Perméabilité
Les résultats a haute température nous ont permis de mieux cerner les différences de comportement entre les différents gaz tout en validant de manière satisfaisante les méthodes, et en particulier l’ensemble osmotique. Toutefois, le véritable défi de ce travail est de mettre au point un modèle prédictif `a basse température, lorsque le polymère est semi-cristallin, sans modéliser explicitement les zones cristallines de la matrice, ce qui serait trop couteux en temps de calcul. Ce chapitre traite des résultats de solubilité et de diffusion `a basse température, `a 293 K, et de la prise en compte de la cristallinité avec une utilisation originale de l’ensemble osmotique. A basse température, l’échantillonnage des configurations en Monte Carlo est assez difficile. Pour accélérer la convergence des simulations, la technique de parallel tempering a été utilisée dans les simulations décrites dans ce chapitre. Au niveau des références expérimentales, cette étude s’appuie sur les expériences menées `a l’IFP par B. Flaconnèche et M.H. Klopffer sur la perméabilité de CO2, de CH4 et de leur mélange dans le PE. Il s’agit soit de mesures directes de solubilité par gravimétrie, soit de mesures indirectes a partir de courbes de perméabilité. Par ailleurs, la perméabilité de CO2 et de CH4 dans le polyéthylène semi-cristallin a été fréquemment étudiée [107, 113, 114] et en particulier par Michaels et Bixler. 111 e dans le PE semi-cristallin
Perméabilité des gaz purs : CO2, H2S et CH4
Concernant les courbes qui sont présentées dans cette section, l’absence de barres d’erreur indique que les erreurs statistiques des simulations sont inférieures `a la taille des symboles.
Solubilité et gonflement
Les solubilités et les gonflements liés a la solubilisation de CO2, H2S et CH4 dans le polyéthylène semi-cristallin sont étudiés dans cette section. La matrice polymère est constituée de 15 chaînes de nC70, chaînes plus petites qu’`a haute température (nC100 et nC200) afin de réduire les temps de calcul. Préparation et détails des simulations Les simulations s’appuient sur des configurations de nC70 pur équilibrées en Monte Carlo `a 293 K. Les solubilités pour différentes pressions sont calculées par une simulation en parallel tempering sur 8 processeurs o`u les pressions, et les fugacités correspondantes, sont échangées entre les 8 boîtes. La température est identique dans toutes les boîtes. Les fugacités des gaz sont indiquées dans le tableau 6.1. Elles ont été calculées par une simulation NPT préalable de la phase gaz avec des tests d’insertion. Les probabilités de tenter les différents mouvements Monte Carlo sont identiques `a celles utilisées `a haute température (voir chapitre 5). Les échanges de boîtes sont tentés tous les 104 pas Monte Carlo. De 2 `a 5.108 pas Monte Carlo ont été effectués pour ces simulations. Les autres paramètres de simulation sont indiqués dans l’appendice C. La figure 6.1 présente les concentrations des gaz CO2, H2S et CH4 `a 293 K dans le nC70. Les concentrations des trois gaz évoluent linéairement avec la pression, selon le régime de Henry. Les constantes de Henry pour ces trois gaz, calculées par régression linéaire des points, sont rassemblées dans le tableau 6.2. Conformément aux résultats obtenus `a haute température, on observe que la solubilisation de H2S dans le polyéthylène est quasiment deux fois plus importante que celle de CO2. Egalement en accord avec les résultats `a haute température, le méthane se solubilise très faiblement dans le PE, 9 fois moins que CO2. Comme le montre la figure 6.2, les constantes de Henry des gaz sont corrélées avec leur température critique. Ce résultat confirme ce qui a été observé `a 433 K. Pour CO2, nos simulations surestiment largement les résultats expérimentaux [112], corrigés du taux de phase amorphe (49%). La raison est que dans nos simulations, la phase amorphe est libre de toute contrainte et peut gonfler librement. En réalité, la phase amorphe est piégée par le réseau de cristallites qui entrave le gonflement par le biais des chaînes pontantes, i.e. les chaînes dont certaines parties sont piégées dans les régions cristallines. Un moyen de résoudre ce problème est décrit dans la section suivante
Le problème apparaît aussi pour CH4, toutefois la surestimation est moins importante que pour CO2, avec « seulement » un facteur 2. Pour les gaz peu solubles, tels que CH4, l’influence du réseau de cristallites est réduite. La quantité absorbée de gaz étant plus faible (`a pression identique), la déformation du matériau est moins importante.
