Les structures d’étirement : le boudinage.
C’est une structure d’extension que l’on retrouve dans les formations contenant des inclusions ou des niveaux plus compétents que leur matrice et qui sont soumis à l’effet d’une instabilité mécanique telle un étirement. Il se produit alors un tronçonnage du matériel plus rigide (moins susceptible d’étirement et d’aplatissement que son encaissant), en segments ou prismes appelés boudins. Ces derniers sont allongés suivant la contrainte moyenne (σ2), légèrement convexes suivant la contrainte maximale (σ1) et concaves selon la contrainte minimale (σ3). Dans le plan (XZ), les boudins s’alignent à la façon d’un chapelet de saucisse. Entre les prismes, il y a bourrage par les niveaux moins compétents ou remplissage par cristallisation de calcite (Dunois, Foucault, Raoult : dictionnaire de géologie 5ème édition).
Dans la nature, le boudinage se présente sous plusieurs variantes d’où la nécessité d’en ériger une classification, qui constitue une étape cruciale dans l’interprétation des structures normales de boudins, nécessaire pour les utiliser comme indicateur de sens de cisaillement, de régime d’écoulement…
Ainsi, deux principaux critères ont été utilisés pour classer les structures de boudinage ; ce sont :
-la classification cinématique du boudinage,
-la classification basée sur la géométrie des blocs de boudins.
A ces deux principaux critères, on peut ajouter un troisième lié à l’obliquité des traînées de boudins. Du point de vu cinématique, des études ont montré qu’il n’y a seulement que trois manières de boudiner une couche qui vont donner trois types de classes cinématiques de boudinage que sont :
le boudinage symétrique (sans glissement ou rotation dans la surface inter-boudins)
le boudinage asymétrique synthétique (où les boudins pivotent antithétiquement par rapport au sens général du cisaillement) ; ce type de boudinage donne naissance à des boudins de type : bande de cisaillement.
le boudinage asymétrique antithétique (où les boudins pivotent synthétiquement par rapport au sens du cisaillement) ; il donne naissance à des boudins de type Domino à 98%, et à 2% de type bande de cisaillement.
Du point de vu géométrique, des études menées sur une gamme variée de boudins, ont permis de déterminer cinq géométries majeures de boudins qui sont : les boudins tirés ou étirés, les boudins déchirés, les boudins de type domino, les boudins entaillés et les boudins de type bande de cisaillement.
Corrélativement à la classification cinématique, nous pouvons dire que les boudins tirés et déchirés sont liés au boudinage symétrique (sans glissement), les boudins dominos et entaillés sont liés au boudinage asymétrique avec rotation antithétique des éléments et les boudins de bande de cisaillement (shearband) sont liés au boudinage asymétrique avec rotation synthétique des boudins voir (tableau N°1 : classification cinématique et géométrique des boudins naturels).
Dans le secteur d’Ibel, les boudins observés sont soit symétriques soit asymétriques avec une prédominance de ces derniers. Ces structures d’étirement s’observent au niveau des calcaires conglomératiques du champ de dykes de la carrière d’Ibel et sur les niveaux silico-carbonatés des marbres rubanés d’Ibel et de Bandafassi. Tous les boudins asymétriques peuvent géométriquement être classés dans le groupe des boudins dominos avec présence des deux variantes de ce type de boudin, notamment les boudins dominos planaires et les boudins dominos de dilatation.
La formation de ces différents types de boudins obéit aux conditions suivantes :
-Lorsque l’extension est orientée selon le plan des couches, les fentes sont alors perpendiculaires à ces dernières. Ce cas est fréquent dans les formations alternées où, l’allongement des niveaux incompétents tend précisément à devenir parallèle à la stratification notamment dans les flancs de plis.
-Lorsque l’extension est importante, la fente s’élargie au point de devenir plus large qu’épaisse; dans ce cas, la vitesse d’apport et de cristallisation du matériel qui tend à remplir la fente, peut ne pas être très élevée pour empêcher un remplissage par fluage à partir des niveaux encadrants, ductiles.
-Lorsque le niveau le plus compétent accepte une certaine déformation ductile, celle-ci se concentre sur les points les plus faibles et le boudinage est remplacé par un dispositif équivalent de débitage par étranglement sans rupture (c’est ce qu’on appelle pinch and swell). Toutes ces conditions concourent à expliquer le mode de formation des boudins symétriques.
En ce qui concerne le boudinage asymétrique, un pivotement des tronçons disjoints se produit, ceci traduit un allongement dans un contexte de cisaillement. Par décalage transverse des tronçons, on aboutit à une disposition évoquant la présentation des rondelles de saucisson dans un plat (Gidon 1987).
