Les télécommunications « biens publics » aux télécommunications « marchandises » (1794-1980/90)

Les télécommunications « biens publics » aux télécommunications « marchandises » (1794-1980/90)

 Le contexte d’émergence des télécommunications « bien publics »

A la création de l’activité « télécommunication », en France comme aux Etats-Unis, les télécommunications sont considérées comme des biens d’utilité publique. Ils se développent dans un cadre monopolistique, d’Etat en France, et privé aux Etats-Unis. Au plan international, leur caractère de bien public est même reconnu en 1947 par l’Organisation des Nations-Unis. Les télécommunications « biens publics » aux télécommunications « marchandises » (1794-1980/90) 172 Le télégraphe est le point de démarrage des systèmes de télécommunications que Flichy, (1991, p.48) décrit à partir des quatre caractéristiques suivantes : une transmission très rapide, un réseau permanent, un corps technique spécialisé responsable de son exploitation, le codage de l’information dans un langage universel.

En France, les premières lignes de télégraphie optique ont été installées en 1794 par la Convention, dans un contexte d’économie de guerre. Dès l’émergence de cette innovation ses défenseurs y ont vu un moyen d’assurer une cohérence nationale. Jusqu’en 1850, l’idée de l’utiliser à des fins privées a été écartée par les gouvernements qui se sont succédés (Barreau et Mouline, 2000, p. 29). Le vote de la loi de 1837 a instauré un monopole étatique sur le télégraphe et ses usages ont été essentiellement militaires et de contrôle-police. C’est par la loi de 1850 que l’administration du télégraphe s’est ouverte à la communication privée. « L’organisation étatique est défendue par les économistes saint-simoniens qui exercent une forte influence sur les dirigeants politiques du Second Empire » (Barreau et Mouline, 2000, p. 29). Dans ce cadre, l’intervention étatique est justifiée par l’utilité « perçue des voies de communications qui affectent d’une manière permanente l’ensemble des transactions de toute nature » qui « nécessite une unité d’administration [et] demande un personnel d’élite » (ibid., 2000, p. 29). La classe politique au pouvoir a adhéré à cet argument.

L’exploitation du télégraphe français a alors été confiée en 1873 à La Poste qui, depuis 1829, construit un réseau postal au service de tous les citoyens sur l’ensemble du territoire français. Aux Etats-Unis, l’inventeur de la télégraphie électrique a obtenu du Congrès le financement de la première ligne en 1844. Le projet d’exploitation du télégraphe a été d’abord confié à la Poste mais l’ampleur des investissements a poussé le Congrès à revendre le réseau de télégraphie à une société privée. Ce réseau s’est déployé rapidement et par le jeu des fusions, en 1870, la Western Union possédait le quasi monopole du télégraphe américain. 

Vers la marchandisation des télécommunications

Le modèle monopolistique dans le domaine des télécommunications a commencé à faire débat à partir du début du 20ème siècle. En France, il a été conservé jusqu’en 1990, mais a évolué vers une forme différente, dès le début des années 1970. Aux Etats-Unis, ce modèle a continué à s’imposer, jusqu’aux années 1970, contre l’acceptation d’une forte réglementation de l’activité. Cependant, dans un contexte de découvertes technologiques et d’ouverture à la concurrence d’activités annexes aux télécommunications, ATT révisera sa position et obtiendra la libéralisation souhaitée du marché américain en 1982. Cette ouverture marque « symboliquement » le début du règne de la conception des télécommunications comme « marchandises ». En France, le modèle du monopole étatique adopté pour la poste a complètement inspiré l’organisation choisie pour le télégraphe, puis pour le téléphone. Ce modèle a été contesté après la guerre de 1914-1918, pour des raisons liées à l’extension considérable de la sphère publique et au défaut de qualité du service de télécommunications. Le débat a opposé les libéraux qui proposaient de transférer l’activité au secteur privé et les étatistes qui souhaitaient « industrialiser » l’Etat, c’est-à-dire d’appliquer à cette activité les méthodes de gestion du 175 secteur privé.

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Ces différents se sont clos par l’adoption de la loi de 1923 créant un budget annexe pour l’administration des PTT. De nouvelles propositions ont émergé dans les années 1960 pour donner plus d’autonomie de gestion aux télécommunications (création d’un établissement public ou d’une société nationale de télécommunications). La stagnation du téléphone, faute de financement, en a été l’une des principales raisons. En 1971, deux Directions autonomes sont finalement créées au sein du Ministère des PTT : la Direction Générale des Télécommunications (DGT) et la Direction Générale de La Poste (DGP). On assiste alors au décollage du téléphone, grâce à l’appel à l’épargne et aux capitaux privés dans un contexte de mutation du secteur. A partir des années 1970, la convergence des technologies de l’informatique et des télécommunications permet de transporter des voix, des images et des données sur un même réseau.

Ces nouveaux services font appel à de nouvelles compétences relevant autrefois de secteurs différents (constructeurs informatiques, SSII, concepteurs de programmes audiovisuels, etc.). Par ailleurs, le développement des services dont les utilisateurs ont désormais besoin au niveau mondial pousse à des rapprochements entre les entreprises. Entre 1974 et 1982, la DGT a massivement investi dans la Recherche et Développement (inventions de la commutation numérique, du minitel, etc.). Elle a aussi mis en service plus de lignes, qu’elle n’en avait installées en un siècle (Boneu, Fettu et Marmonier, 1992, p. 126). Il fallait en effet rattraper le retard de la France par rapport aux autres pays d’Europe (l’Allemagne, notamment). Ce rattrapage s’est opéré en respectant les valeurs du SP (assurance d’un service constant et de qualité, mise en place d’un système de péréquation des tarifs, adaptation du service aux besoins des usagers). C’était le temps de la production et de la technique. Ce mode de fonctionnement de la DGT s’est étendu jusqu’en 1989-1990 (Barreau et Mouline, 2000, p. 32). 

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