ARGILES ET LATERITES- CARACTERISTIQUES CHIMICO – MINERALOGIQUES ET PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES
Les argiles
Définitions
Il n’existe pas de définition unique du terme « argile ». Le mot « argile » englobe deux connotations dont l’une liée à la taille des grains et l’autre à la minéralogie. La définition dépend de la discipline concernée.
Le géologue ou le pédologue considère comme « argile » tout minéral de faible granulométrie, la limite étant fixée à 2 ou 4 microns selon les cas [1].
Les céramistes définissent l’argile comme une matière première qui, en présence d’eau, forme une pâte plastique qui durcit après cuisson [1], [2]. Pour l’ingénieur du génie civil, le sol argileux désigne un sol qui contient un certain pourcentage de minéraux argileux et dont le comportement est influencé par la présence de ces derniers. Un sol argileux est un sol fin, plastique et cohérent, actif sur le plan électrochimique et dont le comportement est très sensible à la présence de l’eau. L’influence de la proportion en argiles sur les propriétés du sol augmente avec la quantité d’eau. Lorsque la quantité d’argile excède 50% en masse, le comportement du mélange est gouverné par l’effet de l’argile [3].
Propriétés physico-chimiques
Les propriétés physico-chimiques des minéraux argileux sont dues à la petite taille, la structure des feuillets et la charge négative des particules.
La granulométrie
La connaissance de la granulométrie d’un sol donne des orientations sur la qualité des briques crues élaborées à partir de ce sol. Pour avoir des briques de qualité, le sol ne doit pas être trop argileux. La fraction argileuse (<2 μm) doit être supérieure à 5% et inférieure à 30% et les gros grains ne doivent pas avoir une taille moyenne supérieure à 5mm [4].
La plasticité
La plasticité d’une argile exprime sa faculté à se déformer lorsqu’elle est mélangée à de l’eau. Elle dépend essentiellement du type et de la structure des minéraux argileux et de la granulométrie. La plasticité des minéraux argileux varie d’un minéral à un autre. Les minéraux les plus plastiques sont les minéraux fibreux et les smectites. En effet la structure en rubans des minéraux fibreux leur permet la fixation de l’eau zéolitique tandis que l’espace inter foliaire des smectites leur permet de fixer des molécules d’eau. Pour un même minéral, la plasticité peut varier. Ainsi la kaolinite bien cristallisée est moins plastique que celle mal cristallisée [6].
La surface spécifique et la capacité d’échange cationique
La fine taille des argiles leur confère une surface importante par rapport au volume des particules [7]. La surface des argiles est supérieure à celles de minéraux de même taille mais de forme différente. Les propriétés des argiles sont essentiellement contrôlées par leur surface. La surface totale comprend la surface externe qui est comprise entre les particules argileuses et la surface interne correspondant à l’espace interfoliaire. Les minéraux fibreux sont caractérisés par une grande surface spécifique (As).
La capacité d’échange cationique (CEC) mesure la capacité d’une argile à échanger des cations. Elle mesure la concentration en cations non fixés dans la couche diffuse et dépend de la charge totale (c’est-à-dire la charge de surface et structurale).
La CEC est fonction du pH. Elle est généralement donnée pour un pH neutre (pH=7). Elle est exprimée en milliéquivalent /100g (méq/100g). Le tableau 1 donne des valeurs de surface spécifique et de CEC de quelques minéraux argileux.
Les latérites
Définitions
Le mot latérite vient du latin « later » qui veut dire brique. Le terme a été suggéré pour la première fois par le géologue Buchanan (1807) dans le compte–rendu de son voyage à Madras, au travers des provinces du Mysore, Kanabar et Malabar pour désigner un matériau ferrugineux utilisé dans l’Inde pour confectionner des briques de terre destinées à la construction. « C’est un des meilleurs matériaux de construction, rempli de cavités et de pores, possédant de grandes quantités de fer, de coloration rouge et jaune. L’intérieur du matériau, à l’abri de l’air, est si tendre que tout instrument métallique le coupe.
Aussitôt taillée à la forme voulue, la masse devient aussi dure qu’une brique et résiste à l’eau et à l’air, bien mieux que toute brique que j’ai vue en Indes [9], [10] ».