Notons qu’à Bandafassi, l’allongement est toutefois associé à un mouvement cisaillant senestre et que le sens général du cisaillement est souvent senestre, ce qui permet de classer la majorité de ces structures dans le cadre d’un boudinage de type asymétrique synthétique (photo XVIII-2). Ce mouvement de rotation serait à l’origine du fait que l’allongement des boudins soit oblique (en marches d’escaliers) par rapport à leur alignement. Ceci pourrait donc être lié à un mouvement d’extension progressive non coaxiale. L’espace inter-boudins est ici rempli par fluage de la matrice.
Un boudinage a été également noté à Boundoukodi. Il y affecte des filons de diorite, des filons de quartz et des lits siliceux. Le boudinage observé est généralement symétrique et les boudins sont de type étiré disjoint (photo XVIII-1). Dans certains cas, le boudinage est associé à une composante cisaillant dextre. Certains de ces boudins sont affectés par un décrochement senestre dans une direction variant entre N130 et N150.
Le mécanisme de formation de ces boudins peut être expliqué par un allongement du matériel suivant la N60 à N70, suivi localement d’un mouvement cisaillant dextre vers le SW.
PLANCHE N°XVIII :
LEGENDE :
1.- Boudinage symétrique et décrochement senestre (vers le sud-est) dans les marbres rubanés de Boundoukodi.
2.- Boudinage asymétrique des lits silico-carbonatés dans les marbres rubanés de la carrière de Bandafassi (b) = boudin.
Plis et crénulation.
Ce sont les principales manifestations et les plus spectaculaires de la déformation hétérogène continue. Dans une roche, l’apparition de ces structures est généralement liée au caractère communément lité ou stratifié de celle-ci. Une telle structure (stratification) favorise l’apparition d’instabilités qui engendrent la plus part des plis. Les calcaires rubanés d’Ibel constituent de ce fait, un matériel idéal pour l’expression de ce type de structure tectonique. Les plis rencontrés dans ce secteur sont généralement plans (surface axiale plane), cylindriques (axe rectiligne), déjetés à déversés. Ils présentent dans leur grande majorité une vergence vers le NE (photo XIX-1). La direction moyenne des plans axiaux est : N30-40NW. Les mesures d’axes effectuées donnent en moyenne les valeurs suivantes : 35° N320 (Fig. 9). Les plis présentent des longueurs d’onde variables, allant de 6cm à 80cm. Les amplitudes sont également centimétriques à décimétriques. Ces plis montrent une déformation de flanc caractérisée par un microplissement des niveaux moins compétents (silico-carbonatés et graphiteux), donnant ainsi naissance à des structures de type plis d’entraînement [plis en (Z) sur le flanc normal et plis en (S) sur le flanc inverse]. Le déplacement relatif des lits compétents est assuré par le glissement dans les inter-lits moins compétents où l’écoulement de matériel des flancs vers les charnières fait gonfler ces dernières. Ce transfert de matériel est
à l’origine de l’amincissement des flancs ou du boudinage observé au niveau des flancs de certains plis.
Les marbres conglomératiques n’ont pas été épargnés par le plissement (photo XIX-2 ; 3). Cette déformation s’observe également à l’échelle microscopique, par le plissement des minéraux de chlorite et de muscovite (photo XIX-4).
L’étude des relations entre schistosités, plis et axes de la déformation, nous permet de faire les observations suivantes :
-la schistosité est généralement bien marquée et coïncide habituellement avec le plan (XY) sauf dans les niveaux compétents où la schistosité disjointe forme un éventail convergent vers le cœur du pli ;
-les plis ont des plans axiaux généralement parallèles au plan (XY).
Ces observations militent en faveur de mécanismes faisant appel à une importante composante d’aplatissement coaxial dans la formation des plis.
Cependant, le caractère dissymétrique de la plus part des plis observés et présentant une vergence vers le NE traduit une rotation de l’axe X de l’ellipsoïde de déformation. Ceci fait penser à l’existence d’une composante cisaillante. De même, la schistosité divergente par rapport au plan axial, du reste moins importante, serait induite par un mécanisme de cisaillement simple. L’existence de ces deux types de déformation et la prédominance de la schistosité parallèle au plan axial par rapport à la schistosité divergente, permet de penser que l’aplatissement coaxial a joué un rôle majeur dans la formation de ces plis. Cependant, il a agi en association avec la flexion et le cisaillement simple.
