Les services d’aide sociale aux justiciables

LE SURSIS PROBATOIRE

Code pénal belge
La loi du 29 juin 1964 concerne la suspension, le sursis et la probation. La probation est une modalité du prononcé de la condamnation qui est donc à distinguer de la peine de probation autonome (PPA) qui ne fera pas l’objet de cette présente recherche. Sur base de l’art. 1er, §2 de la loi de 1964, lorsque les mesures que sont la suspension du prononcé de la condamnation et le sursis à l’exécution de la peine s’accompagnent de conditions particulières, elles s’appellent respectivement « suspension probatoire » et « sursis probatoire ». La probation renvoie donc à des conditions particulières à respecter qui peuvent accompagner la suspension ou le sursis. Selon l’art.1er, §2bis de la loi de 1964, la suspension et le sursis sont toujours assortis de conditions générales qui sont : « ne pas commettre d’infractions ; avoir une adresse fixe et, en cas de changement de celle-ci, communiquer sans délai l’adresse de sa nouvelle résidence à l’assistant de justice chargé de la guidance ; donner suite aux convocations de la commission de probation et à celles de l’assistant de justice chargé de la guidance ». Des conditions individualisées peuvent venir compléter ces conditions générales comme par exemples, suivre une formation ou une thérapie, rechercher un emploi, ou encore ne plus fréquenter certains lieux ou ne plus contacter la ou les victimes. Le condamné devra respecter ces conditions durant un délai d’épreuve allant d’une période d’un à cinq ans. Sur base de l’article 9, alinéas 1 et 2 de la loi de 1964, les assistants de justice du Service des maisons de Justice du SPF Justice organisent la guidance sociale des justiciables soumis à une mesure probatoire. « Cette guidance sociale a pour finalité l’évitement de la récidive par le suivi et la surveillance de l’observation des conditions ». C’est la commission de probation qui contrôle l’exécution des mesures probatoires. Le juge peut envisager la possibilité d’accorder une probation au prévenu suivant la gravité des faits commis et le passé judiciaire de ce dernier. Toute une série de faits peuvent faire l’objet d’une probation, à savoir des infractions de roulage, des violences intrafamiliales, la vente de produits illicites, des vols, … (Seron, 2020). Si le justiciable commet de nouvelles infractions ou ne respecte pas ses conditions initiales durant le délai d’épreuve, cela peut avoir pour conséquence la révocation de la probation et l’application de la peine principale. En effet, sur base de l’art.14, §1er de la loi de 1964, le sursis est révoqué de plein droit et sur base de l’article 14, §2 de la présente loi, le sursis peut être révoqué si les conditions imposées ne sont pas respectées. Si le sursis probatoire n’est pas révoqué, de nouvelles conditions peuvent être ajoutées.

Dans le cadre de cette introduction théorique, nous nous sommes demandés pourquoi l’accord du prévenu était requis uniquement pour la suspension, et non pas pour le sursis. Le législateur de 1964 considérait qu’une exigence essentielle de l’utilité de la suspension du prononcé était l’accord du prévenu car cela impliquait sa volonté d’amendement . Contrairement à la suspension, pour un sursis, une condamnation est belle et bien prononcée même si celle-ci n’est pas exécutée. La condamnation est également inscrite sur les extraits du casier judiciaire délivrés aux particuliers. Le législateur a considéré que, comme pour une peine d’emprisonnement ou d’amende, l’accord de l’intéressé n’est pas requis.

Objectifs poursuivis
Un des objectifs du sursis probatoire est l’individualisation des peines. Le juge peut décider de la sévérité de la peine et d’adapter celle-ci en fonction des circonstances et de la personnalité du délinquant (B.7.1.). Les mesures que sont le sursis et la suspension du prononcé ont été envisagées « dans le but d’éliminer ou d’atténuer les effets infamants qui s’attachent à une condamnation pénale » (B.8.1.). « Le sursis suspend l’exécution de la condamnation (qui est bien prononcée) pendant un délai d’épreuve déterminé. Il vise à réduire les inconvénients liés à l’exécution d’une peine privative de liberté et à stimuler l’amendement du condamné par la menace de la mise à exécution de la condamnation » (Seron, 2020).