La définition du mot latérite ne fait pas l’unanimité chez les auteurs. Plusieurs définitions furent proposées au terme latérite par des auteurs dont les principales sont citées ci-après.
o Rinne, Bertrand et Orcel (1949) définissent les latérites comme des argiles et hydroxydes de fer et d’aluminium [11].
o Routhier (1963) qualifie de latérite un mélange d’hydroxydes de fer et d’aluminium [11].
o Vatan quant à lui, fait appel à la couleur, notamment rouge brique, qui viendrait du mot latin « later », terme plutôt utilitaire [11].
o Millot (1963) utilise le terme « latérite » pour désigner l’ensemble des produits d’altération de la zone intertropicale [11].
o Pour l’ingénieur routier, la latérite est une matière première de structure vacuolaire, très souvent nuancé et de couleur variant du jaune au rouge plus ou moins foncé et même noir, constitué par une croûte plus ou moins continue, d’épaisseur et de dureté variables, ayant beaucoup de vides et l’aspect d’une scorie, ou aussi des concrétions isolées oolitiques et pisolitiques, de plus ou moins grande résistance avec une fraction argileuse [9]. Des distinctions sont faites entre les sols fins latéritiques (ou latérite), les graveleux latéritiques utilisables en technique routière comme couche de forme, de fondation et de base, la carapace ou horizon latéritique très dur et la cuirasse latéritique qui est une couche très dure de matériau aggloméré ressemblant à des scories.
o De nos jours, la définition qui semble faire l’unanimité chez les auteurs est celle de Schellman en 1986 [10] car elle s’appuie sur les conditions d’altération de la roche mère et la composition minéralogique. Pour cet auteur : « Les latérites sont des produits d’intense altération météorique et sont constitués d’un assemblage minéral qui peut être fait de goéthite, d’hématite, d’hydroxyde d’aluminium, de kaolinite et de quartz. Le rapport SiO 2 / (Al 2O3 + Fe2O3 ) comparé à celui de la roche mère doit être tel que la formation latéritique ne contienne pas plus de silice que celle qui est retenue dans le quartz qui subsiste et celle qui est nécessaire à la formation de la kaolinite ».
o Autret (1983) [12], distingue :
– les sols fins ferralitiques (ou latérite) ;
– les graveleux latéritiques utilisés le plus souvent en construction routière comme couche de forme, couche de fondation ou de base ;
– la carapace (ou horizon) latéritique, très dure mais pouvant être détruite par un engin de terrassement ou à la pioche … ;
– la cuirasse latéritique, qui est une couche très dure de matériau aggloméré ressemblant à des scories, difficilement destructible par des engins à lame, parfois naturellement fragmenté.
o Certains auteurs réservent le terme de latérite uniquement aux matériaux d’altération contenant de la gibbsite, des oxydes de fer (Lacroix.A, 1923) ; d’autres réfutent la présence de gibbsite comme obligatoire (Lelong.P, 1970). D’autres encore désignent sous ce terme des produits ayant un comportement géomécanique spécifique (Chirat.G, 1955).
Pour notre part, nous utiliserons désormais la dénomination de « terre rouge » pour la suite car il existe beaucoup trop de termes pour désigner ceslatérites.
Formation et genèse des latérites
Le phénomène de latérisation est un processus de formation des sols, spécifique aux régions tropicales chaudes et humides. Il s’agit d’une altération de la roche mère dont la caractéristique essentielle réside dans une mise en solution puis un départ de la silice, phénomène de lessivage, accompagnés d’un enrichissement en fer et en alumine sous forme de sesquioxydes Fe 2O3 et Al2O3 [9]. Les facteurs influençant de façon prépondérante l’altération des roches et la formation des sols latéritiques qui en découlent sont : le climat (pluviométrie, température, bilan hydrique), la topographie (érosion et drainage), la végétation (matières organiques, bactéries, acides humiques), la nature de la roche mère et le temps [13].
LES TERRES ROUGES COMME MATERIAUX DE CONSTRUCTION ROUTIERE
Les graveleux latéritiques et leur utilisation en construction routière
Définition
Le graveleux latéritique est un sol meuble de granulométrie 0/20 à 0/40 mm comportant de 10 à 35% de fines passant au tamis de 80 μm et un « squelette » (refus sur le tamis de 2 mm) de 20 à 60%. Le mortier passant au tamis de 0,425 mm a une plasticité (IP = indice de plasticité) variant entre 10 et 35%. La courbe granulométrique montre très généralement un palier entre 0,080 et 2 mm qui traduit bien la dualité d’origine des composants du mélange naturel qu’est ce matériau. Ils sont abondants dans la zone intertropicale et sont utilisés en construction routière comme matériau de couche de fondation ou de base.
