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Interferences et desordre, toute une h(H)istoire
Comme nous l’avons mentionn en introduction, l’un des phenomenes induits par le desordre qui reste interessant (sa comprehension n’etant pas encore aujourd’hui complete) est la tran-sition de phase quantique metal-isolant induite par le desordre dans les systemes fortement correles. L’etude de cette transition de phase quantique metal-isolant a et developpee au cours de la seconde moitie du XXieme siecle suite aux travaux d’Anderson sur la localisation forte [4]. Nous reviendrons sur cet e et de localisation qui porte le nom de son auteur au paragraphe 1.1.2.3. Cette approche ne pouvait pas ^etre discutee avant la description quantique de la matiere puisque le caractere ondulatoire de cette derniere n’avait pas et envisag avant l’avenement de la physique quantique. De nombreux travaux theoriques etudiant les e ets de la coherence dans un milieu desordonn ont alors vu le jour et ouvert un vaste champ de recherche.Cela etant, ces approches theoriques et beaucoup discutees et remises en cause avant les premieres observations experimentales dans les annees 1980. De m^eme, les connaissances liees a la nature ondulatoire de la lumiere ont conduit pendant de nombreuses annees a negliger les e ets de co-herence lors de la di usion dans un milieu aleatoire. Il apparaissait en e et que l’e et moyenn sur un grand nombre d’evenements aleatoires devait ^etre nul.
Prenons l’exemple de la di raction. La gure de di raction d’un trou (statique), interpretee comme un phenomene d’interferences avec le principe des sources secondaires de Huygens, est celle bien connue d’une serie d’anneaux concentriques. Supposons maintenant que nous depla-cons le trou aleatoirement dans le plan transverse a la propagation lumineuse. Si la moyenne temporelle e ectuee par le detecteur (par un exemple l’oeil, une camera, etc…) a lieu sur un temps grand devant le temps de deplacement de l’objet, une t^ache lumineuse uniforme est obser-vee. Ainsi, la gure de di raction dispara^t avec la moyenne sur un grand nombre de di usions aleatoires (chaque di usion sur le trou di ractant a lieu en un point di erent de l’espace dans notre exemple).
Cette idee a tres certainement et confortee avec la realisation des lasers et l’observation d’un champ de tavelures (« speckle » en anglais) au debut des annees 1960. L’interpretation de ce phenomene de re exion sur une surface rugueuse en terme de di usion sur un grand nombre de di useurs aleatoires a tres rapidement et proposee [37]. Or, si un champ de tavelures se caracterise par une repartition aleatoire de grains lumineux creee par les interferences entre des ondes emises par di erents di useurs (pour une de nition et une caracterisation d’un champ de tavelures voir la partie 2), une moyenne d’ensemble, i.e. une moyenne sur un grand nombre de realisations de champ de tavelures, donne une repartition uniforme d’intensit . Ainsi, dans cet exemple, une moyenne d’ensemble conduit egalement a une annulation de l’e et des inter-ferences.
Par ailleurs, il faut mettre en avant les tres bons resultats obtenus par une theorie de la di u-sion « classique », ne prenant pas en compte les e ets d’interferences, dans nombre d’observations experimentales. Citons pour exemples la theorie de Mie de la di usion lumineuse (developpee en 1908) qui decrit tres bien la lumiere re echie par les particules des nuages dont la position et le mouvement sont aleatoires, la theorie de Drude (egalement du debut du XXieme siecle) de la conduction electronique dans un metal (ou les impuretes constituent les di useurs aleatoires) qui conduit a une valeur correcte de la conductivite moyennee sur le desordre (i.e. en pratique dans un echantillon metallique su samment long) ou encore celle du transfert radiatif [38]. A la suite de ces observations (entre autres), il etait consider que les e ets coherents lies a la presence d’interferences dans les phenomenes de di usion multiple en presence de desordre ne devaient pas subsister a une moyenne d’ensemble.
Paradoxalement, l’experience ondulatoire qui a remis en cause cet etat de la pensee est ve-nue d’une onde dont la description est delicate en raison de la presence d’interaction : l’onde electronique. A partir d’une experience sur l’e et Aharonov-Bohm, D. Yu. Sharvin et Yu. V. Sharvin ont demontr experimentalement la subsistance d’un e et coherent (interferences elec-troniques) dans une situation ou une moyenne d’ensemble sur le milieu aleatoire di usant est e ectuee [39]. Cette observation a marque le debut d’une serie d’experiences qui ont indiscuta-blement remis en cause l’idee selon laquelle les e ets de coherence disparaissaient toujours apres une moyenne d’ensemble. De nombreuses experiences avec des ondes lumineuses ou acoustiques ont par la suite con rme cette persistance de la coherence. Nous en citerons quelques une dans les paragraphes qui suivent.
