Les thèmes centraux associés à l’hypersexualisation

La notion d’hypersexualisation a certes été employée avec un « flou relatif et une émotivité certaine » (Caron, 2014, p. 13). Toutefois, au-delà des différentes définitions utilisées, il est possible de distinguer deux thématiques récurrentes lorsqu’il est question du phénomène de l’hypersexualisation : (a) l’apparence sexualisée des jeunes filles, c’est-àdire leur tenue vestimentaire et leur image corporelle et (b) leurs pratiques sexuelles.

L’apparence sexualisée

Dans les écrits portant sur l’hypersexualisation, plusieurs auteurs (Bouchard & Bouchard, 2003; Caron, 2014; Duquet, 2007; Duquet & Quéniart, 2009; Julien, 2010) identifient l’habillement des jeunes filles comme une manifestation du phénomène. Julien (2010) définit d’ailleurs cette mode comme étant « une esthétique de l’apparence qui met l’accent sur la sexualité » (p. 12). Elle ajoute également que ce n’est pas uniquement la tenue vestimentaire et les accessoires qui façonnent l’image corporelle des jeunes filles d’aujourd’hui, mais également l’esthétique du corps, c’est-à-dire toutes les transformations du corps qui ont pour but de séduire.

L’étude de Caron (2014) révèle, pour sa part, que la mode « sexy » est non seulement associée aux vêtements qui mettent le corps féminin en valeur selon une logique hétérosexuelle, mais aussi aux vêtements qui coûtent cher et qui peuvent à la fois faciliter ou entraver l’accès au groupe de pairs et la popularité.

Outre la tenue vestimentaire, les accessoires, la coiffure, les tatouages et les autres automutilations concertées du corps, l’image corporelle est aussi un aspect important de l’hypersexualisation. Selon Morency (2008), les jeunes filles en viennent à se faire une image idéale d’elles-mêmes, basée sur des critères de beauté quasi inatteignables. En effet, les changements observés à la puberté vont souvent à l’encontre des images diffusées dans les médias, ce qui a pour effet d’amener les jeunes filles à être insatisfaites de leur corps. En 2011, un sondage portant sur les comportements à risque des jeunes Américains démontrait que 61 % des filles et 32% des garçons avaient déclaré avoir essayé de perdre du poids, 12 % des adolescents et des adolescentes avoir jeûné, 5 % avoir utilisé des pilules pour maigrir, et 4 % se faire vomir ou utiliser des laxatifs à des fins de contrôle du poids (Eaton et al., 2012).

Il n’est donc pas étonnant de remarquer une incroyable expansion du marché de la beauté et un véritable engouement pour la chirurgie esthétique. En effet, le marché de la beauté aurait généré 9,5 milliards de dollars en 2011 soit une augmentation de 11 % par rapport à l’année précédente (Jones, 2012). Quant à la chirurgie esthétique, elle a été réalisée sur 76 220 patients âgés de 19 ans ou moins aux États-Unis en 2012, et ce chiffre n’inclut pas les chirurgies minimalistes (American Society of Plastic Surgeons, 2013). Parmi les chirurgies plastiques réalisées auprès de ce groupe d’âge, on dénombre 8 204 augmentations mammaires et 3 191 liposuccions (American Society of Plastic Surgeons 2013). Selon Zuckerman et Abraham (2008), l’intérêt pour ces procédures est remarquable étant donné les risques pour la santé et les coûts financiers impliqués.

Plusieurs facteurs sont d’ailleurs soulevés par les auteurs pour expliquer la mode actuelle et cette obsession de l’image corporelle chez les jeunes filles. Pour Liotard et Jamain-Samson (2011), ces changements vestimentaires résultent d’une transformation sociale amorcée dans les années 1960 et 1970. L’émancipation du corps de la femme et la nouvelle manière de voir la sexualité ne sont pas étrangères à ce mouvement de grande ampleur. Autrefois perçues comme des objets de conquête, « les femmes plus audacieuses deviennent désormais actrices dans le jeu de séduction, basculant, en apparence, les conventions » (p. 50). C’est d’ailleurs à cette époque que la minijupe fait son apparition, modifiant ainsi les codes de séduction des générations précédentes. L’utilisation de textiles et de couleurs différentes est aussi observée tout comme les changements entourant les sous vêtements. Au fil des ans, cette mode continue d’évoluer en s’érotisant et en dévoilant certaines parties du corps. Elle atteint toutefois un sommet au début des années 2000, puisque dorénavant elle ne s’applique plus seulement aux femmes, mais aussi aux jeunes filles.