Contrainte additionnelle
Comme le montrent les résultats de la section 1.1, la solubilité calculée dans l’ensemble osmotique, lorsque la contrainte isotrope σ est égale `a la pression dans la phase vapeur, est clairement surévaluée. La présence des zones cristallines affecte de manière non négligeable la perméation dans les phases amorphes en exercant une contrainte interne sur ces zones amorphes par le biais des chaînes pontantes. Les chaînes pontantes sont des chaînes composées d’une alternance de parties cristallines et de parties amorphes. La relaxation des parties amorphes de ces chaînes est entravée par le piégeage dans les parties cristallines. Lors de la solubilisation de gaz dans la phase amorphe, la matrice gonfle. Mais, contrairement `a ce qui se passe dans le fondu, ce gonflement est restreint par la présence de ces chaînes pontantes qui ne peuvent accomoder librement l’expansion de la matrice. Il existe donc une certaine contrainte, exercée par les chaînes pontantes, qui s’oppose au libre gonflement de la phase amorphe(voir figure 6.6). Cette notion de « réseau de cristallites » réduisant le gonflement de la phase amorphe n’est pas nouvelle. Elle a été introduite par Rogers et al. en 1959 et a été reprise fréquemment dans la littérature depuis.En modélisation moléculaire, De Pablo et al. [11] ont étudié ce phénomène pour l’éthylène (très soluble), le méthane et l’azote (peu solubles) dans du polyéthylène `a 25 ◦C. Il est apparu que les concentrations en éthylène étaient surestimées alors que celles de méthane et d’azote étaient en bon accord avec les expériences. La phase amorphe simulée n’est soumise qu’`a la pression de gaz et rien ne l’empˆeche de gonfler. Le réseau de cristallites affecte donc particulièrement la solubilité des gaz fortement solubles, CO2 et H2S dans notre étude, mais a peu d’influence sur celle des gaz peu solubles comme CH4. En modélisation moléculaire, aucune solution n’a été proposée `a ce jour pour modéliser l’influence des cristallites sur la solubilité, et la diffusion. Dans cette section, nous apporterons un début de solution pour la méthode Monte Carlo grˆace `a une utilisation originale de l’ensemble osmotique. La contrainte isotrope σ de l’ensemble osmotique représente la pression du gaz `a laquelle s’ajoute la contrainte (supposée) isotrope σint exercée par le réseau de cristallites sur les régions amorphes (voir chapitre 3). σ = P + σint (6.1) Cette contrainte σint doit etre ajustée pour reproduire observée en milieu semi-cristallin. Dans une première approximation, on fait l’hypothèse que cette contrainte ne dépend que du taux de cristallinité et de la nature du polymère, en particulier au niveau de la rigidité des chaînes. Plus la contrainte est forte, plus la densité de la matrice polymère augmente et plus la concentration en gaz diminue par désorption. Il existe donc une contrainte σP E qui permette de reproduire la solubilité expérimentale dans les zones amorphes. Cette contrainte isotrope σP E doit etre ajustée sur des résultats expérimentaux. Concentration et gonflement augmentent avec la pression. Si on modélise les chaînes pontantes comme des ressorts, plus le taux de gonflement est élevé, plus la contrainte s’exer¸cant sur la partie amorphe est importante. De ce fait, il est attendu que la contrainte σP E dépende du taux de gonflement. C’est cette courbe contrainte-gonflement qui constitue l’objectif de cette étude. Pour évaluer la valeur de la contrainte σP E `a appliquer, on s’est appuyé sur le système CO2/nC70 et les résultats expérimentaux de solubilité `a 293 K de Flaconnèche et al. [112].
Préparation et détails des simulations Partant des configurations CO2/nC70 résultantes des simulations aux différentes pressions décrites dans la partie 1.1, des simulations dans l’ensemble osmotique ont été réalisées en parallèle sur 8 processeurs. A chaque boîte de la simulation parallèle, une valeur différente de contrainte σint a été imposée de manière `a balayer une gamme de contraintes allant de 0 `a 120 MPa. Température, fugacité du gaz et pression de gaz sont identiques dans chaque boîte. De 2.108 `a 3,5.108 pas Monte Carlo ont été effectués pour chaque simulation. Les probabilités de tenter les mouvements Monte Carlo restent identiques `a celles indiquées pour les simulations décrites précédemment dans la section 1.1. Les autres paramètres de simulation sont indiqués dans l’appendice C.