LES SOLIDARITES NUMERIQUES
Expression de « solidarité numérique » ou de « solidarités numériques » désigne une série de politiques conduites par l’État ou les collectivités locales, mais aussi des actions conduites par des associations, voire des acteurs économiques, soit directement, soit au travers de Fondations… dont l’objet consiste à lutter contre la « fracture numérique », autrement dit à assurer une redistribution de moyens en faveur des catégories de la population restées à l’écart du vaste mouvement de « numérisation » de la société. « Solidarité numérique », « fracture numérique », « numérisation de la société » sont elles-mêmes des expressions qui renvoient à des états de développement en matière de ce qu’il convient d’appeler la « société de l’information ». Ces expressions, ainsi que quelques autres qui leur sont liées, se sont multipliées depuis ces dernières années afin de rendre compte de toute une série de changements en cours dans les sociétés contemporaines. Elles sont à la croisée des discours scientifiques et politiques et s’incarnent dans une multitude d’objets. Ces objets, les « Technologies de l’Information et de la Communication » (TIC) existent certes depuis plusieurs années pour certaines d’entre elles, mais, outre qu’elles se sont diversifié depuis une trentaine d’années, elles ont aussi, et certainement de façon définitive, colonisé l’espace social, culturel, éducatif. Elles ne sont sans doute pas le moteur d’une « révolution » comme on le dit parfois et sans mesure, mais elles focalisent de nombreuses innovations et peuplent nos imaginaires. La part qui reviendrait aux TIC dans une société telle que la société française reste assez difficile à calculer avec précision, tant ces TIC sont désormais un peu partout, mais on sait toutefois qu’en matière de production de biens industriels, elles représentent plus désormais que l’industrie automobile par exemple. Ce type de comparaison reste toutefois d’un intérêt limité, car les TIC ne sauraient être comparées à un type de production industrielle. Elles sont partie prenante de la plupart des process organisationnels au sein du monde du travail, que ce soit dans les secteurs administratifs, dans les secteurs industriels, dans les services… Par exemple, l’informatisation des organisations, qui date dans le cas des collectivités locales des années 1970 et 1980, a permis de renouveler en profondeur leur fonctionnement, leur organisation. Même si leur contribution à la productivité du travail a été parfois l’objet de quelques controverses (cf le fameux paradoxe de Solow), ces TIC sont désormais intégrées au travail de la grande majorité des organisations, au moins dans les pays développés. Dans le budget des ménages, les TIC occupent également une place de plus en plus importante. Elles font partie intégrantes des outils qui permettent aujourd’hui à la société de fonctionner et dont on ne peut que difficilement imaginer se passer durablement. D’une certaine manière, elles se sont banalisées. Mais, ce double mouvement de colonisation et de banalisation continue à poser de nombreuses questions et soulève des enjeux particulièrement importants. En fait, si on se rapporte à l’histoire récente, on s’aperçoit que, la première phase est bien celle de la colonisation de la société par les TIC. Pendant cette phase, les TIC s’immiscent dans de très nombreux secteurs d’activités économiques, dans les pratiques sociales, éducatives, de loisirs… dans les imaginaires, la créativité, l’innovation… Elles font également l’objet de politiques de soutien plus ou plus volontaristes de la part des principaux États soucieux de ne pas prendre de retard et de perdre ainsi des points de compétitivité économique, tant les TIC semblent incorporées à l’activité économique. La contribution de ces TIC à la croissance économique des États développés jusqu’à la fin de la décennie 1990 était d’ailleurs extrêmement significative. Il ne faut pas oublier, de ce point de vue, que la doctrine de l’Union européenne en matière de « Société de l’Information » émerge dans le cadre du Livre Blanc signé par le Président de la Commission européenne, Jacques Delors. Or, le titre exact du Livre Blanc est : « Pour entrer dans le XXIème siècle : emploi, croissance, compétitivité ». Il s’agissait en fait de répondre au défi lancé peu auparavant par la nouvelle administration états-unienne, qui, avec Bill Clinton et AL Gore, venait tout juste de lancer le programme fédéral connu sous l’expression « Autoroutes de l’Information ». Les politiques publiques typiques de cette phase de colonisation sont celles qui s’efforcent de promouvoir, tout azimut, le déploiement des TIC dans la société. Parmi les arguments les plus fréquents, on trouve la fameuse rhétorique du retard. De nombreux rapports officiels français vont recourir à cette rhétorique pour légitimer leur programme d’actions. Du rapport de Gérard Théry, en 1994, jusqu’au Plan d’Action Gouvernemental pour la Société de l’Information (PAGSI) de 1998, on pourrait trouver de très..