprentissage collaboratif renvoie quant à lui à une synergie entre les membres du groupe : l’apprentissage collaboratif « renvoie à une logique de buts et de ressources partagés, selon laquelle les membres ont des intentions explicites afin d’ajouter de la valeur » 83. C’est le lieu de rappeler la définition du concept d’environnement d’apprentissage informatisé proposée par Basque & Doré (1998) pour soutenir les questions sur le passage d’un mode d’apprentissage coopératif à un mode plus collaboratif sur les réseaux sociaux numériques. Pour Basque & Doré (1998), l’environnement d’apprentissage virtuel abrite un ou plusieurs systèmes qui interagissent pour la construction du savoir. « Il sous-entend une approche collaborative et des stratégies pédagogiques fondées sur L’environnement d’apprentissage est dit informatisé, numérique ou virtuel quand les différentes composantes du système entrent en interactions à partir des ressources informatiques. L’utilisation des réseaux sociaux numériques à des fins de collaboration, de partage de documents et de mis à jour dans les différents cours dans le cas d’un projet de groupe, a permis à Martin (2016) de confirmer son hypothèse de l’utilisation d’une gamme des réseaux sociaux chez des étudiants en apprentissage du Français Langue Étrangère de l’université Lyon 285 . Ainsi, sur un effectif total de 20 élèves, 80 % affirment avoir utilisé de façon régulière le réseau social Snapchat. Ils sont 75 % à utiliser Instagram et WhatsApp et 45 % à utiliser Twitter. Il faut compter une proportion de 30 % à faire usage de Facebook86 . Les étudiants utilisent les réseaux sociaux numériques en fonction de leur projet. D’après l’étude de Martin, l’usage de Snapchat est plutôt l’ordre du divertissement. WhatsApp est sollicité pour des fonctionnalités rares à d’autres réseaux sociaux selon l’avis des étudiants enquêtés. WhatsApp permet de créer des groupes »privés de discussion ». Chez les étudiants enquêtés, un groupe WhatsApp existe pour la classe et tous les élèves y sont. WhatsApp est dit un réseau social “plus pratique”, “plus personnel”, “plus privé” et sans publicité. Par contre, Twitter est un “média d’information” et Facebook est perçu comme un “site de rencontre”. Sur l’échantillon de 20 élèves, 95% des étudiants disent utiliser les réseaux sociaux numériques pour communiquer, 65% pour s’informer et 65% également pour partager des contenus.
Les usages scolaires des réseaux sociaux numériques : entre sociabilité, information et communication
Les usages des réseaux sociaux numériques sont de plus en plus observés chez les apprenants, qu’ils soient des collégiens, des lycéens ou des étudiants. Nous allons nous intéresser ici à deux catégories d’apprenants : les collégiens et lycéens d’un côté et les étudiants de l’autre. Chez les collégiens et les lycéens, les usages des réseaux sociaux numériques relèvent d’abord de l’œuvre de l’influence des pairs90. En effet, la plupart des jeunes apprenants ont connu ces réseaux sociaux à travers leurs amis qui leur « prescrivent » l’ouverture d’un compte personnel. Une fois le compte ouvert, et après une phase d’appropriation, ceux-ci se transforment à leur tour en des « prescripteurs » d’ouverture d’un compte personnel auprès d’autres amis. Person (2017) a pu identifier au sein d’une classe de lycéens trois principaux types d’usages sur leur compte de réseaux sociaux en général et sur Facebook particulièrement. Il s’agit de : → la gestion de leur profil (elle concerne la mise à jour). → la messagerie instantanée et → le (s) groupe (s) : les groupes de la classe complète, les groupes affinitaires au sein de la classe, les groupes liés à d’autres activités telles que le sport, etc. Chez ces plus jeunes apprenants, la messagerie instantanée Facebook Messenger, mais aussi d’autres plateformes telles que Snapchat, Instagram ou Whatsapp rendent possible la régularité des échanges tout au long de la journée. Ils activent les systèmes de notifications pour alerter tout au long de la journée de la réception d’un message. Ce qui favorise une connectivité accentuée au sein de cette catégorie de consommateur des réseaux sociaux numériques. Avec la connectivité accentuée, l’usage apparaît à la fois comme prolongement des temps de classe sur les heures passées hors de l’établissement : entre autres les temps de transport, le temps des activités extérieures, des vacances, mais aussi superposition des temps de classe avec des communications qui se déroulent pendant les journées de cours. C’est à travers ces pratiques que le lien est « réifié » (Metton-Gayon, 2009). De plus, comme l’a pu bien montrer Zaffran (2010) sur les relations sociales chez les adolescents, il se développe une culture de la disponibilité autour des dispositifs numériques. « La vie quotidienne des adolescents s’organise moins sur une disjonction des temporalités que sur une continuité des temps sociaux» 91 . Pour qualifier la continuité, Peraya et Bonfils, (2014), parlent de la fonction du contrôle de la présence dont le rôle incombe à des fonctionnalités des dispositifs de ces environnements de groupe, notamment la notification, qui fait savoir aux utilisateurs en temps réel les différents changements qui contribuent à faire évoluer l’environnement. Bref, il s’agit de rendre compte de la présence sociale et de la circulation des signes de la présence (Jacquinot-Delaunay, 2002) des membres de groupe. Ces signes de présence l’emportent bien sur l’essence du contenu. Ce qui a poussé un nombre assez important de chercheurs à conclure que Facebook est un outil de confirmation d’une place sociale, des liens affinitaires et des goûts partagés. Sur ce réseau social numérique, Bastard (2018) affirme que « la place sociale est (…) confirmée par les contenus mis en circulation et utilisés moins pour leur contenu que comme signe d’appartenance à un réseau de pairs. Les contenus qui circulent comme référence dans les réseaux des jeunes du lycée Pasteur servent à s’intégrer aux groupes et homogénéisent les murs, sauf pour quelques cas singuliers qui explorent de manière entremêlée des passions et des relations » 92 . Mais, ce qui change chez les adolescents ce n’est pas uniquement l’organisation des temps sociaux et le contrôle de la présence. C’est aussi le libellé des contenus échangés sur les réseaux sociaux numériques. Á ce propos, Aaen & Dalsgaard (2016)93 ont établi des catégories de contenus partagés sur le groupe de classe Facebook des élèves. Il s’agit de la catégorie de l’« Expression sociale », d’« Événements sociaux dans l’école et hors école » et la « Vie sociale ».