Inscription d’une entité comme Correspondant sur la liste établie par les Clubs de Protection
Il faut consulter les sites internet de certains Clubs de Protection pour comprendre la nature des relations existant entre les Clubs et leurs Correspondants.
L’on observera que la plupart des Clubs de Protection soulignent qu’ils ne mandatent pas les Correspondants mais se bornent simplement à établir une liste de Correspondants recommandés que leurs Membres peuvent utiliser.
Les Guidelines for Correspondents12 soulignent ainsi très clairement que la présence d’un Correspondant sur une liste ne signifie pas qu’il existe un lien contractuel avec le Club ou le manager du Club : « The listing of a Correspondent is for information purposes only and does not represent or undertake any king of contractual or agency relationship between the Correspondent and the P&I Club or the Club’s manager. »
En ce sens la plupart des Clubs, à l’instar du West of England, nous donnent une indication sur la portée juridique, ou plus précisément l’absence de conséquences juridiques et contractuelles que confère l’inscription sur une liste de Correspondants : « The inclusion of your company in the 2017 list of Correspondants does not create any implied or actual right of the Correspondent to be listed in any succeeding year’s list .».
Le Club West of England renforce ici les termes utilisés par les Guidelines for Correspondents en soulignant que l’inscription sur la liste ne confère nullement un droit pour le Correspondant d’être inscrit sur les listes de l’année suivante. Cette précision pourrait sembler instituer une limite à la validité de l’inscription pour une année. Mais la notice du Club précise plus loin que celui-ci se réserve le droit de supprimer le Correspondent durant le courant de l’année : « The Club reserves the right to remove your company’s name from our list of Correspondents during the course of the year. »
Enfin le Club précise que cette décision n’a pas à être motivée.
L’on rappellera enfin que l’inscription sur une liste de Correspondants n’est assortie d’aucune rémunération spécifique ni ne confère un droit pour le Correspondant de facturer des frais généraux liés à cette inscription.
L’on peut certainement déduire de ces prescriptions que l’inscription sur une liste n’a aucune conséquence juridique particulière en ce qu’elle ne crée pas de relations contractuelles définies.
Pour autant l’inscription sur une liste entraine clairement certaines obligations pour le Correspondant : ainsi les Guidelines for Correspondents énumèrent certaines contraintes non rémunérées dont les principales sont le devoir de tenir informé le Club des évolutions environnementales dans les domaines sociaux, politiques, sanitaires et juridiques locales, la nécessité d’être joignable jour et nuit (disponibilité) et l’obligation d’établir des plans d’intervention d’urgence permanents (Contingency Planning ) .
Il ne semble pas toutefois que ces obligations puissent constituer un faisceau d’indices suffisant pour créer une relation contractuelle de fait et justifier un droit à indemnité en cas de rupture injustifiée, à l’instar du droit à compensation dont peuvent bénéficier les agents maritimes, lesquels bénéficient généralement d’un contrat d’agence écrit. Il n’existe d’ailleurs pas de jurisprudence connue et les Clubs que nous avons interrogés n’ont pas connaissance de contentieux sur la question.
Les suppressions d’un Correspondant d’une liste demeurent extrêmement rares et en dehors des cas de faute caractérisée, les motifs sont généralement liés à des réorganisations internes (décision de réduire la représentation à un seul Correspondant là où plusieurs sont listés sans avantage évident). Il nous a été toutefois signalé des cas de compensation indirecte consistant à l’inscription d’un Correspondant disposant d’un réseau portuaire dans un autre port où il n’était pas listé en contrepartie de sa suppression de la liste pour un port où il l’était.
Formation des contrats
Dans ce contexte et compte tenu des diverses notices ou guides régulièrement édités par les Clubs, l’on est réduit à considérer que les missions confiées à un Correspondant le sont dans le cadre d’un contrat de mandat confié directement par le Membre, armateur ou opérateur, même si les instructions initiales proviennent du club de Protection directement.