Minéralogie des graveleux latéritiques
Les graveleux latéritiques sont caractérisés par leur forte teneur en oxydes et hydroxydes de fer et/ou d’aluminium qui peut atteindre 80% du produit dû à la ferrallisation. Le fer est présent sous forme de goéthite (αFeO (OH)) ou d’hématite (αFe2O3 ). L’aluminium est contenue dans la gibbsite (γAl(OH)3 ) et dans la boehmite ou diaspore (AlO(OH)). Les minéraux argileux couramment rencontrés dans les graveleux latéritiques sont la kaolinite, l’halloysite, la montmorilloni te, les chlorites mais rarement l’illite. A ces minéraux, il faut ajouter les oxydes de titane dont l’anatase et une de ses variétés allotropiques qui est la brookite, les oxydes de chrome dont la chromite et la chromopicotite. Les silices cristallisées (quartz) et amorphes sont à des teneurs appréciables dans les graveleux latéritiques.
Les principales spécifications
De nombreuses normes d’utilisation des graveleux latéritiques en technique routière existent. Il s’agit de règles empiriques valables aussi bien pour les routes revêtues que celles non revêtues. Elles se basent essentiellement sur les résultats de l’analyse granulométrique, des limites d’Atterberg, les essais de compactage (Proctor modifié) et la portance CBR (Californian Bearing Ratio). D’un pays à un autre, les spécifications peuvent être différentes. Les caractéristiques (sont recommandées par le manuel de dimensionnement des chaussées pour les pays tropicaux tableau 5). La caractéristique clé pour ce dimensionnement est la portance CBR.
Dégradations
Plusieurs facteurs contribuent à la dégradation des routes en terre. Parmi ceux-ci on distingue essentiellement: l’eau, la végétation, l’ensablement, le trafic, le matériau, la conception, la construction etc… Au cours de cette étude, nous nous intéresserons particulièrement aux facteurs trafic et matériau qui sont générateur de deux types de dégradations c aractéristiques des chaussées non revêtues. Ce sont:
– la perte en matériau ou « gravel loss » ;
– les déformations ;
– la fissuration.
Ces types de dégradation sont les plus courants sur les routes en terre et engendrent des confits d’entretien et d’opération des véhicules élevés. Ces deux phénomènes créent des pertes importantes en matériau obligeant les brigades des travaux publics a effectuer des rechargements réguliers de la route.
La perte en matériau ou « gravel loss »
L’une des caractéristiques le plus connus des routes en terre est « le gravel loss ». C’est un phénomène du au dégagement de poussière et rejet de matériau provoqué par la circulation des véhicules. Plusieurs facteurs contribuent au développement de la perte en matériau, notamment :
– le trafic ;
– la charge des véhicules ;
– la pluviométrie (volume et intensité) ;
– la géométrie de la route ;
– le type de matériau utilisé ;
– la fréquence de l’entretien.
Table des matières
Remerciements
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des photos
Liste des cartes
Liste des abréviations
Liste des notations
Liste des annexes
INTRODUCTION
1 ère Partie : ETUDES BIBLIOGRAPHIQUES
Chapitre I : ARGILES ET LATERITES – CARACTERISTIQUES CHIMICOMINERALOGIQUES ET PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES
Chapitre II: QUELQUES DONNEES DE BASE DE LA MECANIQUE DU SOL
Chapitre III : LES TERRES ROUGES COMME MATERIAUX DE CONSTRUCTION ROUTIERE
2 ème Partie : METHODES EXPERIMENTALES
Chapitre IV : METHODES D’IDENTIFICATION ET DE CARACTERISATION
Chapitre V: METHODES D’ETUDE DU COMPORTEMENT MECANIQUE DES ECHANTILLONS DE TERRE ROUGE
3ème Partie : CARACTERISTIQUES ET COMPORTEMENT DES TERRES ROUGES
Chapitre VI: CARACTERISTIQUES CHIMIQUES, PHYSIQUES ET GEOTECHNIQUES DES TERRES ROUGES
Chapitre VII : COMPORTEMENT MECANIQUE DES TERRES ROUGES
Chapitre VIII : INTERPRETATIONS MECANIQUES DE CERTAINS TYPES DE FISSURES DE DISCONTINUITE DES ROUTES EN TERRE ROUGE
4 ème Partie : CARACTERISTIQUES DES TERRES ROUGES ET LEURS DOMAINES D’APPLICATION DES TERRES ROUGES
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ET WEBOGRAPHIQUES
ANNEXES
TABLE DES MATIERES
RESUME