Les sols ferralltiques, réactivité et disponibilité du phosphore, la spectrométrie infrarouge pour caractériser les sols
Disponibilité de P contrôlée par les propriétés d’échanges
Les particules d’un sol sont chargées électriquement. Les charges des particules sont en équilibre dans le sol avec des ions qui vont neutraliser les charges positives ou négatives. Dans le cas de charges négatives, ces ions supplémentaires sont des ions alcalins, alcalinoterreux ou de l’aluminium, retenus aux particules du sol par des liaisons ioniques. Ces ions peuvent être déplacés facilement, échangés contre d’autres, d’où leur nom d’ions échangeables. Les charges sont alors neutralisées par des cations ; on parlera de la capacité d’échange cationique ou CEC. Lorsqu’il s’agit de charges positives, elles sont neutralisées par des anions ; on parlera de la capacité d’échange anionique ou CEA (Olphen, 1977). Ces mécanismes sont illustrés par le modèle de Gouy-Chapman-Stern (Figure 7). Les charges de surface des minéraux sont neutralisées par les minéraux adsorbés à la surface des particules, les cations neutralisant les charges électronégatives (notamment à la surface des matières organiques et des argiles), les anions neutralisant les charges électropositives (notamment à la surface des sesquioxydes de Fe et Al). Figure 7. Distribution des charges, modèle Gouy-Chapman-Stern, d’après Pieri, 1975 Les charges des constituants des sols sont de deux types (Figure 8) : les charges permanentes (ou structurales) et les charges variables. Les charges permanentes sont dûes à des substitutions isomorphiques dans le réseau cristallin des argiles : substitution de Si4+ par Al3+ dans les couches tétraédriques ; substitution de Al 3+ par des métaux divalents (Mg2+ , Fe2+,…) dans la couche octaédrique des argiles (Figure 8a). Les charges permanentes, issues de substitution avec des cations de moindre charge ne peuvent donc générer que des charges négatives qui contribuent à la CEC. Les charges variables sont issues de la (dé)protonation de molécules amphotères (matières organiques, oxydes de fer et d’aluminium, dans une moindre mesure kaolinite), qui sont des composés importants des sols tropicaux (Uehara et Keng, 1975 ; Pieri, 1975, 1977). Ces charges variables sont donc dépendantes du pH (Figure 8b). Les charges positives sont dues à une protonation des groupes Si-OH, Al-OH et Fe-OH de la kaolinite et des oxydes d’Al et Fe. Ce sont ces charges positives et la protonation de ces constituants qui contrôlent pour une large part la sorption du P. La protonation et la création de charges positives étant d’autant plus importantes que le pH est faible, ceci explique la plus forte sorption de P dans les sols tropicaux acides. De ce fait, avec un pH acide ou inférieur au point de charge nul d’un minéral, l’adsorption est maximum lorsque les surfaces sont chargées positivement. Le phosphate est fortement adsorbé sur les bordures des cristallites avec formation d’un complexe du P lié à l’aluminium (Figure 9a). Avec les oxydes et hydroxydes de Fe, l’adsorption est également forte à pH faible ou inférieur au point de charge nulle du constituant (Figure 9b) (Wey, 1953-1955).Le phosphore organique, qui représente une fraction importante du phosphore total (20 à 80%), peut également contribuer à la sorption du P. Divers travaux (Chaminade, 1944 ; T : Si 4+ – Al 3+ T : Si 4+ – Al 3+ O : Al 3+ – Mx 2+ (Mg, Fe) A faible pH MOH + H + = MOH2 + A pH élevé MOH + OH – = MO – + H2 O Levesque et Schnitzer, 1967 ; Sinha, 1971a et b ; Bidom, 1981) ont montré qu’il y avait des liaisons entre la matière organique et les ions phosphates à travers des cations métalliques. La présence de fer et d’aluminium dans les molécules d’acide humique ou fulvique conduit à la formation de complexes phospho-organo-métallique. Le phophate agit alors comme un ligand dans les complexes et le métal (oxydes/hydroxydes de fer et d’aluminium) comme un pont entre l’acide fulvique et le phosphate. L’adsorption spécifique (échange de ligand) se produit alors lorsque les anions phosphates remplacent les groupes hydroxyl sur la surface des oxydes d’Al et de Fe et des oxydes hydratés (Parfitt, 1978 ; Waithaisong, 2015). Ainsi, tous les sols fixent les phosphates à degrés divers. Ceux qui les fixent le moins énergiquement sont les plus riches en smectites. Ceux qui les fixent le plus sont les sols riches en sesquioxydes, kaolinite et matière organique (Wada, 1959 ; Amano, 1981).
Application de la spectrométrie infrarouge en Sciences du sol
Principes physiques de la spectrométrie infrarouge
Le principe de la spectrométrie infrarouge a été souvent détaillé (King, 2004; Roy 2007). Elle repose sur la mesure de l’interaction entre un rayonnement électromagnétique et la matière à différentes fréquences. Elle permet d’obtenir des informations cristallochimiques sur la matière à partir de son interaction avec le rayonnement incident. Selon la fréquence de ce rayonnement (ultraviolet, visible, infrarouge…), des différents types de niveaux d’énergie se présentent. La figure 10 présente la partie du spectre électromagnétique correspondant à l’infrarouge (IR). La fenêtre spectrale de l’IR, se décompose habituellement en 3 parties : le proche (SPIR), le moyen (SMIR) et le lointain IR. Une intense fréquence moléculaire liée aux composants du sol, se produit dans le moyen infrarouge (MIR) entre les longueurs d’onde de 2500 et 25000 nm ou 400 – 4000 cm-1. Une faible vibration correspondant à l’élongation ou la flexion des liaisons des groupes N-H, O-H et C-H est dominée dans la région de proche infrarouge (700 – 2500 nm) et une transition électronique est dominée dans la région de visible ou Vis (400 – 700 nm) (Truche, 2013). C’est pourquoi, nous nous intéresserons plus particulièrement à la région du proche (SPIR) et du moyen infrarouge (SMIR) pour notre étude.