L’on rappellera que le Correspondant est uniquement mandaté pour une affaire précise, et l’étude sur les liens existants entre les Membres d’un Club et le Correspondant à l’occasion de la mission relève de l’accord des parties. Cet accord est formé par un consentement qui se matérialise dans la pratique par un simple échange de mails. Dans les usages, il n’y a en réalité aucun contrat écrit sinon les instructions reçues au titre de l’affaire considérée. La confirmation par le
Correspondant de son intervention matérialise la formation d’un contrat de mandant ponctuel.
Le contrat se poursuivra tout au long de la gestion du dossier et prendra fin lorsque le litige sera considéré comme soldé et la facture finale des honoraires etfrais encourus émise.
Il s’agit dans tous les cas de mandats à titre onéreux généralement de nature commerciale parfois civile.
L’on peut parfois utiliser l’expression ad hoc pour qualifier le mandat du Correspondant dès lors qu’il s’agit d’une intervention pour une affaire précise, un acte ou une procédure déterminée, mais cette expression parait restrictive et peu adaptée à la situation car le mandat dont dispose le Correspondant est généralement plus large et surtout susceptible d’évoluer en cours de dossier, ou de se poursuivre sur une longue période donnant ainsi l’impression aux tiers d’un mandat permanent.
L’on sait que le législateur, en France et partout dans le monde, ignore le statut du Correspondant dont la spécificité des activités n’aurait pas justifié un cadre légal particulier, et le cadre juridique du mandat d’un Correspondant de Club de Protection dépendra exclusivement du droit commun des contrats commerciaux propres au pays dans lequel il exerce ses activités.
Nomination
La profession du Correspondant n’est pas règlementée. En d’autres termes, l’habilitation ne requiert aucune forme particulière si bien que l’exercice de la fonction pourrait juridiquement être accessible à quiconque justifiant la qualité de mandataire. Dans les faits, les choses sont tout autres. Le Correspondant doit justifier d’une expérience certaine ou répondre à certains critères (voir infra dans cette même partie titre 2 chapitre 3 section 1) s’il veut pouvoir être listé en tant que Correspondant de Clubs de protection.
Afin d’appréhender les questions de la nomination aussi bien que celle de la révocation il est nécessaire de rappeler la place qu’occupent les « managers »20 ainsi que celle du « board »21 au sein d’un P&I club. Ces deux principaux acteurs participent à l’habilitation d’un Correspondant.
Selon Steven J Hazelwood, « the managers are also responsible for the selection and supervision of a network of Correspondents worldwide and the high standard and efficiency of this network is the very foundation of the service provided by the club to its Members.»
Révocation du mandat
Nous évoquons dans cette section la révocation du mandataire au titre de la mission qui lui a été confiée, tout en sachant que la suppression du nom du Correspondant des listes du Club a déjà été traitée dans la section 1 de ce même chapitre.
L’on sait qu’en droit français il est possible pour le Mandant de révoquer sa procuration quand bon lui semble sans avoir à se justifier (article 2004 du Code Civil). Il n’existe pas à priori de droit à indemnité sauf règlement des frais déjà engagés. La révocation est dite ad nutum.
Les cas de révocation de mandat en cours de mission sont peu fréquents mais peuvent se produire pour des motifs divers. Le plus courant est l’incompétence (ou compétence insuffisante) du Correspondant mandataire dans la gestion d’un dossier particulièrement complexe justifiant la nomination d’un professionnel adapté comme un avocat ou un solicitor (parfois un autre Correspondant), qui reprendra alors l’ensemble du dossier et poursuivra ainsi le mandat en contact direct avec le Club et le Membre. La justification est alors la perte de confiance. Celle-ci peut également être motivée par un soupçon d’impartialité à l’égard de l’une des parties en cause,
voire un soupçon de conflit d’intérêts comme l’intervention d’une filiale ou société indirectement affiliée au Correspondant ou connue comme telle (cas d’une société d’expertise intervenant pour un intérêt cargaison). L’on peut également évoquer la révocation partielle, le Club ou le Membre décidant de confier à un autre intervenant une partie de la mission. Les cas de révocation partielle sont plus fréquents notamment en matière d’expertise, le Club ou le Membre décidant de mettre un terme aux diligences d’un expert nommé par le Correspondant en missionnant son propre expert reprenant ainsi la gestion des aspects techniques du dossier. En révoquant le Correspondant, le Club (ou le Membre) fait usage d’un droit discrétionnaire n’ouvrant pas de droit à compensation. L’exception pourrait exister dans le cas d’une révocation abusive caractérisée sinon vexatoire, mais dans la majorité des cas le Correspondant se gardera d’invoquer un préjudice sauf au risque de perdre sa représentation.