Localisation d’onde dans le desordre
Nous allons maintenant esquisser une image de l’in uence du desordre sur la propagation d’une onde. Pour illustrer notre propos nous discutons le cas d’une onde scalaire sans interaction. Dans les paragraphes suivants, nous donnerons des exemples de modi cations, induites par le desordre, du transport d’une onde lumineuse puis d’une onde electronique.
Diffusion d’onde dans un milieu desordonn
La presence d’interferences constitue en quelque sorte la brique elementaire vers une com-prehension des modi cations apportees par le desordre. Ainsi, nous commencons par ecrire l’amplitude complexe d’une onde scalaire sans interaction di usee dans un milieu aleatoire sta-tique. Nous identi ons deux termes dans l’expression de l’intensit di usee : l’un de ces termes correspond a la di usion « classique » et l’autre a la presence d’interferences. Nous allons dans un premier temps rappeler les caracteristiques principales du phenomene de di usion « classique » (en l’absence de phenomenes interferentiels). Une telle approche permet de decrire tres correc-tement la transmission ou la constante de di usion de la lumiere moyenne ou la conductance electronique moyenne dans les milieux aleatoires. Dans un second temps, nous prendrons en compte la presence des interferences et nous montrerons que leur presence conduit a des phe-nomenes de retro-di usion et de localisation faible. En n, nous presenterons a partir de cette situation les e ets d’un desordre plus fort qui conduit a un phenomene de localisation forte ou la constante de di usion s’annule. Ces phenomenes de di usion d’ondes dans un milieu desor-donne ont fait l’objet de nombreux travaux de revue [1, 40].
Di erentes echelles spatiales interviennent dans la description du transport d’une onde dans un milieu di useur de taille nie : la longueur d’onde , le libre parcours moyen l, la taille du milieu di useur L, en n (en anticipant un peu sur la suite) la longueur de localisation Lloc. La longueur Lloc correspond a l’echelle spatiale typique de variation d’une fonction d’onde localisee. Nous pouvons alors distinguer trois grands regimes de transport. Le regime balistique lorsque L l dans lequel il y a peu de di usions, voir m^eme eventuellement aucune. Le milieu est alors presque transparent en l’absence d’absorption. Le regime di usif lorsque l L Lloc dans lequel il y a des di usions multiples mais pas d’e et de localisation forte de l’onde. En n, le regime de localisation forte lorsque l Lloc L qui est lui aussi identi able a un regime di usif dont la constante de di usion est nulle. Nous nous interessons ici aux deux derniers regimes, c’est a dire a des regimes de di usions multiples.
Considerons un milieu compose de di useurs ponctuels, elastiques, statiques1, repartis alea-toirement (position ri) dans lequel une onde plane monochromatique de vecteur d’onde k se propage. L’amplitude complexe A(k; k’) de l’onde di usee avec le vecteur d’onde k’ se met sous la forme : A(k; k’) = f(r1; r2)ei(k:r1 k’:r2) (1.1) r1;r2 ou f(r1; r2) est l’amplitude complexe associee a la propagation sur un chemin de di usions multiples entre les points r1 et r2 (voir gure 1.1). L’intensit associee s’ecrit alors : jA(k; k’)j2 = f(r1; r2)f (r3; r4)ei(k:r1 k’:r2)e i(k:r3 k’:r4): (1.2) r1;r2 r3;r4
Le produit des amplitudes f(r1; r2)f (r3; r4) fait intervenir un terme de phase qui est egal a la di erence de phase entre les deux chemins r1 ! r2 et r3 ! r4. Cette di erence de phase varie aleatoirement suivant les chemins empruntes. Ainsi une moyenne de ce produit sur les di erentes realisations du desordre est nulle sauf dans les cas ou les chemins correspondent a des trajectoires identiques (la di erence de phase etant alors nulle quelque soit la realisation du desordre). Il existe deux possibilites pour obtenir des trajectoires identiques : r1 = r3 et r2 = r4 ou r1 = r4 et r2 = r3. Ces deux chemins correspondent a une propagation de l’onde suivant un chemin donne selon le m^eme sens de propagation ou en sens oppose comme l’illustre la gure 1.1.
