Les techniques d’enquête

Les techniques d’enquête

Dans une posture interprétativiste, nous avons considéré les enquêtés comme des « agents bien informés » (Gioia et al., 2013) : les travailleurs savent ce qu’ils essaient de faire et peuvent expliquer à la fois leurs pensées, leurs intentions et leurs actions. L’entretien semidirectif apparaît être une technique d’enquête privilégiée pour investiguer l’expérience vécue des travailleurs via plateforme. En effet, les sources déclaratives permettent de prendre le point de vue du travailleur sur le management du travail via plateforme au-delà de la seule description des structures formelles. Dans la phase de récolte de données, notre rôle du chercheur a été de rendre compte de manière adéquate de l’expérience vécue des informateurs (que Gioia et al., 2013 qualifient de « reporters glorifiés »).

Nous commencerons (1.2.1) par présenter la technique de l’entretien semi-directif, qui a constitué notre principal matériau. Puis, nous détaillerons diverses techniques d’observations (1.2.2) que nous avons mobilisé en complément. Enfin (1.2.3), nous verrons que nous avons continué à avoir un regard sur le substrat technique des plateformes afin notamment d’identifier les évolutions par rapport à notre enquête préliminaire.

L’entretien individuel semi-directif 

L’entretien semi-directif a constitué notre principale technique d’enquête dans le cadre de ce travail doctoral. L’entretien est une « technique destinée à collecter, dans la perspective de leur analyse, des données discursives reflétant notamment l’univers mental conscient ou inconscient des individus. Il s’agit d’amener les sujets à vaincre ou à oublier les mécanismes de défense qu’ils mettent en place vis-à-vis du regard extérieur sur leurs comportements ou leurs pensées » (Baumard et al., in Thiétart, 2014 ; p. 235).

Dans le but d’éviter les mécanismes de défense, nous avons choisi de réaliser des entretiens individuels car les entretiens de groupe peuvent entraîner une réticence des sujets à se révéler face aux autres participants, ce qui aurait compromis l’authenticité des discours.  Le Guide d’entretien L’entretien semi-directif est structuré par un guide d’entretien sans être directif : il s’agit de suivre le fil des thèmes que l’enquêté aborde spontanément, dans une attitude d’écoute positive.

Nous avons préféré conduire des entretiens semi-directifs plutôt que non directifs car le guide d’entretien permet de câbler le discours en lien avec notre question de recherche, et cela facilite également la comparaison avec les propos tenus par les autres enquêtés. En lien avec notre question de recherche, nous avons défini deux grands thèmes à aborder avec nos enquêtés (voir tableau 19 ci-dessous). Tout d’abord, le premier thème portait sur la trajectoire socio-professionnelle des enquêtés : leurs études, emplois antérieurs ou complémentaires, etc. Le second thème abordait plus précisément l’activité via la plateforme.

L’enjeu a été de comprendre comment les travailleurs déploient leur activité en utilisant les instruments de gestion de la plateforme. Les sous-thèmes sont de nature descriptive : nous avons essayé de faire émerger des représentations à partir de données factuelles, voire d’anecdotes. Par exemple, en demandant aux enquêtés de décrire les différents artefacts de la plateforme à partir d’une posture du “novice” qui ne connaît rien, même au bout du quinzième entretien. Cela a permis de récolter des interprétations spontanées de ces différents artefacts. Lorsque cela a été possible, nous demandions aux enquêtés de naviguer avec eux sur la plateforme, voire de nous montrer les outils personnels externes qui les aident à gérer leur activité (e.g. agenda, cahier de notes, etc.)

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Instaurer un climat de confiance

Un bon guide d’entretien ne garantit pas forcément un bon entretien. Les spécialistes de l’enquête ethnographique nous rappellent qu’il n’y a « pas de recettes simples pour conduire 137 un entretien » : « le problème n’est pas (…) de savoir si vous devez poser les bonnes questions pour obtenir de bonnes réponses. L’essentiel est de gagner la confiance de l’enquêté, de parvenir rapidement à le comprendre à demi-mot et à entrer (temporairement) dans son univers (mental) » (Beaud & Weber, 2003, p. 203). Or, cette relation de confiance ne va pas de soi :

« L’entretien (…) est une situation somme toute inédite de la vie sociale : deux inconnus (ou presque) se rencontrent, se parlent (longuement), puis se séparent, le plus fréquemment sans se revoir » (Beaud et Weber, 2003, p.180). De ce fait, nous avons appliqué quelques conseils de conduite d’entretien afin de construire une relation de confiance avec nos enquêtés. Tout d’abord, nous avons instauré un temps de présentations et d’échanges informels avant de mettre en route l’enregistrement.

Nous avons commencé chaque entretien par présenter le cadre de l’enquête, en essayant de dédramatiser l’enregistrement en évoquant des problématiques d’anonymisation et de prises de notes facilitées. Ensuite, nous avons adopté une attitude d’écoute inconditionnelle de nos enquêtés, en notant sur un carnet des mots clés qui pourront servir de relance et sans interrompre l’enquêté. Nous avons également porté attention au tempo de l’entretien, en commençant par poser des questions « qui mettent à l’aise » et qui demandent une narration chronologique.

Par exemple, nous avons souvent commencé nos entretiens par la question suivante : « Pouvezvous me présenter votre parcours et ce qui vous a amené à vous inscrire sur la plateforme ? ». Enfin, nous avons complété les questions principales issues du guide d’entretiens par des questions de confirmation (« Si je comprends bien, vous voulez dire que… ? ») et des questions de relance pour inciter l’enquêté à aller plus loin dans son récit en rebondissant sur certains éléments.

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