Les solutions possibles
On entend par là la possibilité de rendre cohérentes les définitions internes et communautaires. Il ne s’agit pas ici de remettre totalement en cause « l’acquis interne » mais simplement de fondre les notions interne et communautaire des marchés publics. Cela impliquerait un abandon officiel du critère organique tel qu’il existe aujourd’hui dans le Code français et une fusion, dans un texte commun et simplifié, du Code et des lois de 1991 et 1992. 593. Reste que cette évolution ne simplifierait qu’une partie des problèmes en évitant d’entrer dans les différentes notions internes et communautaires de concessions. Cette position serait d’ailleurs dangereuse à long terme si, comme le laissent entrevoir les directives de 2004, les concessions de service deviennent en droit communautaire une catégorie soumise à des procédures88. En somme, le choix de cette évolution ne serait à notre sens pas assez complet pour être une rationalisation utile à moyen terme. notamment l’utilisation des distinctions privatistes en la matière, est une proposition d’une tout autre valeur. Soutenue par une partie éminente de la doctrine89, elle redonne à la catégorie des contrats administratifs une place centrale et constitue une avancée théorique importante. L’idée principale est que la catégorie qui peut aujourd’hui regrouper l’essentiel de ces actes est celle des contrats administratifs. C’est d’ailleurs dans le cadre de l’analyse de ceux-ci que sont envisagés les marchés publics au sens large et les délégations de service public dans la plupart des manuels et traités90, ainsi que dans le cadre des enseignements universitaires91. Si cette situation évolue actuellement, on pourrait peut-être le justifier par la complexité de la matière plus que par une spécificité92.
Le professeur Yves GAUDEMET propose ainsi, dans le cadre de « l’emprunt » de toute la théorie des obligations du droit privé par le droit administratif93, de recentrer l’ensemble des contrats passés par les personnes publiques sous la qualification de « contrat administratif » et de distinguer, au sein de ceux-ci des « contrats spéciaux », parmi lesquels notamment ceux qui nous intéressent. L’auteur estime cependant que « l’identification des catégories n’est pas première ni naturelle. Il manque, en droit administratif, une théorie des contrats spéciaux ». Il constate malgré tout une évolution récente avec un passage du modèle des marchés publics « archétype du contrat administratif, au régime duquel les autres contrats administratifs sont censés emprunter peu ou prou » à une multiplication Le terme d’ « emprunt » utilisé par l’auteur est semble-t-il à comprendre comme la possibilité pour le droit public de faire une distinction, ou de mettre en place une notion, en utilisant le droit privé comme un modèle et en permettant au droit public mutatis mutandis de l’incorporer. L’ « emprunt » peut ici être rapproché du terme d’ « utilisation » choisi par la thèse de B. PLESSIX, L’utilisation du droit privé dans l’élaboration du droit administratif, Paris, Éditions Panthéon-Assas et dist. LGDJ, 2003, 878 596. La solution est séduisante à bien des égards. D’abord c’est certainement la solution la plus respectueuse de la tradition de notre droit administratif dont les débats doctrinaux ont toujours tourné, en matière contractuelle, autour de la notion de contrat administratif.
Ensuite, cette approche permet d’insister sur le caractère de droit public de ces contrats que le droit communautaire pousse à voir comme des contrats « économiques » c’est-à-dire, dans notre tradition, plus proches du droit privé95. Or une partie de la doctrine insiste sur la nécessité de ne pas perdre les spécificités du droit public dans le droit des marchés, spécialement à un moment où les entreprises sont si puissantes96. En effet, d’une part les concentrations économiques conduisent à des personnes privées contractantes plus compétentes pour négocier et plus à même d’imposer leurs vues que leurs cocontractants publics, dont certains, notamment de petites communes, ne sont pas plus puissants que des PME. D’autre part, la spécialisation d’un certain nombre de services – on pense à la maintenance informatique97, aux usines de retraitement des déchets – conduit les personnes publiques à être spécialement dépendantes de leurs cocontractants et à ne pas pouvoir en cas de problème reprendre les services délégués ou confiés en régie. l’écarter malgré ses éléments séduisants. Le premier défaut est l’absence de prise en compte des contrats qui sont des marchés publics au sens communautaire mais qui sont des contrats de droit privé dans la tradition de notre droit. Il reste certes la possibilité de soumettre législativement ces contrats au droit public comme cela a été fait pour ceux passés en application du Code des marchés publics par la loi MURCEF.