Il vient alors pour l’intensit di usee moyennee sur les realisations du desordre (h:::i repr – sente une moyenne sur les di erentes realisations du desordre) : hjA(k; k’)j2i = h jf(r1; r2)j2 1 + ei(k+k’):(r1 r2) i: (1.3)
L’equation (1.3) fait intervenir la somme de deux termes. Le premier terme de phase nulle correspond a la propagation en sens identique. Il s’agit du terme de di usion « classique » egal a la somme des intensites di usees sur chaque di useur (hjA(k; k’)j2i = hPr1;r2 jf(r1; r2)j2i), terme qui existe en l’absence d’interferences. Le second terme a une phase non nulle qui s’ecrit (k + k’):(r1 r2). Il correspond a la presence d’interferences et a des chemins parcourus en sens opposes ( gure 1.1). C’est la prise en compte de ce second terme qui conduit a l’existence d’e ets particuliers dus aux interferences lors de la di usion dans un milieu desordonn .
Dans un premier temps nous rappelons quelques resultats lies a la seule prise en compte du terme classique dans la di usion. Nous discutons ensuite les e ets dus a la presence du second terme interferentiel.
Diffusion « classique »
La theorie de la di usion « classique » de la lumiere dans un milieu aleatoire a et etablie au debut du XXieme siecle [38]. Une approche analogue due a Blotzmann permet la description du transport electronique. Ces theories, ne prenant pas en compte les interferences, ont permis la description d’un grand nombre de phenomenes. Elles etablissent notamment la variation de la transmission T en fonction du libre parcours moyen l et de la taille L du milieu di usant, hT i / l=L connue sous le nom de loi d’Ohm. Les uctuations de la transmission sont faibles autour de leur valeur moyenne, h T 2i=hT i2 1. Une equation de di usion peut egalement ^etre derivee dans ce cadre [1, 38], de nissant ainsi en particulier une constante de di usion D0 nie qui est une constante importante de ces problemes de transport.
Retro-diffusion et localisation faible
Lorsque le terme d’interference de l’equation 1.3 n’est pas neglige, un e et persiste apres une moyenne d’ensemble sur le desordre dans deux cas particuliers : k+k’ ’ 0 et r1 = r2. Le premier cas correspond a une observation de l’onde di usee selon la direction opposee au vecteur d’onde incident : nous obtenons alors une intensit egale au double de l’intensit di usee selon les autres directions de l’espace. Ce phenomene est appel retro-di usion coherente de l’onde. Cet e et, impossible a observer avec des ondes electroniques, a et mis en evidence experimentalement avec les ondes electro-magnetiques (voir paragraphe 1.1.2.2). Le second cas (r1 = r2) correspond a l’existence de boucles fermees. Ce phenomene quali e de localisation faible est a l’origine de modi cation du transport des electrons notamment (voir paragraphe 1.1.2.3). En particulier, il est possible de de nir et calculer un coe cient de di usion Dloc du regime de localisation faible par analogie au cas classique. On montre alors que Dloc est ni et inferieur a la constante de di usion du cas classique, 0 < Dloc < D0.
Notons que ces deux e ets ont exactement la m^eme origine et ont lieu en m^eme temps. Ainsi, l’observation de la retro-di usion coherente d’une onde est consideree comme une manifesta-tion du phenomene de localisation faible. Comme nous l’avions evoqu en introduction, nous sommes en presence de phenomenes interferentiels dont l’existence persiste apres une moyenne d’ensemble sur le desordre. Si leur interpretation est aujourd’hui tres claire (et mise en evidence dans de nombreuses experiences parmi lesquelles : [9,10,39,41,42]), leur caractere n’est pas tres intuitif ! Il n’est pas etonnant qu’ils aient vu le jour experimentalement seulement au debut des annees 1980 apres nombre de travaux theoriques…
Localisation d’Anderson ou localisation forte
Lorsque l’in uence du milieu di usant devient plus importante, la renormalisation de la constante de di usion classique par le phenomene de localisation faible augmente : le coe cient de di usion Dloc diminue. Il vient alors un regime de localisation de l’onde ou la constante de di usion devient nulle, Dloc = 0, sauf en dehors d’une zone d’etendue nie de l’espace. Les di usions multiples engendrent des interferences destructives au dela d’une certaine distance typique, la longueur de localisation, et l’onde demeure alors localisee dans cette region spatiale : il s’agit du regime de localisation forte. Ce regime est donc tres di erent du regime de localisation faible ou le coe cient de di usion est reduit mais demeure ni dans tout l’espace. Dans le regime de localisation forte, il vient une nouvelle loi pour la transmission de l’onde. Cette transmission decro^t exponentiellement avec la taille du milieu di useur, hlog T i / L=Lloc. De plus, les uctuations de la transmission autour de sa valeur moyenne sont grandes, h T 2i=hT i2 > 1. Il faut noter que dans un systeme 1D il n’y a pas de localisation faible (l’image des interferences entre chemins ( gure 1.1) ne s’applique plus) et seul un phenomene de localisation forte existe.
