Les séparations chromatographiques

Les séparations chromatographiques

Séparation par chromatographie à polarité de phases inversée

La complexité des échantillons et leur gamme dynamique de concentrations constituent un challenge important dans les analyses protéomiques. Or la MS seule ne peut tolérer qu’une complexité relativement faible, présente une gamme dynamique limitée par spectre et est très sensible au phénomène de suppression spectrale. C’est pourquoi, en MS, il est nécessaire de limiter le nombre de composés à analyser en même temps. La chromatographie en phase liquide est une méthode de séparation des composés d’un échantillon entre deux phases, une phase solide stationnaire et une phase liquide mobile, afin de pouvoir les identifier et les quantifier. Or les diverses propriétés physico-chimiques des peptides (charge, pI, hydrophobie, taille) leur permettent d’être séparés par presque tous les modes de séparation en phase liquide. La capacité de l’HPLC à séparer des biomolécules fragiles de hauts poids moléculaires rend son application incontournable dans le domaine de la protéomique.

Grâce aux avancées des méthodes d’ionisation et de l’instrumentation, son couplage à la MS en fait une technologie puissante pour la caractérisation et l’identification des peptides et des protéines dans les mélanges complexes [75]. Le pouvoir de séparation par chromatographie à polarité de phases inversée (RPLC) et la très bonne compatibilité des solvants utilisés avec la spectrométrie de masse a conduit à son usage généralisé pour la séparation des peptides depuis le milieu des années 80. Grâce aux efforts de miniaturisation des colonnes et à l’introduction des techniques d’ionisation douce, la RPLC couplée à la MS est devenue la technique analytique principale dans le domaine de la protéomique. A partir d’une quantité d’échantillon limitée, des centaines de peptides peuvent être identifiés et quantifiés en routine avec une haute sensibilité. 

 Capacité de pic

Pour évaluer la qualité d’une séparation chromatographique, la capacité de pic (Pc ) est une mesure simple et intuitive, applicable à toutes les séparations, même par gradient, ce qui n’est pas le cas pour la mesure du nombre de plateaux par exemple. Ce concept a d’abord été décrit par Giddings [77] puis rapidement appliqué par Horváth à la théorie des gradients [78]. Il s’agit d’une mesure du pouvoir de séparation en incluant l’ensemble de l’espace chromatographique tout en prenant en compte la variabilité des largeurs de pics. Le concept de la capacité de pic est encore plus important pour les séparations bidimensionnelles où l’usage de gradients est quasiment indispensable. La capacité de pic mesure le nombre de pics qui peuvent être séparés dans une fenêtre de temps avec une résolution donnée.

On considère généralement l’espace entre chaque pic égal à 4 fois la valeur de l’écart-type, ce qui permet de calculer la capacité de pic selon la formule 4σ 1 2 1 t t Pc − = + . Le plus souvent, la capacité de pic est définie sur l’ensemble du chromatogramme : Dolan et Snyder définissent ainsi la capacité de pic ** Pc pour un échantillon donné entre le temps de rétention du premier pic d’intérêt et le temps de rétention du dernier [79]. Si la largeur des pics sur l’ensemble du chromatogramme ne change pas beaucoup comme c’est le cas dans la plupart des séparations par gradient sur colonne à polarité de phases inversée, et surtout dans les séparations de peptides, on peut calculer la capacité de pic par ω g c t P = 1+ où tg est la durée du gradient et ω la largeur de pic moyenne [80]. La mesure de la capacité de pic ** Pc d’un échantillon donné peut être plus informative surtout si une partie non négligeable de l’espace temporel n’est pas utilisée : ω ** 1 t t P f c − = , où t1 est le temps de rétention de la première espèce éluée et tf celui de la dernière.  

Augmenter la capacité de pic en RPLC

Il est généralement accepté qu’aucune séparation chromatographique monodimensionnelle n’est capable de résoudre un mélange complexe de peptides provenant de la digestion d’un protéome complexe. Une séparation RPLC classique permet d’obtenir typiquement une capacité de pic de quelques centaines [81]. Cependant, au fil des ans, des efforts significatifs ont été faits pour augmenter le pouvoir de résolution des séparations monodimensionnelles [82], et ainsi augmenter le nombre d’analytes identifiés dans des échantillons toujours plus complexes. La capacité de pic peut notamment être améliorée en augmentant la longueur des colonnes ou en réduisant la granulométrie des particules. Cependant, dans les deux cas, la limitation provient de la pression engendrée, d’où le développement de chaînes chromatographiques pouvant résister à des pressions de quelques milliers de bars (Chromatographie Liquide à Ultra Haute Pression UHPLC).

Récemment, divers exemples ont été publiés rapportant des séparations efficaces de peptides sur de longues colonnes mais avec des instrumentations HPLC classiques (pression <600 bars). Pour cela, l’élévation de la température est exploitée afin de réduire la viscosité de la phase mobile et par conséquent la pression générée. Ainsi Wang et Carr ont présenté à température ambiante des capacités de pic comparables à l’UHPLC mais avec une longueur de colonne de 60cm obtenue en associant en série plusieurs colonnes de type 15cm x 2,1mm d.i. [83]. L’élévation de température de 25°C à 70°C leur a permis de réduire le temps d’analyse de 4 à 2h sans changer la capacité de pic. Une autre façon d’augmenter la capacité de pic est de jouer sur la pente du gradient.

En général, des gradients plus longs génèrent des Pc plus grandes bien que celles-ci atteignent un plateau. Ainsi Gilar et al. ont montré une augmentation de Pc de 157 à 351 en augmentant la durée du gradient de 25 à 100min (colonne C18 15cm x 4,6mm d.i., 5µm) [81]. Avec un système de type UHPLC, Shen et al. ont rapporté une augmentation du nombre de peptides et de protéines identifiés grâce à des gradients plus longs [84]. Cependant il faut noter que si le nombre de peptides et de protéines identifiés double en multipliant la durée de séparation par 3 (200 à 600min), la capacité de pic, elle, ne change pas beaucoup (420 à 450) car la largeur des pics augmente également.

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