Les territoires frontaliers : territoires de projet
Une importance des zones frontalières en Europe
La mise en place d’une politique régionale de la part de l’UE et la division du territoire européen sous forme de NUTS2 , ont permis de mettre en évidence selon les instances européennes, l’importance des régions frontalières à l’intérieur de l’Europe. Celles-ci représenteraient 15 % du territoire européen et 10 % de sa population (Amilhat-Szary, Fourny, 2006).Un nouveau rapport politique européen vis-à-vis de la frontière étatique entre les Etats membres L’UE, au travers de sa politique régionale s’est donc intéressée à développer des liens entre les territoires traversés par une frontière, afin de poursuivre l’intégration européenne des populations. Cette amorce a été possible du fait que les frontières entre Etats membres ont perdu leur statut de barrière par la mise en place du marché unique européen . Jadis élément de rupture, la frontière est aujourd’hui perçue par les instances européennes comme élément non plus de mise à distance, mais comme élément de rapprochement entre peuples. Les frontières sont donc devenues de véritables supports pour créer un projet de territoire pour les régions traversées par une frontière. Les frontières entre Etats membres n’ont pas disparu mais elles sont devenues davantage des limites administratives que des fins de territoire. La frontière deviendrait d’après le groupe de recherche interfaces (2008), un « élément médiateur entre deux milieux, une aire où les phénomènes transfrontaliers se diluent dans l’espace pour devenir une zone d’interface ». La frontière est donc devenue aujourd’hui un levier de développement, utilisée comme élément d’intégration et de diffusion des dynamiques issues du jeu de coopération de part et d’autre de la frontière et valorisant les espaces transfrontaliers.
Le territoire transfrontalier : territoire de projet
Selon Leloup et Moyart (2006), l’UE créa au début des années 90, les premiers programmes d’initiative communautaire INTERREG dont le but était de renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale, en proposant de faire des frontières un véritable atout. La frontière serait pour le territoire transfrontalier, un nœud d’intersection entre les réseaux complexes crée par un rapprochement politique, économique et social des territoires partagés par une frontière. Celui-ci serait alors un « espace structuré et à structurer, doté d’une épaisseur et d’un contenu ». (Carrière, Thibault, 2000) La proximité politique s’intensifiant, le jeu de coopération doit développer et intensifier les réseaux de par la frontière basée « sur une connaissance des deux systèmes économiques et politiques et (qui) arrivent à en dégager un certain nombre de rentes différentielles » (Leloup, Moyart, 2006 : 40). De par sa position géographique et les avantages économiques susceptibles d’être dégagés, l’espace transfrontalier peut-être valorisé comme zone-contact qui selon Leloup et Moyart (2006 :41) est constitué par « l’ensemble des relations hors marché reliant les espaces de production et de marché ». L’espace transfrontalier serait considéré comme une très bonne région-contact car elle disposerait d’une « capacité de traduction » que ce soit pour le langage que pour les règles comportementales et sociologiques. Dans le cas serbo-croate, les langues croates et serbes sont extrêmement similaires car elles sont issues de la même famille linguistique. De plus, la zone frontalière serbo-croate a subi l’influence austro-hongroise. Ainsi, le territoire transfrontalier serbocroate bénéficie de ces atouts, qui pourraient lui permettre d’être une véritable zone de contact entre la Serbie et la Croatie. Les limites du territoire transfrontalier définiraient « le lieu d’intersection de réseaux, de stratégies et d’interdépendances entre partenaires reliés entre eux, le lieu de production, de négociation, de partage d’un devenir commun » (Leloup, Moyart, 2006 : 48). Le territoire frontalier devient un « lieu où s’expriment les complémentarités » (Groupe de recherche interfaces, 2008) et qui formerait « une sorte d’entre d’eux où l’on voit émerger des cultures et des pratiques locales spécifiques ». (Arbaret-Schultz et al, 2004) Ainsi, les territoires transfrontaliers sont « réinsérés dans des processus de construction novateurs » (Amilhat-Szary, Fourny, 2006 : 8), où les liens crées sur ce territoire sont source de nouvelles possibilités concernant la gouvernance ou bien le développement d’un nouveau rapport à l’autre et à sa propre identité. Le territoire transfrontalier serbo-croate pourrait devenir le territoire qui permet aux Serbes et au Croates d’apprendre de nouveau à vivre ensemble, et à tisser une histoire de nouveau commune. Selon Amilhat-Szary et Fourny (2006), l’Europe transforme les espaces frontaliers en centre de fabrication d’identité territoriale nouvelle. II. Les Balkans4 : vers une intégration à l’UE A. Autrefois en guerre, aujourd’hui les peuples des Balkans rêvent d’être « européens » Suite à la pacification des échanges au lendemain des conflits yougoslaves des années 90, l’ensemble de ces pays sont promis à un avenir européen à terme. L’Europe est aujourd’hui majoritairement perçue dans les Balkans comme « opting-out » (Rupnik, 2007) ; c’est-à-dire que l’adhésion européenne est un moyen de se libérer du bloc balkanique, malgré la crise actuelle que traverse l’Europe.