L’industrie de la musique et de la publicité diffusent abondamment ce type d’images. Plusieurs vedettes américaines, telles que Christina Aguilera, Shakira, Britney Spears, Jennifer Lopez, Pussycat Dolls, sont d’ailleurs citées par de nombreux auteurs comme étant non seulement une explication possible à l’hypersexualisation, mais aussi des exemples de modèles sexualisés (Bouchard et al., 2005; Caron, 2014; Poulin, 2009). Outre leur habillement suggestif, ces vedettes proposent des titres d’albums, des paroles de chansons et des chorégraphies à connotation sexuelle (Poulin, 2009).

Julien (2010) croit que cette surenchère sexuelle dans l’espace public, combinée à l’érotisation du corps des jeunes filles dans les médias, est une des influences les plus importantes lorsqu’il est question du phénomène de l’hypersexualisation. Cette ère marquée par la vénalité sexuelle, où le souci constant est de « rendre acceptable et insignifiante la représentation pornographique et de tout sexualiser » (Poulin, 2009, p. 58) est aussi qualifiée de « pornographisation » (Poulin, 2009) et de « pornoïsation de la culture » (Caron, 2014). « Des magazines à la publicité, de la télévision à l’internet [sic], des films aux images fixes, la société actuelle subit un vacarme sexuel assourdissant caractérisé par une banalisation de la sexualité » (Poulin, 2009, p. 37). À titre d’exemple, Graff, Murnen & Krause (2013) se sont intéressées au contenu de deux magazines populaires chez les adolescentes américaines (Seventeen et Girl’s Life) afin d’examiner les changements du degré de sexualisation dans les représentations des filles au fil des ans. Après avoir analysé le contenu, il en ressort une importante augmentation du nombre de caractéristiques sexualisées des filles, notamment en ce qui concerne l’apparence et les vêtements. De plus, aujourd’hui, les images projetées dans les médias sont identiques et uniformisées, contrairement à celles qui étaient diffusées autrefois. Elles présentent généralement les mêmes modèles, ce qui a pour effet de réduire considérablement la gamme d’interprétations relatives à cette image (Hatton & Trautner, 2013). Pour ces raisons, on pourrait croire que les jeunes filles sont limitées dans le choix de modèles d’identification, puisqu’elles sont encouragées à respecter un idéal sexualisé (Duschinsky, 2013). Sans compter qu’elles sont incapables d’exercer un véritable choix, car elles sont contaminées par les valeurs véhiculées qui encouragent l’exploitation et la réintégration des formes de patriarcat (Duschinsky, 2013). La culture des médias et l’augmentation de la commercialisation auprès des enfants sont d’ailleurs des influences puissantes sur la formation de l’identité chez les jeunes (Hatch, 2011) .