Enfin, la faute pénale émanant d’un Correspondant peut également faire l’objet d’une rupture du mandat. Parmi les fautes pénales les plus caractéristiques, l’on pourra citer la connivence avec un réclamant pour régler une réclamation d’un montant inférieur à une réclamation faite par le Correspondant auprès du club, ce qui sera assimilable à un détournement de fonds , ou encore le non-paiement dans sa totalité d’une réclamation alors même que le Correspondant en avait reçu les fonds.
De plus, il n’est pas rare que le Correspondant puisse exiger des rétrocessions de la part de certains sous-traitants. Faut-il encore que le Club le découvre et que le caractère récurrent soit prouvé pour justifier la révocation.
Lois applicables
Si l’on se réfère au droit français, les recours en responsabilité susceptibles d’être engagés à l’encontre d’un Correspondant seront du ressort des Tribunaux du lieu de son siège social ou éventuellement du lieu où la prestation de services a été effectuée. D’une façon générale, la responsabilité du Correspondant devrait être régie par la législation du pays dans lequel il exerce faute de clause de compétence convenue. Quant au recours à l’arbitrage, il n’est pas prévu expressément dans les rapports entre les P&I Clubs et leurs Correspondants, et l’on pourra chercher en vain dans les divers notices ou guides édités par les Clubs une référence à une juridiction particulière.
Rapprochement avec le statut du Correspondant de Clubs de protection
Comme l’agent consignataire, le Correspondant portuaire de Clubs de Protection est incontestablement un auxiliaire maritime , puisqu’il intervient dans la majorité des cas pour le compte d’un navire ou d’un opérateur de navire dans le cadre d’un mandat, mandat qui lui est confié soit directement par l’armateur, soit à travers le Club de Protection.
Leur statut fiscal est souvent identique (voir infra : statut fiscal) notamment par une exonération des taxes de type T.V.A.
Certaines de leurs activités sont par ailleurs assez proches voire même parfois de nature identique comme des missions de surveillance et de pointages (précautionary survey ou lost prevention28 )
L’agent consignataire intervient généralement dans le cadre d’un contrat ponctuel sans que l’on puisse évoquer la question de la révocation puisque les effets du contrat cessent avec le départ du navire. Dans l’hypothèse d’un navire affrété qui revient régulièrement dans le même port, l’on peut alors parler de contrats successifs.
Une éventuelle rupture de contrat durant une escale serait qualifiée d’ad nutum
L’on retrouve ici les caractéristiques du statut du Correspondant qui intervient dans le cadre de mandats ponctuels.
En revanche, il est difficile de rapprocher le statut du Correspondant de Club de Protection de celui d’agent maritime. Le Correspondant en effet n’est pas un agent commercial et ne peut prétendre à un mandat d’intérêt commun mais simplement d’un mandat ordinaire.
La Rémunération
Intervenant comme mandataire dans le cadre d’une mission précise, dont la durée peut varier en fonction de la progression et des développements du dossier ou du sinistre concerné, le Correspondant sera généralement rémunéré au temps passé (section 1). Pourtant certaines interventions pourront faire l’objet d’une discussion préalable pour une rémunération sur la base d’un forfait, sinon calculée sur la base du tonnage concerné (section 2). Ces deux dernières options se rencontrent plus fréquemment dans le cadre de missions de prévention et d’expertises destinées précisément à éviter la survenance de litiges ou de dommages à la cargaison. L’étude de la rémunération pourra être complétée par l’examen du statut fiscal des facturations (section 3) qui consiste souvent et dans la plupart des pays, en une exonération des taxes du type T.V.A dont bénéficient les activités liées au maritime et aux navires marchands.