Dans un milieu di usant 3D, il existe un critere, denomm critere de Io e-Regel, commu-nement consider comme necessaire pour l’obtention d’e ets interferentiels preponderants. Ce critere, propose par Io e et Regel [43], stipule que la longueur d’onde doit ^etre superieure au libre parcours moyen, kl > 1=2 (k = 2 = ). Lorsque ce critere est respecte, de nombreuses di usions ont lieu sur une longueur d’onde et le phenomene de localisation forte a une grande probabilite d’avoir lieu. Remarquons, d’une part, que ce critere n’est pas strict, et, d’autre part, qu’il n’est aucunement necessaire pour se trouver dans une situation de localisation faible ou la seule prise en compte des interferences su t.
Le regime de localisation forte d’une onde dans un potentiel aleatoire est un sujet origi-nalement soulev par P.W. Anderson en 1958 dans un article intitule « Absence of Di usion in Certain Random Lattices » [4]. Reprenant des questions autour de la di usion de spin et la conduction electronique en presence d’impuretes, P. W. Anderson propose l’etude d’un modele de di usion sur un reseau dont l’energie potentielle de chaque site est une variable aleatoire (qui suit une certaine loi de distribution). Nous appelons reseau aleatoire ce reseau particulier : il s’agit en e et d’un reseau au sens ou les sites sont distribues spatialement de facon reguliere, l’adjectif aleatoire faisant reference a l’energie sur site qui, elle, est aleatoire. Il s’agit selon P. W. Anderson [4] du modele le plus simple permettant de conduire a une image ayant un sens physique. En particulier, il ne prend pas en compte l’e et des interactions qui existent pourtant dans les systemes de la matiere condensee qu’il decrit.
L’etude d’Anderson consiste a calculer le deplacement d’un spin (ou d’une particule) initia-lement xe en un point du reseau aleatoire. Sous certaines conditions, en particulier au dela d’une valeur minimale de la largeur en energie de la distribution aleatoire des energies sur sites, le couplage d’un site du reseau a l’autre est supprime. Le transport du spin initial ne peut plus alors avoir lieu et seules des transitions virtuelles sont possibles, transitions responsables de l’etalement du paquet d’onde initial dans une region nie de l’espace autour de la position initiale. De plus, Anderson montre que la decroissance de la fonction d’onde ainsi localisee dans une region nie decro^t tres rapidement avec la distance du point consider a la position initiale. Le comportement de decroissance spatiale exponentielle de la fonction d’onde a partir de son centre de localisation est emblematique de la localisation d’Anderson. Nous appellerons longueur de localisation l’echelle spatiale de decroissance de la fonction d’onde localisee. No-tons cependant que Gogolin a demontr qu’a 1D une correction a cette decroissance purement exponentielle de la fonction doit ^etre prise en compte [44, 45]. La demonstration mathematique rigoureuse de l’existence de la localisation d’Anderson a et un peu plus tardive [46].
Nous tenterons de donner une image physique plus precise du phenomene de localisation au sens d’Anderson a 1D a l’aide du formalisme de phase au paragraphe 4.3 ou nous aborderons ce concept dans le cadre des condensats de Bose-Einstein gazeux. Il est impossible de donner une liste exhaustive de la litterature sur le sujet de la localisation d’Anderson, aussi citons seulement quelques ouvrages de reference [47{49].
