LES SPECIFICITES DE LA COOPERATION

LES SPECIFICITES DE LA COOPERATION

Cette partie vise à travers une analyse précise des objets de conflit à mettre en exergue les spécificités du projet d’aménagement transfrontalier dans les périodes de conflit. La figure ci-dessous permet à travers une double entrée (lecture chronologique et par type d’acteurs) de situer les conflits précédemment évoqués dans la dynamique du projet et de préciser la catégorie d’acteurs concernée. Cette partie s’organisera de la façon suivante : les trois grands objets de conflit que sont la remise en cause du projet, la passerelle et le festival, seront analysés à travers une lecture « Origine du conflit – Objet de conflit – Sortie de conflit » afin de mettre en relief les spécificités des périodes de conflit tenant de la dimension transfrontalière du projet. Chaque objet de conflit sera synthétisé par un schéma représentant les différents éléments ayant freiné ou favorisé la poursuite du projet. Dans une synthèse générale, la spécificité de ces éléments sera interrogée au regard de la dimension transfrontalière du projet. Deux éléments notables ont permis le lancement du projet du Jardin des Deux Rives entre 1995 et 2001: des élus strasbourgeois souhaitant renforcer la coopération avec Kehl et un engouement populaire allemand motivé par l’accueil de la Landesgartenschau.

« Le sort des « agglomérations transfrontalières », on le sait, intéresse tout particulièrement Roland Ries : « Jusqu’à présent, Strasbourg et Kehl échangent des infos, ce qui est déjà bien. Mais on voudrait arriver sinon à fusionner au moins à prendre des décisions en commun », plaide-t-il tout en se déclarant prêt « à prendre des risques et bousculer les choses pour obliger les textes à suivre » ». Catherine Trautmann et Roland Ries semblent avoir voulu dès leur élection se tourner vers l’Europe. Catherine Trautmann mettait ainsi en avant l’importance du rôle des politiques dans la construction de l’avenir européen qui «est d’être des passeurs entre générations. Il ne faut pas laisser s’effacer l’histoire. Mais sortir de notre sentiment de culpabilité. L’Europe nous fournit le cadre dans lequel nous pouvons exister tels que nous sommes.»2. De plus, en tant qu’élue de Strasbourg, ville frontalière avec l’Allemagne, Catherine Trautmann a mené avec son équipe, une politique volontariste de rapprochement avec leurs voisins allemands comme l’illustre les propos de Roland Ries sur le massacre d’Oradour-sur-Glane : « Mais à l’heure où l’Europe dessine un avenir de paix, propose une vie commune pour demain qui soit autre chose que la continuation des guerres fratricides, notre histoire, que nous devons regarder en face, doit contribuer à construire notre avenir commun »3.

A Kehl, bien que la volonté de coopération avec Strasbourg semble être également importante pour les élus, une autre caractéristique du projet a appuyé la réalisation du Jardin des Deux Rives. Ce projet s’inscrit dans l’organisation de la Landesgartenschau de 2004, qui constitue une réelle célébration populaire en Allemagne. Ces floralies annuelles d’une durée de six mois sont organisées par le Land qui sélectionne la ville d’accueil parmi différents candidats. Le Land du Baden-Württemberg organise des floralies depuis 1980 et chaque festival attire des milliers de visiteurs venus de tout le territoire du Land voir d’au-delà. Les landesgartenschau représentent une opportunité pour les villes de bénéficier de subventions pour repenser leur tissu urbain autour d’un jardin. Ainsi, cet évènement fait généralement l’objet d’un grand enthousiasme à la fois politique puisque qu’« aucune ville ne l’a jamais regretté »4 et populaire : « Commerçant, artisan, restaurateur et particulier unis : « le landesgartenschau est une chance » »1. Aussi, l’engouement populaire pour cet évènement a soutenu la volonté de la municipalité de Kehl de candidater pour les Landesgartenschau de 2004 et a contribué à l’intérêt des kehlois pour le projet du Jardin des Deux Rives. Cet engouement a été renforcé par l’importance du projet du Jardin des Deux Rives pour une ville de 35 000 habitants environs2. C’est donc dans cette dynamique commune que le projet du Jardin des Deux Rives a été initié entre 1995 et 2001. En mars 2001, alors que les décideurs politiques s’étaient entendus sur les plans d’aménagement, que les études d’avant projet détaillées de la passerelle et des aménagements de la rive française étaient en cours, et que la ville de Kehl avait déjà validé l’avant projet détaillé de l’aménagement de la rive allemande, les électeurs strasbourgeois ont porté à la tête de la ville une nouvelle équipe municipale d’un parti politique différent.