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LA PROBLÉMATIQUE
1.1 L’AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE DE L’HYPERSEXUALISATION
1.2 LES CONSÉQUENCES DU PHÉNOMÈNE DE L’HYPERSEXUALISATION
1.3 LA NÉCESSITÉ D’UN PARTENARIAT ÉCOLE-FAMILLE
1.4 LA PERTINENCE DU MÉMOIRE
CHAPITRE 2 LA RECENSION DES ÉCRITS
2.1. LES DÉFINITIONS DE L’HYPERSEXUALISATION ET SES PRINCIPALES MANIFESTATIONS
2.2. LES THÈMES CENTRAUX ASSOCIÉS À L’HYPERSEXUALISATION
2.2.1. L’apparence sexualisée
2.2.2. Les pratiques sexuelles chez les jeunes filles
2.3. LES REPRÉSENTATIONS DU PHÉNOMÈNE CHEZ LES PARENTS ET LES ENSEIGNANTS
2.4. LES PISTES DE SOLUTION ENVISAGÉES
2.5. LES LIMITES DES RECHERCHES ACTUELLES
CHAPITRE 3 LE CADRE DE RÉFÉRENCE
3.1. LA THÉORIE DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES
3.1.1. L’historique du concept des représentations sociales
3.1.2. La définition des représentations sociales
3.1.3. Les fonctions des représentations sociales
3.1.4. Le contenu des représentations sociales
3.1.5. Le processus de développement des représentations sociales
3.1.6. Les facteurs contextuels qui déterminent les représentations sociales
3.1.7. La pertinence de l’utilisation des représentations sociales comme cadre d’analyse de ce mémoire
3.1.7.1. L’objet et le sujet des représentations sociales
3.1.7.2. Une élaboration mentale : la construction d’une réalité propre à chacun des groupes en fonction
de leur rôle respectif
3.1.7.3. La diffusion et la signification d’une représentation sociale
3.1.7.4. Le contenu des représentations sociales
3.2. LE MODÈLE BIOÉCOLOGIQUE
CHAPITRE 4 LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
4.1. LE TYPE D’ÉTUDE
4.2. LA QUESTION DE RECHERCHE ET SES OBJECTIFS SPÉCIFIQUES
4.3. LA POPULATION ET L’ÉCHANTILLON À L’ÉTUDE
4.3.1. Les stratégies de recrutement
4.3.2. Les caractéristiques des participants à l’étude
4.4. MÉTHODE DE COLLECTE DE DONNÉES
4.5. L’ANALYSE DES DONNÉES
4.6. LES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES
CHAPITRE 5 LES RÉSULTATS
5.1. LES INFORMATIONS DISPONIBLES SUR L’HYPERSEXUALISATION DANS LE DISCOURS DES ENSEIGNANTS ET DES PARENTS
5.1.1. Les sources d’information
5.1.2. Le contenu des informations reçues
5.2. L’IMAGE DE L’HYPERSEXUALISATION DANS LE DISCOURS DES PARENTS ET DES ENSEIGNANTS
5.2.1. Les définitions et les caractéristiques du phénomène de l’hypersexualisation
5.2.1.1. L’apparence
5.2.1.2. L’attitude
5.2.1.3. Les pratiques sexuelles
5.2.2. Les termes associés à l’hypersexualisation dans l’exercice de l’association libre
5.3. L’ATTITUDE DES PARENTS ET DES ENSEIGNANTS ENVERS L’HYPERSEXUALISATION
5.3.1. L’attitude des répondants révélée par la technique de l’association libre
5.3.2. L’attitude des répondants révélée par leur discours sur l’hypersexualisation
5.4. LES CAUSES ET LES CONSÉQUENCES ASSOCIÉES AU PHÉNOMÈNE DE L’HYPERSEXUALISATION
5.4.1. Les causes de l’hypersexualisation
5.4.1.1. L’ontosystème
5.4.1.2. Le microsystème.
5.4.1.3. Le macrosystème
5.4.1.4. Le chronosystème
5.4.2. Les conséquences de l’hypersexualisation
5.4.2.1. L’ontosystème
5.4.2.1.1. Les conséquences physiques
5.4.2.1.2. Les conséquences psychologiques
5.4.2.1.3. Les conséquences liées à la sexualité des jeunes filles
5.4.2.2. Le microsystème
5.4.2.2.1. Le milieu familial
5.4.2.2.2. Le milieu scolaire
5.4.2.2.3. Les relations interpersonnelles
5.4.2.3. Le mésosystème
5.4.2.4. L’exosystème
5.4.2.5. Le macrosystème
5.4.2.6. Le chronosystème
5.4.3. Les recommandations et les pistes de solution pour contrer le phénomène de
l’hypersexualisation
5.4.3.1. L’ontosystème
5.4.3.2. Le microsystème
5.4.3.3. Le mésosystème
5.4.3.4. L’exosystème
5.4.3.5. Le rôle des intervenants sociaux
CHAPITRE 6 DISCUSSION DES RÉSULTATS
6.1. LE CONTENU DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DU PHÉNOMÈNE DE L’HYPERSEXUALISATION DES JEUNES FILLES CHEZ
LES PARENTS ET LES ENSEIGNANTS
6.1.1. Les informations
6.1.2. Le champ ou l’image
6.1.3. Les attitudes
6.2. LES RECOMMANDATIONS
6.3. LES LIMITES ET LES FORCES DE L’ÉTUDE
6.4. LES PERSPECTIVES DE RECHERCHE
CONCLUSION 

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