Experiences de diffusion lumineuse dans des milieux aleatoires
Comme nous l’avons rappel au paragraphe 1.1.1, la recherche d’e ets interferentiels lors de la di usion en presence de desordre s’est developpee relativement recemment, a la suite de l’experience de Sharvin et Sharvin en 1981 [39]. Le phenomene de retro-di usion coherente de la lumiere a alors et etudi et sa premiere observation date de 1984 [9, 10]. Cela etant il a fallu attendre 1995 pour qu’une mesure experimentale obtienne le facteur 2 sur l’intensit attendu pour la lumiere retro-di use [41] : cette observation necessite une precision de 50 rad sur l’angle du c^one de lumiere retro-di use. La gure 1.2 presente la mesure de l’intensit en fonction de l’angle d’observation avec la direction de propagation de la lumiere. La necessaire precision angulaire pour l’etude du phenomene de retro-di usion explique que son observation n’est pas eu lieu « par hasard » avant 1984.
Le phenomene de retro-di usion a et observ dans de nombreuses situations de di usions multiples de la lumiere : dans des solutions liquides de di useurs en suspension [9, 10], sur des atomes froids [11], avec des champs de tavelures [50], et m^eme avec une lumiere incoherente comme celle du soleil [42, 51].
En parallele a ces travaux sur la retro-di usion lumineuse, s’est developpee une recherche visant a mettre en evidence les phenomenes de localisation forte de la lumiere dans un mi-lieu desordonn . Les premieres mesures e ectuees sur la transmission lumineuse a travers un milieu de taille nie [52] ont ete beaucoup discutees, en particulier la presence possible d’ab-sorption. Des mesures de uctuations de la transmission ont alors et e ectuee a n d’eviter l’ecueil de l’absorption [53]. Tres recemment, des experiences ont et menees sur la transmis-sion d’impulsions courtes a travers des poudres [6, 7]. Un phenomene de localisation faible est
indiscutablement mis en evidence et la convergence vers le regime de localisation d’Anderson y appara^t egalement. En n, au debut de l’annee 2007, le phenomene de localisation d’Anderson a et observ dans un cristal photonique [5]. Cette experience consiste a mesurer la di usion transverse (plan perpendiculaire a la direction de propagation) de la lumiere, en l’absence et en presence de desordre. Un arr^et de la di usion transverse est observ et le pro l d’intensit transverse alors mesur decro^t exponentiellement. De plus, ce travail met egalement en evi-dence les modi cations apportees par la presence de faibles non-linearites : la localisation forte demeure et la longueur de localisation diminue.
Effets de localisation dans les conducteurs electroniques
La mise en evidence de l’e et de retro-di usion de la propagation d’ondes electroniques dans un conducteur desordonn est di cilement envisageable experimentalement et cet e et n’a pas et observ . Cela etant, il existe un certain nombre de consequences de la localisation faible sur la conductance et sur la magneto-resistance des conducteurs electroniques [54,55]. De-puis le debut des annees 1980 nombre d’experiences ont et consacrees a ces di erents e ets [56].
L’etude des consequences de la localisation faible peut ^etre etendue a celles de la localisation forte. La transition entre ces deux regimes de localisation a et mis en evidence experimenta-lement dans des conducteurs electroniques 1D en 1997 [57] et 2D dans les annees 1980 [58]. D’ailleurs, c’est tres certainement l’absence de con rmations experimentales qui ont conduit P. W. Anderson a insister une nouvelle fois sur la veracit de son modele lors la remise du Prix Nobel qui lui a ete attribue en 1977, soit pres de 20 ans apres ses premiers travaux.
Cela etant il faut remarquer que la presence de l’interaction de Coulomb entre electrons complique l’image d’onde sans interaction localisee au sens d’Anderson et rend plus delicate l’interpretation des experiences. La comprehension de l’e et des interactions sur les pheno-menes de localisation a progress ces dernieres annees mais elle n’est cependant pas complete. L’approche experimentale dans les conducteurs electroniques ne peut apporter qu’une reponse limitee a cette question : il n’est pas possible de s’a ranchir de la presence de l’interaction de Coulomb a n de comparer une situation sans interaction avec celle de la presence d’interaction. Il nous semble que de ce point de vue, l’apport que peut apporter l’etude de la propagation d’un condensat de Bose-Einstein gazeux (dans lequel les interactions peuvent ^etre contr^olees) dans un milieu desordonn peut s’averer important. Nous discuterons ce point au paragraphe 1.2.3.
