Les stratégies innovantes de gouvernance
Enfin, une interrogation 201 était également posée pour savoir si les décideurs politiques doivent contribuer à inventer des stratégies ambitieuses de consultation et de renforcement de la participation des populations, par la mise en place de stratégies innovantes de gouvernance. L’insertion des économies méditerranéennes dans la mondialisation impose un nouvel aménagement ainsi qu’une nouvelle habitation de leurs territoires. De ce fait, précisément au centre se produisent des changements qualitatifs propres à donner une visibilité à une nouvelle urbanité des métropoles méditerranéennes, pour concilier durablement le système des espaces publics centraux et une implantation de fonction supérieures et de commandement. A Marseille, les conflits territoriaux autour du centre ville entre les institutions et des acteurs individuels et la société civile, constituent les prémisses d’une participation, pour atteindre ces objectifs à la fois locaux, le centre ancien et régionaux, la métropole nœud dans l’espace méditerranéen. A Thessalonique, le conflit des kastroplikta illustre les blocages relationnels entre les institutions, la société civile et les acteurs individuels. A Séville, le conflit à propos du parking de la plaza Alameda de Hércules, constitue l’acte fondateur d’une pratique participative qui se développe aujourd’hui. Ainsi, les stratégies d’opposition conduisent parfois à l’émergence de stratégies de coopération si tant est que le système des acteurs en présence, développe une intelligence du territoire fondée sur la mobilisation concertée de la ressource latente. Dans le cas du centre ancien, il s’agit de la ressource patrimoniale. Sa contribution s’opère par la mobilisation de cette ressource latente. Elle nécessite une volonté des acteurs institutionnels et de la société civile, de préserver et de transmettre le patrimoine matériel et immatériel du centre ancien. Cette mobilisation exige un consensus a minima sur le contenu mémoriel de la ressource patrimoniale. Ce qui implique une démarche globale de gouvernance territoriale qui conduit au consensus territorial. Or il s’avère que les enjeux identitaires liés à la rénovation du centre ancien dégradé puis rénové, demeurent inhérents aux modes de vie d’habitants traditionnels souvent modestes. Il peut sembler surprenant que l’on attende de populations vulnérables aux statuts sociaux fragilisés de prendre part à une démarche participative, alors que leurs pratiques les incitent à la recherche d’une solution individuelle. La réintroduction de tous les habitants, de leur place, de leur rôle en terme de gouvernance dans le processus de requalification urbaine ambitionne de résoudre le paradoxe exprimé plus haut, par la promotion de la démocratie participative, condition initiale requise pour un développement urbain durable. Cette démarche peut contribuer à répondre à la perte de confiance, à la défiance, voire au rejet de modalités de fonctionnement de la démocratie représentative, qui s’expriment par la contestation de projets d’aménagement du territoire. Elle implique une redéfinition du rôle et des attributions de chaque acteur et d’une recherche de dynamiques complexes au sein du système des acteurs de relations nouvelles entre, d’une part, la sphère de la démocratie représentative et d’autre part les modalités de la participation citoyenne, au sein de la société civile. De ce fait, une meilleure diffusion de la culture territoriale auprès des acteurs devrait être réalisée, afin que tous les acteurs puissent s’intégrer pleinement au processus de redéfinition de la centralité, du quartier dans la ville, de la ville dans le l’espace méditerranéen. « Rendre intelligible la complexité territoriale, produire de l’information pertinente, choisir les traitements qui, à partir de cette information, produiront de la connaissance utile à la compréhension du fonctionnement territorial et par voie de conséquence, à la prise de décision. »En effet, la démocratie participative, exige d’associer les habitants aux décisions qui les concernent, ce qui impose aux acteurs une démarche prudente et éthique. Promouvoir un développement urbain durable oblige à se conformer aux attendus requis de la durabilité. Cette approche recommande une gestion raisonnée de la ressource territoriale en général et de la ressource patrimoniale en particulier. « Ainsi, la durabilité spatiale consiste à répondre aux déséquilibres socio spatiaux des territoires et à les réorganiser dans une perspective durable. Pour cela, les objectifs seront de limiter les phénomènes de concentration ou de fragmentation du tissu bâti, de résoudre les problèmes de qualité de vie, de permettre l’égalité sociale dans l’accessibilité des territoires, de respecter les marqueurs culturels que sont les héritages patrimoniaux à conserver ou à réhabiliter. » 203 Les attentes des habitants en termes de qualité du cadre de vie se complexifient et posent aux élus et aux responsables de l’aménagement urbain de redoutables questions. La mobilisation de la ressource latente des territoires du centre ancien, passe par une approche qui intègre les représentations de tous ses habitants, quant à ce qui est le patrimoine et sa sauvegarde. La patrimonialisation de l’espace public repose avant tout sur un consensus a minima sur les significations que l’on confère à la ressource patrimoniale en relation avec l’identité de la ville dans son ensemble. La qualité identitaire et sociale devient un critère d’appréciation du centre ancien, qui repose sur l’état de la ressource patrimoniale : qualité des espaces publics et des relations que les acteurs entretiennent avec elle. Cette qualité renforce le sentiment d’appartenance des habitants à leur territoire, il s’agit donc bien d’un enjeu identitaire.
