Les théories de la planification spatiale
La planification est un terme généraliste qui désigne l’organisation temporelle d’objectifs. Appliqué au domaine de l’aménagement, elle prend le sens de processus permettant la meilleure utilisation des sols et ressources par la société et prends donc une dimension spatiale. Pierre Merlin (1988) définit la planification spatiale comme une «action visant à fixer, pour un territoire donné, les objectifs de développement et de localisation harmonieuse des hommes, de leur activités, des équipements et des moyens de communications ». L’étude de la planification spatiale et de son évolution est révélatrice des enjeux économiques, sociaux et politiques de chaque époque mais aussi des systèmes de valeurs en usage. La théorisation des grands courants de la planification spatiale fondée sur l’étude des démarches et outils utilisés à travers le monde aide à mieux cerner ces systèmes de pensée. En France et aux Etats-Unis (et plus largement dans le monde occidental), la planification spatiale est abordée en fonction de trois grands paradigmes qui ont été décrits dans les années 1990 et 2000 par des chercheurs européens et américains. Ces courants théoriques sont la planification traditionnelle, la planification stratégique et la planification communicationnelle. On peut faire remonter l’origine de ce courant de planification à l’école de Chicago et plus particulièrement à Daniel Burnham qui conçoit en 1909 pour la ville de Chicago le premier comprehensive plan (ou master plan). Dans ce plan sont déjà contenues les notions de planification à longue durée, de prise en compte de domaines d’action différents (voiries, espace public, transport…) et d’échelle large de territoire (l’ensemble de la ville de Chicago). C’est sur ce modèle que seront développés de nombreux plans aux Etats-Unis et en Europe. Dans les années 1950 la planification traditionnelle prend son réel essor encouragé par le contexte de croissance économique et les politiques du New Deal qui voient l’action publique renforcée sur des questions économiques et d’aménagement du territoire.
Fondé sur une approche scientifique-rationnelle ce courant de planification a principalement pour but la régulation de l’usage des sols à l’aide de plans et de règlements. On peut à partir des grandes étapes de l’élaboration des masters plans arriver à cerner les principaux éléments de la planification traditionnelle (Levy, 2013) : Limites Ce type de planification relativement efficace dans un contexte d’abondance économique s’essouffle au cours des années 70. Albrecht (2004) nous énonce les principaux défauts et critiques à l’encontre de ce type de planification. Le point principal est la « passivité » de ce genre de plan. En effet, la régulation des sols à le pouvoir d’empêcher des développements indésirables de voir le jour (le permis ne sera pas délivré) mais aucun levier ne permet de réellement encourager le secteur privé à investir dans des développements bénéfiques au territoire. Avec le recul des investissements publics les plans traditionnels agissent comme méthodes légales d’anti-planification (Demazière, 2012) et n’encouragent pas les projets potentiels. La seconde critique vient de la mise en œuvre de la planification traditionnelle qui ne propose que des solutions physiques par l’intermédiaire des plans d’usage des sols vis-à-vis d’enjeux sociaux et économiques qui demandent des solutions plus abstraites. La dernière critique réside dans le peu de place accordé dans les décisions aux acteurs non institutionnels ce qui est à même de freiner voir d’empêcher l’implémentation de décisions prises par la voie de la planification traditionnelle.
La planification stratégique
La planification stratégique spatialisée (PSS) est un terme qui a émergé dans les années 1990 pour décrire par la théorie l’évolution des outils et démarches de planification survenus 10 ans auparavant. Ce mode de planification est fondé sur des valeurs empruntées au monde de l’entreprise qui l’avait lui-même emprunté au domaine militaire. L’avènement du contexte néolibéral et la baisse des moyens financiers publics dans les années 1980 permettent et encouragent ce mode de planification. Le terme stratégique renvoie à une suite d’actions coordonnées menant à un but précis et contient aussi la notion de ressources limitées pour atteindre ces objectifs. Ainsi de la même manière que la planification stratégique d’entreprise la PSS ne cherche pas seulement à encadrer mais se veut proactive et tournée vers la recherche de résultats. La PSS est le moyen de réaliser le développement contrairement à la planification traditionnelle qui ne faisait que réguler. On passe de la notion de plan à celui de projet (Novarina 2003). Afin de produire des réponses à des enjeux définis au préalable des actions et lignes de conduite précises sont établies à court et moyen terme. Le résultat final n’est jamais perdu de vue même s’il est susceptible de subir des modifications afin de s’adapter au contexte du projet.