En presence de localisation forte, la di usion de l’onde est supprimee et l’etat dans lequel se trouve le systeme est alors isolant. La transition de phase quantique metal-isolant induite ainsi par le desordre est abordee dans le paragraphe qui suit.
Phases quantiques et transition metal-isolant induites par le desordre
Nous avons decrit au paragraphe precedent les modi cations du transport d’une onde ap-portees par la prise en compte des interferences lorsque la di usion a lieu dans un milieu desordonn . Cette description nous conduit notamment a la question de l’existence d’etats lo-calises d’une onde de matiere. Par ailleurs, le comportement d’une onde de matiere conduit a des phenomenes aujourd’hui bien connus ou la coherence joue egalement un r^ole central : condensation de Bose-Einstein, supraconductivite et super uidit . Ces comportements quan-tiques apparaissent lorsque la matiere se trouve dans des phases quantiques tres particulieres caracterisees, entre autres, par le peuplement macroscopique d’un seul et m^eme etat quantique. Se pose alors la question de l’existence et de la persistence de telles phases en presence de desordre.
Dans ce paragraphe, nous essayons de donner une vue schematique de l’in uence d’un poten-tiel aleatoire sur les etats et les phases des ondes de matiere. Il s’agit donc la encore d’envisager le lien entre coherence et desordre.
Une image schematique des di erents regimes
L’influence du desordre sur les phenomenes de supraconductivite et de super uidit a fait l’objet de nombreux travaux au cours de la seconde moitie du XXieme siecle. Les travaux que nous mentionnons ici decrivent par exemple l’helium II super uide dans un milieu poreux (aerogel, Vycor) [14] et les supraconducteurs dits « sales » dans lesquels de nombreuses impuretes sont presentes. Ces etudes ayant des liens tres forts avec la condensation de Bose-Einstein, elles ont egalement aborde l’existence de ce phenomene en presence de desordre [59].
A partir de ces travaux sur les super uides et les supraconducteurs nous pouvons identi er trois grands regimes dont on peut se faire une image assez intuitive. Dans tous ces regimes, des interactions sont presentes entre les particules, interactions responsables des comportements quantiques super uide et supraconducteur. Ces trois regimes sont :
Regime de faible nombre de particules et faible desordre : dans cette situation les particules peuplent des etats a une particule. Les particules se localisent alors dans les minima du potentiel aleatoire (leur fonction d’onde pouvant eventuellement s’etendre sur quelques sites voisins). Les proprietes de ces etats sont essentiellement determinees par le spectre de l’etat fondamental du systeme. Dans ce regime il n’y a ni condensation ni super uidit .
Regime de grand nombre de particules et faible desordre : dans une image classique, les par-ticules localisees dans les minima du potentiel aleatoire ecrantent le potentiel pour les autres particules. Bien entendu, la prise en compte de la statistique quantique ne permet pas de distinguer les di erentes particules mais l’ecrantage du potentiel par un terme de champ moyen existe bien. Ce phenomene d’ecrantage a et mis en evidence dans l’he-lium II ou la super uidit n’est pas presente dans tout le volume du milieu poreux [13]. La coherence quantique a longue portee necessaire a l’apparition de la super uidit est alors possible. Dans ce regime, une approche theorique montre que le phenomene de condensation de Bose-Einstein existe et que la fonction d’onde macroscopique s’adapte aux modulations du potentiel aleatoire gr^ace aux interactions [60]. L’in uence du potentiel aleatoire sur la fraction condensee et la fraction super uide est faible [60] et le formalisme de Bogolyubov decrit correctement ces faibles modi cations [61]. La super uidit de l’he-lium II dans un milieu poreux (pour une revue lire [14]) et la supraconductivite dans les supraconducteurs « sales » [62] ont et par ailleurs observes experimentalement.
Regime de grand nombre de particules et fort desordre : en presence d’un desordre fort, la super uidit comme la supraconductivite peuvent ^etre detruites [60, 63]. Dans les sys-temes 1D et 2D, il existe en e et a temperature nulle une amplitude nie du desordre au dela de laquelle la coherence a longue portee est supprimee [64]. Une transition de phase quantique de l’etat super uide vers une nouvelle phase isolante appelee verre de Bose a et demontree [3,65]. Ce type de transition de phase induite par le desordre existe egalement dans les conducteurs electroniques (il s’agit de la transition metal-isolant) et est decrite par le modele la transition d’Anderson.