Les élus évoquent une nécessaire concertation sans en donner les modalités « Il faut la volonté politique. Je ne sais pas si je suis bien dans le cœur de la question, elle est politique parce que les opérations qui se dessinent, le sont souvent lorsqu’elles sont décidées par la Ville, elles le sont sans concertation. Donc ce renouvellement on en a besoin. On a besoin que les choses évoluent, s’améliorent, accueillir aussi de nouvelles populations, tout ceci doit se faire avec l’appui et dans la concertation. On ne peut pas ne pas s’intéresser, à ce que les autorités décident, on se sent concerné, que ce soit le CIQ, la Mairie de secteur, qui est aussi un acteur, devrait pouvoir être associée davantage à toutes ces opérations. En ce qui concerne la Mairie de secteur, nous le sommes, mais c’est parce qu’on se bat beaucoup pour ces problèmes-là.» (N ° 6) La vision qu’en ont les habitants va de celle de l’habitant blasé… « Je prends l’exemple de la place du Refuge ou la place des Pistoles, il y a eu concertation de la population sur les projets autour d’une table. Le président du CIQ, le président de ci le président de ça, les habitants étaient conviés à l’exposé des projets et où tu as un cahier de doléances. Il y a celles et ceux qui s’en foutent royalement, parce qu’à la fin de la réunion, il y a un apéro !! Il y a celles et ceux qui par idéologie, combattent n’importe quoi, tout ce qu’il y a à combattre. Il y a tout le reste aussi, qui entendent et pour qui cela rentre là et sort là. De toute façon le projet est déjà pré acté, ils s’en caguent. J’ai l’air fataliste mais en même temps il y a des gens qui résistent, qui font avancer le schmilblick. Il faut avoir le temps et surtout l’énergie, le plaisir de faire avancer les choses, pas de manière égoïste pour soi-même, cela n’est vraiment pas évident et complexe.» (N ° 5) … à celle de l’enthousiaste, qui explique pourquoi la population peut participer à des actions concrètes. « Notre projet est une petite pierre, sur les places, dans les bars. On se fait connaître sur le net, mais ce qui nous intéresse c’est que les gens sortent de chez eux et viennent ensemble regarder une télé de quartier qui parle de leurs problèmes à eux. On est assez critiques sur les médias comme France 3. On veut donner la parole aux gens, on se croise ensuite on prend l’apéro on passe un moment convivial. Je pense que cela participe à créer et recréer du lien à tisser et à investir son territoire. On veut avoir une action concrète sur un territoire. On veut faire prendre conscience qu’il y a des gens qui se rencontrent et qui agissent. Maintenant depuis deux ans que nous sommes là, les gens viennent nous voir et demandent qu’on les filment et passer sur internet. Il y a un côté fascination de l’image qui existe, donc il y a une proximité, les gens nous connaissent. On essaie d’explorer des choses. Le participatif c’est l’aventure de construire ensemble un film, un scénario. On ne regarde plus la télévision de la même manière, on devient critique face aux images, on se rend compte. Il y a cette dimension de se désaliéner de l’image en fabriquant des images soi-même et en même temps avoir une vraie action sur son quartier en pratiquant le radio-trottoir. Les jeunes vont vers les anciens et leur image des jeunes change petit-àpetit. Je crois fortement à ce type de projet dans un territoire et à la dimension repartir du quartier et du village pour retrouver cette dimension du vivre ensemble. » (N ° 2)