A Boundoukodi, l’expression de cette structure est également bien marquante. Tous les plis qui y sont observés sont dissymétriques et présentent une vergence vers le SW. Leur longueur d’onde varie de 1cm à 5m et présentent une déformation de flancs donnant l’aspect de plis d’entraînement. Parfois, ces plis sont associés à des failles inverses (photo XX-2) et traduisent un mouvement cisaillant dextre vers le SW. Les mesures d’axes effectuées donnent les résultats suivants : 80° N180 ; 45° N185 ; 50° N180 ; 50° N185
Les marbres de Bandafassi sont caractérisés une manifestation très remarquable du plissement. Ces plis, de longueur d’onde centimétrique à décimétrique s’observent aussi dans les filons de diorite. Les axes de plis sont généralement sub-verticaux. On note une prédominance des plis dissymétriques, souvent disposés de manière très serrée décrivant ainsi une crénulation. A certains endroits, on peut remarquer une disharmonie de plissement (photo XXI-3). On observe aussi des plis superposés P1 et P2 dont les axes sont parallèles (photo XXI-1 ; 2). Les plis P1 sont en général isoclinaux alors que les plis P2 sont plus ouverts. La formation des plis P1 et P2 est donc liée à un continuum de déformation. Le caractère ouvert des P2 s’explique par le fait qu’après la formation des plis P1, le matériel se refroidit et devient plus compétent. Cette compétence réagit à la déformation par une légère flexion et une schistosité de fracture découpant ainsi le pli en microlithons. Ce second épisode de plissement serait lié à un aplatissement associé à un cisaillement simple, toujours liés à la mise en place des intrusions doléritiques.
L’étude microscopique montre un microplissement dans les schistes grauwackeux d’Ibel, avec une vergence vers le nord-est (photo XX-3). A Indar la vergence des plis est sud-est (photo XXII-2 ; 3 ; 4).
La crénulation quant à elle n’est pas bien marquée dans les marbres conglomératiques de la carrière d’Ibel. Là où elle existe, elle se caractérise par des microplis dissymétriques serrés, parallèles entre eux et dont la vergence se fait vers le SE.
Les marbres rubanés à niveaux silico-carbonatés et intercalations graphiteuses montrent une crénulation de la stratification ce qui donne naissance à des microplis dont les plans axiaux se confondent à la schistosité de crénulation.
A Boundoukodi, la crénulation y est également présente et se traduit par un microplissement au contact d’un filon acide (photo XX-1).
Dans le secteur de Bandafassi, la crénulation se manifeste par des microplis très serrés, souvent à axes sub-verticaux et pouvant être associée à la schistosité de crénulation (photo XVII-3). De même, l’étroitesse des plis est telle que les axes des microplis décrivent une linéation de crénulation. Les mesures de la schistosité, des linéations, des directions de plans axiaux effectuées dans les secteurs de Bandafassi, Ibel, et Indar sont consignées dans des diagrammes stéréographiques (fig. 10 à12).
Les cisaillements ductiles
Ce sont par définition des déplacements suivant des plans dans une masse rocheuse. Le cisaillement se manifeste différemment selon qu’on est en présence d’un matériel compétent ou ductile. Ainsi, au niveau des marbres conglomératiques d’Ibel, le cisaillement dextre est noté sur les filonnets de quartz et de calcite. Cette structure est beaucoup plus marquée sur certains filons du « champ de dykes » où le sens général du déplacement est dextre vers le NE. Un déplacement secondaire senestre antithétique au déplacement principal affecte cependant les éléments. Dans les formations moins compétentes, le cisaillement est marqué par des microplissements affectant surtout les flancs des plis. Il se traduit alors par des plis en (Z) sur les flancs normaux et des plis en (S) sur les flancs inverses (photo XXIII-2). Dans certains cas, le cisaillement est senestre et s’effectue dans la direction N210 (photo XXIII- 3 ; 4). La direction du plan de cisaillement dextre est en moyenne N35-40°SW au niveau des marbres rubanés d’Ibel.
En outre, l’observation microscopique d’un échantillon de grauwacke prélevé dans un couloire mylonitique, montre un microplissement dissymétrique à vergence NE qui traduit un mouvement compressif dans la même direction et qui est associé à une composante cisaillant dextre. Il s’agit d’une compression associée à un mouvement transcurrent (photo XX-3).
A Boundoukodi, le cisaillement y est majoritairement dextre vers le SW (photo XXIII-1). On y observe cependant le cisaillement senestre.
A Bandafassi, le cisaillement est également bien marqué. Il est souvent associé au boudinage auquel il confère un caractère asymétrique. Le sens du déplacement est généralement senestre. On peut toutefois y noter des décrochements dextre.