Les technologies numériques comme nouveaux moyens au service des enquêteurs et de l’État
Les enjeux judiciaires de l’adaptation à ces nouveaux moyens
L’importance primordiale de l’adaptation des technologies modernes aux enquêtes de police se justifie par 2 raisons principales. Tout d’abord la nécessité pour l’Etat français de pouvoir faire face aux nouvelles formes de délinquances apparues à l’ère du numérique et dont l’évolution va de pair avec celle des technologies modernes. C’est aussi une manière de parvenir à perfectionner les techniques d’enquêtes judiciaires dans un monde où les technologies numériques font partie intégrante de la vie des individus. Les investigations menées sur les infractions traditionnelles telles qu’elles existaient avant le développement du numérique permettaient aux enquêteurs de relever des indices sur des scènes matérielles et engendraient un travail long et considérable pour résoudre des affaires complexes, le manque de preuves fiables et intangibles se trouvant être un frein important. En effet, si l’ADN ou les traces papillaires retrouvées sur une scène de crime permettent d’établir avec certitude la présence d’un individu sur les lieux, il est nécessaire d’avoir en sa possession cet ADN et ces traces pour pouvoir les comparer. Si tel n’est pas le cas, le code de procédure pénale (CPP) prévoit, sous certaines conditions, l’enregistrement des traces prélevées dans les fichiers de police ou gendarmerie tels quel que le FAED29 ou le FNAEG30 . Est également recherchée la présence de délinquants dans les fichiers comparés, cependant, dans la plupart des cas cela n’aboutira pas au résultat escompté. En effet, nombreuses sont les traces et infractions qui conservent le statut d’auteur inconnu. C’est pourquoi les technologies modernes présentent des apports majeurs dans la lutte contre la délinquance. Premièrement, les délinquants évoluent désormais au sein de cadres infractionnels tout à fait différents que représentent le web et les réseaux sociaux qui rendent obsolètes les moyens d’enquêtes classiques. En effet, lorsque, par exemple, un individu commet une infraction de pédopornographie sur un réseau social, les enquêteurs auront besoin de nouveaux moyens d’investigation pour obtenir des preuves. Il est crucial qu’ils puissent en disposer car, dans le cas contraire, l’Etat ne pourrait plus assurer son devoir de sécurité publique. La disproportion manifeste existant entre les moyens d’investigations et les infractions numériques aboutirait à des résultats inadéquats avec cette promesse. C’est ce qu’affirme le ministère de l’Intérieur dans le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dites LOPPSI 2 « Les délinquants utilisent de plus en plus les technologies modernes pour commettre des crimes et des délits ou pour dissimuler leurs agissements par des moyens techniques sophistiqués. Les forces de sécurité ne peuvent pas être à la traîne d’une délinquance de plus en plus violente ». Deuxièmement, la nécessité pour les enquêteurs de se munir d’outils numériques modernes se rapporte à l’article L111-1 du CSI qui prévoit que « L’Etat a le devoir d’assurer la sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la République, à la défense des institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre publics, à la protection des personnes et des biens ». La modification des techniques d’enquêtes par le biais des technologies numériques assure une rapidité et une efficacité dans la conduite des investigations qui leur a permis une amélioration concrète. En effet, les techniques de localisation GPS, vidéoprotection, d’exploitation du contenu d’un disque dur d’ordinateur ou du contenu d’un téléphone. La possibilité d’étendre les moyens d’enquêtes dans le cadre de certaines infractions (délinquance et criminalité organisée) et, si ce n’est l’enjeu le plus important, le troisième point concerne les cas les plus graves : le terrorisme
Les évolutions juridiques subséquentes
« Nul ne peut agir avec l’intensité que suppose l’action criminelle sans laisser des marques multiples de son passage » 39 . Avant l’essor des technologies numériques, les marques laissées par un délinquant sur une scène d’infraction étaient exclusivement humaines et matérielles. En effet, les objets peuvent laisser des traces (arme à feu, semelles de chaussures) qui n’identifient pas directement leur utilisateur. Les humains quant à eux, sont à l’origine de traces papillaires dont « le dessin papillaire présent sur ces différentes zones étant permanent et unique, il est donc possible, à partir d’une trace papillaire, d’identifier son auteur. ».Depuis lors, les délinquants sont aussi à l’origine de traces immatérielles qui résultent de l’emploi d’outils technologiques comme l’utilisation d’un téléphone portable, du GPS ou encore de sa carte bancaire. C’est sur ces données que se portent, aujourd’hui, systématiquement les analyses des enquêteurs : l’exploitation des supports numériques mais aussi les images prises à partir des appareils de vidéoprotection et les données provenant des téléphones portables .
Le développement des techniques modernes d’enquêtes
Les outils numériques plus sophistiqués, en raison de leurs atteintes aux libertés individuelles, ne peuvent être employés que dans certaines conditions préalablement prévues. La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis de regrouper certaines investigations au sein de la section 6 du chapitre II (Titre XXV du Livre IV) du code de procédure pénale intitulé « Des autres techniques spéciales d’enquêtes ». Ce chapitre concerne trois catégories de mesures telles que l’IMSI catcher, la sonorisation et fixation d’images de certains lieux et véhicules et la captation de données informatiques. Quant au terme « autres », il suggère un lien avec les techniques applicables en matière de criminalité et délinquance organisée mais aussi par leur nature très intrusive qu’elles ont en commun avec les mécanismes semblables d’interception. Ces techniques spéciales existaient déjà avant la loi et reposaient sur des dispositions communes c’est pourquoi le législateur les a regroupées. Le premier dispositif numérique en cause permet le recueil des données techniques de connexion et l’interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques. Appelé IMSI catcher il est utilisé, selon l’article 706-95-20 I du CPP « afin de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation d’un équipement terminal utilisé ». Les termes de cet article permettent ainsi de retenir l’usage possible de ce dispositif de proximité dans le but de capter des données .
Introduction |