L’évolution des connaissances concernant les théories du stress a connu un bond impressionnant au cours des dernières décennies. Les travaux de plusieurs chercheurs ont permis de mettre à jour ainsi que d’accroitre la définition biologique initiale du stress (Selye, 1952) afin de l’orienter vers une définition psychologique plus complexe, mais surtout mieux adaptée aux humains (Dumas, 2012; Lazarus, 1966; Lazarus & Folkman, 1984; Lupien, 2010). Avant d’élaborer sur le concept de l’ évolution du stress biologique vers le stress psychologique, il importe de faire la distinction entre le concept de stress et d’anxiété. En effet, ces deux notions sont souvent confondues et utilisées, encore de nos jours, de façon interchangeable. Grosso modo, le stress se manifeste par un inconfort sur le plan physique et par diverses réactions sur le plan cognitif, comportemental et émotionnel. JI se déclenche dès qu’ il y a décodage d’une menace ou d’ un danger réel déployant une réaction physiologique de l’organisme, tout à fait naturelle, permettant de mobiliser les ressources personnelles face à la situation à affronter ou à éviter (Bluteau & Dumont, 2014). Le stress est donc en lien avec des événements externes réels et normalement ponctuels. L’anxiété, quant à elle, est plus apparentée à une peur diffuse, un stress permanent face à une situation ou un environnement particulier. L’ anxiété apparait lorsqu’il y a anticipation qu’un événement dangereux ou malheureux puisse survenir. Tout comme le stress, l’ anxiété peut se manifester par divers signes sur les plans physique, cognitif, comportemental et émotionnel. La perception individuelle de l’ événement aura une grande influence sur l’intensité de l’ anxiété vécue. Ainsi, l’anxiété relève davantage de la capacité individuelle à amplifier ou à se créer soi-même du stress persistant, et ce, même à distance des stresseurs (Bluteau & Dumont, 2014). Les individus aux prises avec des troubles anxieux présentent généralement une faible estime de soi, et vice-versa, l’anxiété et la faible estime personnelle ont une relation de réciprocité bilatérale (Sowislo & Orth, 2013). Certaines de ces conséquences peuvent également se répercuter sur le plan scolaire, par exemple, l’anxiété aux évaluations peut être une conséquence d’ expériences scolaires négatives (Jameson, 2010) et générer des difficultés d’apprentissage (APA, 2013). Cette section dresse donc un portrait de l’ évolution du concept théorique du stress avant d’ explorer son impact chez la population adolescente et par le fait même, l’importance de la prévention dans les écoles à ce niveau. Il est d’ailleurs démontré que l’adaptation psychosociale et la perfOlmance scolaire sont comprOIllises chez les adolescents qui se disent plus vulnérables au stress (Dumont & Leclerc, 2007).
Le stress biologique
La théorie biologique initiale du stress propose une explication physiologique quant à la façon dont le corps répond au stress. La théorie de Selye (1952, 1976) s’ articule autour de l’ idée qu ‘ un déséquilibre de l’ organisme résultant d’une situation stressante produit un impact sur la santé. Cette approche est d’une importance primordiale dans le concept du stress, car elle est à l’origine de l’introduction du stress comme pathologie. Lorsque la résistance du corps face au stress diminue, cela peut laisser place à des manifestations physiologiques variées (p. ex., maux de tête, tensions musculaires, palpitations, nausées, etc.) qui peuvent être dérangeantes pour les individus et entraver leur fonctionnement quotidien (Beaumont & Sanfaçon, 2014; Bluteau & Dumont, 2014; Ducher, 2011). Le stress peut également affecter le sommeil (p. ex., insomnie, cauchemars, etc.), susceptible d’entrainer des difficultés de concentration et d’attention, se répercutant entre autres sur la réussite scolaire (Drouin-Maziade, 2009). Certaines de ces conséquences psychologiques, cognitives, physiques et sociales ont des répercussions sur le plan scolaire générant, par exemple, des difficultés d’ apprentissage (APA, 2013) qui peuvent ultimement mener au décrochage (Lapointe & Freiberg, 2007).
Le syndrome général d’adaptation de Selye (1952, 1976) expose donc concrètement l’impact physiologique du stress sur le corps. Ce modèle démontre que le phénomène de stress est un dispositif de vigilance salvatrice, mais lorsque la quantité de demandes dépasse la capacité de réponses du sujet, l’organisme en subit les conséquences. Des problèmes de tous ordres sont alors susceptibles de survenir et l’organisme entre alors dans un cercle vicieux où le système d’adaptation s’épuise et les conséquences du stress deviennent de plus en plus sévères. Le modèle que propose Selye s’articule donc autour de trois phases d’évolution des réactions du corps à court et à long terme face au stress comme le démontre la Figure 1. La réaction d’alarme est déclenchée par la perception d’un stresseur et génère une réaction immédiate pour mobiliser l’organisme à se défendre. Le système défensif physiologique de l’ individu s’active donc afin de libérer une dose plus importante d’hormones, comme l’adrénaline et le cortisol, afin de faire face à la situation. Le stress est donc alors défini comme une réaction normale de l’organisme à une situation de danger. Dans un contexte d’ évaluation sur le plan scolaire, un adolescent verra son rythme cardiaque s’ accélérer, sa sudation s’ intensifier et son niveau d’ adrénaline augmenter. Si la réaction d’alarme persiste et mobilise l’organisme, l’individu entre dans la phase de résistance où le corps s’adapte et tente de rétablir son homéostasie. L’énergie est donc focalisée pour rétablir l’équilibre du système en lien avec la réaction au stress, ce qui le rend plus vulnérable aux maladies, dû à un affaiblissement du système immunitaire (Glaser & Kiecolt-Glaser, 2005; Laudenslager, Ryan, Drugan, Hyson, & Maier, 1983; Weiss, 1972). Par exemple, pendant cette phase, un adolescent dans un contexte d’ évaluation scolaire se serait adapté à son niveau de stress et aurait le sentiment d’ être productif. Si l’exposition au stress se prolonge ou se répète fréquemment sans la mise en place de stratégies d’adaptation efficaces, la phase d’épuisement peut s’installer. En effet, l’ élève de notre exemple pourrait alors développer des problèmes digestifs, des maux de tête et s’ exposerait à long terme à des maladies psychosomatiques.
La constatation de ces conséquences néfastes vient alors soutenir la pertinence de promouvoir l’amélioration des stratégies adaptatives des adolescents lors de la phase de résistance afin d’éviter l’ émergence et la chronicité des conséquences négatives possibles (p. ex., la maladie, le décrochage scolaire, etc.) parfois observée dans la troisième phase (l’épuisement). Ces stratégies d’adaptation sont considérées comme une ressource intermédiaire pouvant modérer les effets négatifs du stress sur la santé des individus (Lazarus 1966; Lazarus & Launier, 1978). L’apprentissage et les stratégies mises en œuvre pour faire face au stress ont donc également un rôle important à jouer sur le fait que le stress en soi ne conduit pas inévitablement à un dysfonctionnement ou à une maladie. Le constat d’une variance de réaction entre les individus face à une même source de stress soutient la nécessité de mieux identifier les principaux facteurs associés aux différences individuelles. La prochaine section aborde la compréhension du stress psychologique selon laquelle l’interprétation que la personne se fait des événements influence davantage son niveau de stress que l’événement en lui-même.
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