Les sources laser ultra-intenses
A chaque saut technologique correspond en général une avancée scientifique. Dans le domaine des lasers l’augmentation progressive de la puissance des lasers a suivi la même règle. Ceci a été rendu possible en augmentant l’énergie des lasers et/ou en diminuant la durée des impulsions laser. La technique dite de CPA (“Chirped Pulse Amplification”, amplification à dérive de fréquence), développée à partir des années ‘80, consiste dans l’amplification optique des impulsions laser étirées (ref. équation 1.1-p.5 et figure Fig.1.2-p.5). L’utilisation de ces impulsions étirées permet de limiter la puissance crête pendant l’amplification, augmentant ainsi la quantité maximale d’énergie par impulsion sans endommagement des amplificateurs. La compression temporelle finale des impulsions amplifiées permet enfin d’achever des impulsions ultra-brèves (τ <1ps) ayant des puissances crêtes pouvant atteindre les dizaines/centaines de terawatts. De telles installations peuvent aujourd’hui fonctionner à des taux de répétition de l’ordre de la dizaine de Hz, avec des énergies par impulsion limitées à quelques Joules.
L’accélération d’ions par laser
Lors de l’interaction d’une impulsion laser avec une cible solide, la pré-impulsion ou le pied de l’impulsion laser ionise très rapidement la cible, libérant les électrons qui vont absorber la plus grande partie de l’énergie du laser (pour les seuils d’endommagement, voir figure Fig.3.2-p.19): un plasma est ainsi créé1 . Une impulsion laser (visible) ayant une intensité supérieure au seuil à 1018W/cm2 est dite “relativiste”, car les électrons soumis à son champ électrique y oscillent à des vitesses relativistes (équation 2.9-p.13). Etant donnée la brièveté de l’impulsion ( ´ τ < 1ps), la composante du plasma la plus active au cours de l’interaction est celle électronique (les composantes ioniques ont des fréquences plasmas – éq. 3.1-p.15 – inférieures). Lors de l’interaction laser – plasma, différents mécanismes collectifs se produisent et permettent le couplage de l’énergie laser en énergie cinétique communiquée aux électrons (absorption collisionnelle, chauffage j × B, absorption résonante, chauffage de Brunel): leurs importances relatives est liées aux paramètres du plasma présent sur la surface éclairée. Les électrons les plus chauds ainsi créés à la surface traverse la cible. Les courants associés sont si forts que les électrons peuvent se propager dans la cible non perturbée de façon très collimatée. Lors de leur émergence en face arrière, celle-ci devient rapidement ionisée et transformée en plasma qui va se détendre dans le vide: son expansion est responsable de l’accélération ionique et de la formation de faisceaux d’ions très collimatés dont les énergies augmentent du fait de la séparation de charge produite à l’interface plasma/vide du fait de la séparation de masse. Plus la température électronique est grande et plus la séparation de charge est importante, et, par là même la valeur du champ électrique accélérateur. Ce mécanisme, est connu sous le nom du “TNSA” (Target Normal Sheath Acceleration, accélération de gaine à la normale à la cible) et il est, avec les paramètres explorés dans ma thèse, le mécanisme le plus efficace d’accélération ionique.
Dépendance du couplage avec les paramètres laser
Les paramètres laser jouent plusieurs rôles dans l’ensemble du processus d’accélération ionique, de façon dépendante ou pas des paramètres de la cible. Ce travail de recherche est spécialement dédié aux effets du contraste laser. Le piédestal d’une impulsion laser est l’énergie laser qui précède l’impulsion crête, en général elle s’étale sur une échelle entre la centaine de picosecondes et quelques nanosecondes. La forme de ce piédestal aussi bien que son intensité moyenne (le rapport, dit contraste, entre le valeur crête du pic d’intensité et le niveau du piédestal) sont propres à chaque chaˆıne laser. Etant ´ données les intensités extrêmes en jeu (I > 1018W/cm2 ) les niveaux de contraste normalement obtenus (106 − 108 ) sont tels que le flux d’énergie du piédestal dépasse le seuil d’ionisation de la matière. C’est ainsi que la présence du piédestal intervient dans l’interaction laser-cible. Dépendamment de ses paramètres (durée, énergie) le piédestal va créer un plasma de surface dont la mesure des paramètres, tels que température, densité, longueur du gradient, est cruciale pour l’évolution des phénomènes produits lors du passage de l’impulsion courte. Le temps de débouché du choc provoqué par le piédestal dépend de l’épaisseur de la cible. L’arrivée de cette onde de choc sur la surface arrière produit sa détente dans le vide, réduisant l’efficacité du TNSA. Les dernières techniques d’amélioration du contraste (miroirs plasma, absorbants saturables, XPW2 ) permettent d’augmenter significativement le contraste, jusque des valeurs de 1010 − 1012: ces niveaux de contraste sont suffisants pour éliminer la formation d’un plasma qui précèderait l’impulsion principale. L’absence de ce pré plasma peut réduire l’absorption de l’énergie du laser, améliorer la stabilité de l’interaction et donc du faisceau de protons, et permettre enfin l’accélération de protons plus énergétiques issus de cibles de plus en plus minces. 8.3 Structure du manuscrit de thèse et de son résumé Ce manuscrit est organisé comme suit. Les chapitres Ch.2 et Ch.3 sont dédiés aux notions de physique de laser et de plasma, nécessaires à la définition du cadre de recherche. Les chapitres Ch.4 et Ch.5, résumés dans le chapitre Ch.9, sont dédiés aux expériences préparatoires sur le sujet de l’interaction laser-matière à intensité moyenne: deux campagnes expérimentales ont été menées dans l’installation laser de la Salle Verte au LOA pour la caractérisation des surfaces avant et arrière (éclairée et non éclairée) soumises à des impulsions femtosecondes. Les chapitres Ch.6 et Ch.7, résumés dans le chapitre Ch.10, sont enfin consacrés aux expériences d’accélération de protons avec le laser femtoseconde, multiterawatt de la Salle Jaune. Les conclusions des activités de recherche et ses perspectives sont enfin résumées dans le chapitre Ch.11.