Transitions metal-isolant
Une transition metal-isolant peut ^etre de deux natures di erentes : soit son origine vient d’un changement de la structure du cristal, impliquant une modi cation de la bande de conduction, soit la transition est de nature purement electronique. Ce second type de transition metal-isolant peut egalement avoir deux origines distinctes. Elle peut ^etre induite par des correlations elec-troniques dans un cristal (reseau) parfait. Elle est ainsi gouvernee par la presence d’interaction et elle est appelee transition de Mott (voir gure 1.3) [66]. La transition de nature electronique peut aussi ^etre induite par la presence de desordre dans un systeme sans interaction. Elle est alors appelee transition d’Anderson [47,66,67]. Nous nous interessons bien entendu ici a ce der-nier cas. Ce type de transition induite par le desordre a et inspiree par le modele de di usion d’Anderson que nous avons mentionn precedemment [4]. L’absence de di usion correspond dans ce modele a l’existence d’une onde localisee, ce qui conduit naturellement a etudier la transition entre phase metallique et isolante.
Table des matières
Introduction
1 Onde de matière et désordre : une combinaison prometteuse
1.1 Effets ondulatoires en présence de désordre
1.1.1 Interférences et désordre, toute une h(H)istoire
1.1.2 Localisation d’onde dans le désordre
1.1.2.1 Diffusion d’onde dans un milieu désordonné
1.1.2.2 Expériences de diffusion lumineuse dans des milieux aléatoires
1.1.2.3 Effets de localisation dans les conducteurs électroniques
1.1.3 Phases quantiques et transition métal-isolant induites par le désordre
1.1.3.1 Une image schématique des différents régimes
1.1.3.2 Phases quantiques et phénomènes « exotiques »
1.2 Et les atomes froids dans tout ca ?
1.2.1 Un outil d’investigation formidable ! !
1.2.2 Créer du désordre : différentes techniques disponibles ou à venir..
1.2.3 Observations possibles d’effets induits par le désordre avec les atomes froids ?
1.3 Désordre, potentiel aléatoire : définitions et propriétés statistique
1.3.1 Un processus statistique aléatoire
1.3.2 Propriétés statistiques et principe ergodique
1.3.3 Une caractérisation préscise du désordre nécessaire
1.4 Conclusion
2 Les tavelures : un potentiel optique aléatoire pour les atomes
2.1 La lumière comme potentiel optique vu par les atomes
2.2 Les tavelures, un champ d’intensité lumineuse aléatoire
2.2.1 Interférences lumineuses et champ de tavelures
2.2.2 Amplitude des tavelures
2.2.3 Taille des grains de tavelures et fonction d’auto-corrélation
2.2.4 Champ de tavelures intégré
2.3 Moments d’un potentiel aléatoire et auto-moyennage
2.3.1 Ergodicité spatiale
2.3.2 Le cas des deux premiers moments, m1(d) et m2(d)
2.3.3 Moments d’ordre supérieur
2.3.4 Condition pour un potentiel aléatoire auto-moyennant
2.4 Mise en place expérimentale et calibration du potentiel optique aléatoire
2.4.1 Un potentiel aléatoire contr^olable pour les atomes froids
2.4.2 Calibration de l’amplitude du potentiel par spectroscopie micro-onde
2.4.3 Calibration des variations spatiales du potentiel aléatoire
2.5 Conclusion
3 Production et caractérisation d’un condensat de Bose-Einstein dans un potentiel aléatoire
3.1 Diagramme d’états d’un gaz de Bose dans un potentiel aléatoire
3.2 Généralités sur les condensats de Bose-Einstein
3.2.1 Condensation de Bose-Einstein et équation de Gross-Pitaevskii
3.2.2 Le régime de Thomas-Fermi
3.2.3 BEC allongés et uctuations de phase
3.3 Dispositif expérimental pour la réalisation de condensats d’atomes
3.3.1 Les étapes vers de la dégénérescence quantique
3.3.2 Notre piège magnétique
3.3.3 Observation et caractérisation des condensats après un temps de vol
3.3.3.1 Lois d’échelles dans un piège dépendant du temps
3.3.3.2 Système d’imagerie par absorption
3.3.3.3 Analyse des images