LES SERVICES D’AIDE SOCIALE AUX JUSTICIABLES

Etant donné que nous nous intéressons aux justiciables réalisant un suivi psycho-social au sein d’un SASJ, nous tenons à donner une brève description des missions qu’il poursuit. Le service Liège II (Herstal) est composé d’un service d’aide aux victimes, d’aide aux détenus, d’aide post-carcérale et d’un Espace Rencontre. Dans le cadre de notre étude, nous nous sommes focalisés sur le service post-carcéral. Sa mission est de réaliser des accompagnements psycho-sociaux auprès de justiciables placés sous mesure judiciaire ou incarcérés. Il est important de préciser qu’il ne s’agit pas ici de la réalisation d’un travail thérapeutique. Aucun rapport psychologique n’est rédigé à la suite d’un entretien mais une attestation de présence est donnée au justiciable. « L’aide psycho-sociale s’inscrit donc dans la gestion des attendus criminologiques de la réaction sociale et de la prévention de la récidive au moyen d’une insertion socio-professionnelle » .

LA CONTRAINTE JUDICIAIRE

Contextualisation
Tout d’abord, bien que différents termes aient été rencontrés dans la littérature scientifique tels que : coercition, pression légale, pression juridique, … nous tenons à préciser que nous utiliserons le terme de contrainte dans notre étude car il s’agit d’un terme qui revient régulièrement dans le jargon du droit pénal belge et au sein des pratiques des SASJ. Le terme de pression sera davantage utilisé pour faire référence ici à la pression sociale comme celle d’un proche ou d’un membre de la famille.

De plus en plus de personnes sont aidées sous contrainte sans qu’elles l’aient réellement voulu ou demandé, elles sont alors convoquées chez des « aidants » soit par injonction médicale, administrative ou judiciaire (Hardy, 2012). En effet, le contexte d’aide contrainte occupe une place importante dans l’intervention psycho judiciaire. Cependant, la littérature scientifique portant sur ce sujet est relativement limitée. Il s’agit, pour la plupart des études, d’aborder le traitement forcé des toxicomanes, des malades mentaux ou encore des délinquants sexuels. Un aspect controversé de la prestation de service proposée aux délinquants est le recours au système de justice pénale pour forcer ces derniers à recevoir un traitement psychologique (Day et al., 2004). La discussion concernant les traitements sous contrainte est souvent reconnue comme polarisée (Hough, 2002 ; Seddon, 2007 ; Sullivan et al., 2008). D’un côté, il y a les personnes qui sont contre ce type de programmes forcés car cela soulève des questions éthiques et cliniques. De l’autre, il y a les personnes qui pensent que les délinquants ne commenceront pas leur traitement sans une pression externe (Magrinelli Orsi et al., 2009).

La société belge est un système auto-régulé. Ce système est composé de citoyens en interactions et ces dernières sont régies par des règles. Le concept d’homéostasie renvoie au système qui tend vers son propre équilibre. Il s’avère qu’au sein de chaque société, certains citoyens s’écartent de la norme ou de la règle prescrite, ce qui menace l’équilibre du système. C’est pourquoi ce dernier met en place des mécanismes d’auto-régulation pour tendre à nouveau vers cet équilibre. L’aide contrainte, par exemple, est un moyen homéostatique que la société belge met en place pour garder son équilibre. Un objectif poursuivi par l’aide contrainte serait le changement d’une conduite identifiée comme socialement inacceptable par la norme (Xhenseval, 2018).

Définition
Dans la littérature scientifique, le synonyme de contrainte est le plus souvent associé au terme d’obligation. Dans son ouvrage, Hardy (2012) donne la définition suivante de la contrainte : « Dans son acception la plus courante, une contrainte se définit (et se vit) comme une situation infligée faisant entrave à une totale liberté d’action ». Le traitement volontaire que l’individu entreprend de sa propre initiative s’oppose au traitement sous contrainte où le suivi thérapeutique lui est imposé par un tiers (Seddon, 2007). Selon l’étude des chercheurs Day et al. (2004), « le terme coercition implique souvent d’être forcé de faire quelque chose contre sa volonté et inclut un élément d’évaluation implicite selon lequel la conformité sera d’une certaine manière désagréable ou aversive ». Autrement dit, une chose tout à fait acceptable ne l’est plus à partir du moment où elle est imposée.

