Vers un changement de paradigme en gestion de la SST
L’environnement dans lequel les entreprises d’aujourd’hui évoluent diffère considérablement de celui que nous avons connu au début du vingtième siècle. L’usine d’aujourd’hui fait face à des changements technologiques rapides et à une croissance de la concurrence mondiale qui la force à constamment améliorer ses performances. Les entreprises doivent revoir leur mode de production, ajuster leur mode de gestion pour rencontrer les nouvelles exigences des travailleurs qui entrent sur le marché du travail.
Comme cela a été présenté dans la section précédente, dans les années 1990, nous avons assisté à un changement concernant la façon de voir et de considérer le processus accidentel. L’arrivée des modèles systémiques et l’importance accordée au facteur humain dans la sécurité du système poussent maintenant les chercheurs à questionner les façons de faire traditionnelles en matière de gestion de risques.
Les systèmes de gestion de la SST
L’évolution en matière de modélisation des accidents du travail a donné lieu à divers questionnements concernant l’efficacité de ces techniques pour réellement prévenir les accidents du travail. Les changements dans l’acceptation sociale des accidents du travail et dans la réglementation ont forcé les entreprises à adopter des méthodes plus proactives. Comment identifier les risques avant que ceux-ci occasionnent des accidents? C’est là toute la portée de la mise sur pied des systèmes de gestion de la SST. Les systèmes de gestion de la SST visent à fournir un cadre aux entreprises afin de les aider à gérer les risques de manière proactive. Tous les systèmes de gestion de la SST s’inscrivent dans un cadre d’amélioration continue. Avoir un système de gestion du risque qui soit efficace est maintenant essentiel pour les entreprises qui désirent rencontrer leurs obligations légales en matière de SST, mais également pour celles qui désirent avoir des résultats durables en prévention des accidents du travail. En ce sens, comme un système de gestion permet de gérer des risques, encore faut-il être en mesure de connaître ces risques.
La gestion traditionnelle de la SST misait sur la compréhension de l’accident du travail pour en prévenir la récurrence. Bien qu’il soit important de comprendre comment un accident est survenu, il n’en demeure pas moins que le prévenir avant qu’il survienne est d’une importance capitale. Dans cette foulée, plusieurs méthodes visant à prévenir les risques avant que l’accident survienne ont vu le jour. Ce tournant est lié à l’évolution des organisations, mais également à l’évolution de la société en général et de son niveau de tolérance de plus en plus faible concernant les accidents du travail. À la suite de différentes catastrophes industrielles, telles que l’accident de Three Mile Island, des exigences réglementaires de plus en plus sévères sont venues encadrer la sécurité industrielle. Ces nouvelles réglementations ont donné lieu à des politiques internes en matière de sécurité dans les grandes organisations et à la création de différents modèles et systèmes de gestion de la SST. Ces nouvelles mesures ont entraîné une diminution des accidents du travail (Daniellou et al., 2010) dans plusieurs secteurs industriels.
Processus de gestion du risque
Pour être efficace, un système de gestion de la SST doit reposer sur un processus de gestion du risque rigoureux. En 2008, l’Organisation internationale de normalisation (ISO) a publié une norme visant à fournir des principes et des lignes directrices en gestion des risques et des processus de mise en œuvre aux niveaux stratégique et opérationnel. Cette norme ne vise pas à uniformiser la gestion du risque au sein des entreprises, mais plutôt à harmoniser les approches et de standardiser les méthodologies de gestion des risques.
Par définition, le risque est la combinaison de deux facteurs : la probabilité d’occurrence d’un évènement et sa conséquence. Il existe plusieurs méthodes d’appréciation du risque utilisées dans le milieu industriel. la démarche d’appréciation du risque est composée de trois étapes : identification du risque, analyse du risque et évaluation du risque. La première étape, soit l’identification du risque, est fondamentale pour assurer un système sécuritaire. La deuxième étape, l’analyse du risque, sera déterminante dans la mise en place des mesures de contrôle. L’analyse du risque étudie les conditions d’exposition des travailleurs aux risques identifiés dans l’entreprise. Le succès d’une méthode complète d’appréciation du risque réside dans sa capacité à identifier les risques et subséquemment à analyser les différents scénarios pouvant causer un accident selon différents degrés de gravité. Finalement, l’évaluation du risque permet de définir la criticité de chacun des risques pour y apporter des actions correctives et préventives. Elle permet également la hiérarchisation des risques.
Une des méthodes d’appréciation du risque les plus populaires dans le secteur manufacturier est l’Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité (AMDEC). Cette méthode est classée dans la catégorie de la sûreté de fonctionnement, c’est-à-dire une méthode capable de caractériser les modes de défaillances d’un système (Legendre, 2017). L’objectif des méthodes de sûreté de fonctionnement est de s’assurer que le système est en mesure de remplir une ou plusieurs fonctions requises dans des conditions données. On y retrouve quatre éléments importants, soit la fiabilité, la maintenabilité, la disponibilité et la sécurité.
Cette méthode a été développée aux États-Unis, dans les années 1960, sous le nom de AMDE (Analyse des modes de défaillance et de leurs effets). Ensuite, elle a été mise au point par la NASA et le secteur de l’armement sous le nom d’AMDEC, en y ajoutant la notion de criticité. À la fin des années 1970, la méthode a été largement reprise par l’industrie automobile, notamment par Toyota, Nissan, Ford, BMW, Peugeot, Volvo et Chrysler (Kélada, 1994). Plus tard, la méthode a fait ses preuves dans plusieurs autres industries à travers le monde.
L’AMDEC est une « méthode inductive qui permet de réaliser une analyse qualitative et quantitative de la fiabilité ou de la sécurité d’un système » (Landry, 2011). La méthode consiste donc à examiner chacune des défaillances potentielles d’un système, leurs causes et leurs conséquences sur le fonctionnement du système. Elle permet ensuite de hiérarchiser les défaillances potentielles en estimant le niveau de risque de défaillance. Dans un processus global de gestion des risques, l’AMDEC permet d’identifier les risques et dangers, de les analyser et ensuite de les évaluer selon des critères tels que la gravité potentielle du dommage, la probabilité d’occurrence et la criticité.
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