Les sursauts radio solaires de type III
Présentation des sursauts radio de type
Signature spectrale Spectre dynamique Les sursauts radio solaires de type III constituent la plus intense et la plus fréquente des émissions radio solaires ; les densités de flux mesurées peuvent en effet excéder les 10−14 Wm−2Hz−1 , soit 108 s f u (solar flux unit), ou encore 1012 Jy (Jansky), et leur fréquence d’apparition peut dépasser plusieurs centaines d’événements par jour.
Leur signature spectrale se caractérise par une émission radio brève dérivant rapidement vers les basses fréquences avec des durées inversement proportionnelles à la fréquence d’observation. La figure (2.1) présente un spectre dynamique mesuré le 21 janvier 2002 par les récepteurs RAD1 et RAD2 de l’instrument radio Waves embarqué à bord de la sonde Wind. Un spectre dynamique représente l’intensité radio mesurée (en échelle de gris) en fonction du temps (en abscisses) et de la fréquence (en ordonnées). Plusieurs sursauts radio de type III, plus ou moins intenses, ont été observés durant cette journée. En particulier on peut repérer trois sursauts notablement intenses aux alentours de [∼ 00 : 30 − 01 : 30], [∼ 13 : 00 − 14 : 00], et [∼ 22 : 00 − 24 : 00]. Wild (1950a;b) qui observa ces sursauts depuis le sol aux longueurs d’onde métriques (∼ 100 MHz), interpréta ces émissions comme la conséquence du transport de faisceaux d’électrons énergétiques le long de lignes de champ magnétique dans la couronne solaire.
Du fait de l’origine plasma du rayonnement, la fréquence d’émission diminue lorsque ces faisceaux d’électrons s’éloignent du Soleil (nous reviendrons sur les mécanismes d’émission à la section 2.1.2 de ce chapitre). L’envoi de récepteur radio à bord de sondes spatiales a permis par la suite d’étendre l’observation du spectre radio aux fréquences inférieures à ∼ 10 MHz. Cette gamme de fréquences étant en effet inaccessible depuis le sol par l’absorption du rayonnement radio par l’ionosphère terrestre. On a ainsi pu constater que ces sursauts pouvaient également se prolonger jusqu’à des fréquences de l’ordre de 10 kHz.
Leur observation se répartit donc sur près de 6 ordres de grandeur en fréquence (de ∼ 10 kHz à ∼ 1 GHz). Toutefois un seul et même sursaut ne couvre que très rarement cette gamme de fréquences, et l’on observe plus souvent des sursauts du GHz à la centaine de MHz d’une part, et de la dizaine de MHz au kHz d’autre part. Cette dichotomie correspond probablement à des populations d’électrons accélérés à différentes altitudes dans la couronne, et se propageant le long de structures magnétiques distinctes. Au final, il est donc courant d’opérer une distinction plus ou moins justifiée entre sursauts observés au dessus de ∼ 10 MHz et générés dans la basse couronne, et sursauts visibles seulement depuis l’espace en dessous de ∼ 10 MHz, et générés dans la haute couronne et le vent solaire. Outre une importante différence entre ces deux milieux, les moyens d’observation mis en oeuvre au sol et depuis l’espace peuvent également expliquer cette distinction. Par commodité, on parlera donc de sursauts « hautes » et « basses » fréquences pour qualifier ces deux domaines d’observation.
Mécanismes de base
L’étude des sursauts de type III a donné lieu à une littérature abondante depuis leur découverte il y a une cinquantaine d’années de cela. De nombreux modèles théoriques ont été proposés qui permettent aujourd’hui de dresser un scénario général satisfaisant du phénomène. En particulier, des progrès notables ont été réalisés dans les années 90 avec le développement de la théorie de croissance stochastique (SGT pour Stochastic Growth Theory en anglais) (Robinson 1992). Si la SGT est loin d’avoir résolu les nombreux problèmes théoriques que posent ces sursauts, elle permet toutefois de réconcilier un certain nombre d’observations avec les modèles. L’amélioration de nos connaissances des sursauts de type III semble actuellement plus limitée par la manque de contraintes observationnelles assez précises que par l’insuffisance de la théorie.
La compréhension des travaux présentés dans ce rapport ne requiert cependant pas un développement complet des différentes théories. Nous nous contenterons donc ici d’en rappeler les grandes lignes. (Pour de plus amples informations et références sur le sujet, consulter Robinson et Cairns 2000.) 2.1. Présentation des sursauts radio de type III 23 Instabilité de faisceau et couplage onde-onde Le scénario global de génération des sursauts de type III a peu évolué depuis les travaux précurseurs de Ginzburg et Zhelezniakov (1958) et Zheleznyakov et Zaitsev (1970). Ces émissions radio sont provoquées par des faisceaux d’électrons énergétiques, accélérés dans la basse couronne au voisinage de régions actives, et voyageant à des vitesses de l’ordre de v ≈ [c/30 − c/3] le long de lignes de champ magnétique ouvertes sur le milieu interplanétaire.
Au cours de leur propagation, les électrons du faisceau, plus rapides, forment une bosse suprathermique dans la queue de la fonction de distribution fe(v) des électrons ambiants ; comme illustré sur la figure (2.3). Des ondes de plasma électrostatiques – dites ondes de Langmuir – dont la vitesse de phase vph est égale à celle des électrons (condition de résonance de Cerenkov), vont pouvoir ainsi croître par effet Landau inverse dans la région de pente positive, avec un taux de croissance ΓL ∝ ∂ fe(v)/∂v.