3.3.4 Condensats de Bose-Einstein désordonnés
3.3.4.1 Production et observation de condensats désordonnés
3.3.4.2 Régime de Thomas-Fermi et potentiel aléatoire lissé
3.3.4.3 Tailles et potentiel chimique des condensats désordonnés
3.4 Développement de uctuations de densité en temps de vol induit par le désordre
3.4.1 Fluctuations de densité dans un condensat allongé non désordonné
3.4.1.1 Définition de l’amplitude des uctuations de densité
3.4.1.2 Mesure des uctuations de densité sans désordre
3.4.2 Etude expérimentale des uctuations de densité en présence de désordre
3.4.2.1 Dépendance avec l’amplitude du potentiel aléatoire
3.4.2.2 Calculs numériques de l’expansion à 3D
3.4.2.3 Evolution temporelle des uctuations de densité
3.4.2.4 Moyenne sur différentes réalisations du désordre
3.4.3 Description théorique de l’évolution des uctuations de densité et de phase
3.4.3.1 Dynamique en temps de vol en représentation densité/phase
3.4.3.2 Modèle physique de l’expansion libre en deux étapes
3.5 Conclusion
4 Transport et localisation d’un condensat avec interactions dans un potentiel aléatoire
4.1 Induire le transport de l’onde de matière
4.1.1 Ouverture du piège magnétique : transport induit par les interactions
4.1.1.1 Réalisation d’un guide magnétique 1D
4.1.1.2 Observation de l’expansion en l’absence de potentiel aléatoire
4.1.1.3 Distribution d’impulsion d’un condensat en expansion
4.1.2 Déplacement du centre de masse dans le guide 1D
4.2 Suppression du transport par des modulations uniques du potentiel aléatoire
4.2.1 Observation de la localisation du condensat
4.2.1.1 Evolution de la taille RMS Lrms
4.2.1.2 Inhibition du mouvement du centre de masse
4.2.2 Un régime de piégeage par des barrières uniques du potentiel aléatoire
4.2.2.1 Scénario de piégeage induit par le désordre
4.2.2.2 Comparaison résultats expérimentaux/modèle
4.2.2.3 Expansion dans un potentiel quasi-1D
4.2.3 Piégeage dans le désordre et piégeage dans un réseau optique
4.3 Un autre régime de piégeage dans le désordre : la localisation d’Anderson
4.3.1 Localisation d’onde au sens d’Anderson et exposant de Lyapunov
4.3.2 Formalisme de phase pour le calcul de l’exposant de Lyapunov
4.3.3 Localisation d’un condensat 1D en expansion
4.3.3.1 Un modèle d’expansion en deux étapes
4.3.3.2 Fonction d’onde du condensat dans l’espace réel
4.3.3.3 Discussion sur la réalisation expérimentale
4.4 Conclusion
5 Modes collectifs de basse énergie dans un condensat désordonné
5.1 Modes d’oscillation collectifs dans un potentiel aléatoire
5.1.1 Modes dipolaire et quadrupolaire d’un condensat
5.1.1.1 Fréquences propres en l’absence de potentiel aléatoire
5.1.1.2 Création des modes collectifs sur notre expérience
5.1.2 Décalage des fréquences propres dans un potentiel aléatoire
5.1.2.1 Mesures expérimentales
5.1.2.2 Calcul des fréquences propres avec la règle des sommes
5.1.2.3 Décalage en fréquence et système auto-moyennant
5.1.3 Amortissement du mode dipolaire en présence de désordre
5.1.3.1 Observations expérimentales
5.1.3.2 Taux d’amortissement
5.1.3.3 Quelques pistes d’interprétations
5.2 Vitesse du son dans un condensat désordonné
5.2.1 Super fluidité et vitesse du son dans un condensat de Bose-Einstein
5.2.1.1 Equations hydrodynamiques et vitesse du son
5.2.1.2 Vitesse critique d’un condensat super fluide
5.2.2 Création d’un pic de densité
5.2.2.1 Un obstacle pour le condensat
5.2.2.2 Observation de la propagation du pic de densité
5.2.2.3 Spectroscopie de Bragg d’un condensat excité
5.2.3 Mesures de la vitesse du son dans un condensat de Bose-Einstein
5.2.3.1 Mesure expérimentale dans un condensat non-désordonné
5.2.3.2 Formation d’une onde de choc ?
5.2.3.3 Vitesse du son en présence d’un potentiel aléatoire
5.3 Conclusion
Conclusion
A Atome de Rubidium et lasers
A.1 L’atome de rubidium
A.2 Les lasers de « BEC1 »
Bibliographie