L’adhésion européenne des Balkans : véritable enjeu pour l’UE
Depuis la fin des conflits, l’UE est devenue un acteur international incontournable dans la région des Balkans (Blondel, 2012), s’engageant dans la reconstruction et le développement de cette région. L’intervention européenne dans les Balkans semble être nécessaire pour l’UE au niveau international et européen. En effet, en empêchant de nouveaux conflits de se produire dans la région des Balkans, l’UE prouve, sur la scène internationale, sa capacité de puissance d’intervention et de résolution de conflit, sur sa proche périphérie (Rupnik, 2007). Au niveau européen, les Balkans sont un enjeu de sécurité pour l’UE. Il s’agit, par l’adhésion progressive à l’UE, d’éviter de créer une barrière trop franche en Europe entre les Etats membres de l’UE et les autres et également d’éviter l’émergence d’un nouveau conflit en Europe qui prendrait sa source dans les Balkans (cette région a souvent été une zone où la rivalité des grandes puissances européennes s’est affichée) (Rupnik, 2007). Depuis 2000, l’UE a proposé à chacun des Etats balkaniques une perspective européenne individualisée dans le cadre des Accords de stabilisation et d’association, prémice à une future candidature d’adhésion (Blondel, 2012). L’UE agit donc au niveau régional (soutien au développement régional) et bilatéralement, en prenant acte des niveaux de développement de chaque pays balkanique et les poussant chacun à atteindre les conditions d’adhésion (Blondel, 2012). Ainsi, l’ensemble de ces Etats a commencé à mener des réformes économiques et institutionnelles plus ou moins abouties pour répondre aux critères d’adhésion établis par l’UE. La candidature de la Croatie a été validée en Décembre 2011 et elle deviendra ainsi le 28ème pays membre de l’UE en Juillet 2013. La Serbie a déposé son dossier de candidature en décembre 2009 et bénéficie depuis mars 2012 du statut de candidat officiel à l’intégration européenne (Commission Européenne, 2011). C. L’interdépendance économique et le développement régional, comme solution prônée par l’UE pour éviter de nouveaux conflits dans les Balkans La Commission Européenne a mis en place à partir de 2007 une réforme sur la politique européenne de préadhésion. Depuis cette date, l’instrument d’aide de préadhésion (IPA) remplace l’ensemble des anciens instruments financiers pour les états candidats potentiels à l’entrée dans l’UE. L’IPA permettrait aux états candidats de se préparer à la gestion future d’autres fonds financiers européens mais aussi dans un souci de cohésion régionale entre Etats. Selon le règlement (CE) No 1085/2006 du Conseil Européen du 17 juillet 2006, l’IPA « constitue un des instruments généraux destinés à soutenir directement les politiques européennes en matière d’aide extérieure » (Commission Européenne, Direction de la Politique Régionale). L’IPA comporte 5 volets : – l’aide à la transition et le renforcement des institutions; – la coopération transfrontalière; – le développement régional touchant les transports, l’environnement et le développement économique; – le renforcement du capital humain et la lutte contre l’exclusion;