Différents types de contrainte externe
Nous pouvons établir qu’il existe en général trois formes de contrainte dans le cadre de l’intervention notamment en toxicomanie, à savoir la contrainte judiciaire, la contrainte institutionnelle et la contrainte relationnelle (Quirion, 2014). Bien que la contrainte judiciaire soit la forme la plus développée dans notre théorie, il nous semble nécessaire de prendre également en compte les autres formes de contrainte externe auxquelles peuvent être soumis les justiciables.

La contrainte judiciaire : « elle relève essentiellement du pouvoir octroyé aux tribunaux et aux juges d’ordonner à des individus accusés en droit criminel de participer à des activités à caractère thérapeutique ». Dans le cadre des suivis psycho-sociaux menés au sein des SASJ, la principale mesure de contrainte judiciaire est notamment le sursis probatoire.

La contrainte institutionnelle : il s’agit de « la contrainte qui s’exerce à l’intérieur même des agences correctionnelles telles que les établissements carcéraux et les agences de surveillance des délinquants dans la communauté ». Des personnes condamnées sont invitées, au sein des établissements carcéraux, à participer à des activités visant à réduire la récidive et à favoriser leur réinsertion sociale. Il existe une forme de contrainte implicite où l’on conseille vivement au détenu de consulter un psychologue dans le cadre de permissions de sortie notamment dans l’optique de se voir accorder une libération conditionnelle ultérieurement. Son refus à y participer pourrait lui être reproché. « La contrainte exercée se manifeste ainsi de façon plus subtile, soulignant malgré tout le caractère illusoire de ce droit à refuser le traitement» (Quirion, 2009).

La contrainte relationnelle : il existe également des contraintes moins explicites que l’on retrouve dans le contexte de vie même de la personne. « Les individus sont en effet assujettis, dans leur vie de tous les jours, à certaines formes de contraintes qui peuvent les inciter à s’engager dans un processus de changement ». Par exemple, il peut s’agir d’un toxicomane qui accepte de suivre un traitement suite à l’avertissement de sa conjointe. Il est à noter que la pression des pairs a un impact aussi important que la contrainte judiciaire, surtout si la personne concernée accorde une grande importance aux relations familiales. Cette contrainte relationnelle peut jouer un rôle non-négligeable dans la décision du justiciable à entreprendre ou non un suivi psycho-social pour modifier sa conduite problématique.

Table des matières

1. ABSTRACT
2. INTRODUCTION THÉORIQUE
2.1. LE SURSIS PROBATOIRE
Code pénal belge
Objectifs poursuivis
2.2. LES SERVICES D’AIDE SOCIALE AUX JUSTICIABLES
2.3. LA CONTRAINTE JUDICIAIRE
Contextualisation
Définition
Différents types de contrainte externe
Perceptions de la contrainte
Motivations des justiciables sous contrainte
Résistances dans un contexte d’aide contrainte
Alternatives possibles comme réponse à la contrainte judiciaire d’aide
3. OBJECTIF ET QUESTION DE RECHERCHE
4. MÉTHODOLOGIE
4.1. ECHANTILLON
4.2. PROCÉDURE ET TYPE DE DONNÉES
5. RÉSULTATS
Présentation générale de notre échantillon
Perception des faits commis
Perception de la mesure probatoire
Perception de la contrainte judiciaire
Perception du suivi psycho-social au sein d’un SASJ
6. DISCUSSION
6.1. DISCUSSION SUR LA COMPRÉHENSION DES RÉSULTATS
6.2. FORCES DE L’ÉTUDE
6.3. LIMITES DE L’ÉTUDE
6.4. IMPLICATIONS FUTURES
7. CONCLUSION 

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