Les routes vers le chaos : Application à
l’hydrodynamique
Caractérisation du chaos
Tout au long du chapitre précédent nous avons montré que l’étude des systèmes dynamiques nécessitait l’utilisation d’outils particuliers. De plus, nous avons commencé à entrevoir la richesse des régimes dynamiques que l’on peut obtenir à l’aide de tels systèmes. En particulier la notion de bifurcation, donne la possibilité à de tels systèmes de changer brusquement de comportements lorsqu’un paramètre de contrôle varie. Dans le cadre purement temporel par exemple, la bifurcation de Hopf fait passer d’une dynamique stationnaire à une dynamique périodique. Il existe toutefois des situations où des comportements beaucoup plus complexes peuvent apparaître à la suite de plusieurs bifurcations. Dans le cadre purement temporel, ces comportements dynamiques complexes ont pour caractéristique principale une imprédictibilité à long terme de l’état du système. Bien que ces régimes puissent paraître erratiques, il n’en reste pas moins que la dynamique est déterministe. Ce type de régime est appelé chaos déterministe. Nous allons donc nous attelé, dans ce chapitre à donner certains outils permettant de caractériser ce chaos temporel dans les systèmes dissipatifs.
La section de Poincaré
Lorsque nous étudions les systèmes dynamiques ,les trajectoires que nous observons dans un espace des phases de dimension n sont souvent très complexes, il devient alors difficile de déterminer la stabilité des solutions à cause de la grande dimension de ce même espace . Pour remédier à cela nous effectuons une représentation géométrique simplifiée de la trajectoire dans un espace de dimension inferieure. La méthode de la section de Poincaré du nom du mathématicien Henri Poincaré, consiste en une coupe de l’espace des phases de dimension n par un hyperplan S (donc de dimension n-1) et à ne retenir de la trajectoire que les points d’intersection de l’hyperplan S et de la trajectoire des phases, plus précisément ceux où S est franchi dans un sens choisi, tout en s’assurant que les trajectoires des phases coupent bien la surface S de façon transversal . Figure 12 :Section de Poincaré d’un espace de dimension
LES ROUTES VERS LE CHAOS : APPLICATION à L’HYDRODYNAMIQUE
Comme l’illustre la figure ci-dessus, lorsque nous effectuons la section de Poincaré d’un espace des phases de dimension 3 , nous obtenons un plan S de dimension 2 contenant une suite de points d’intersection 21,, pppo . Ainsi en partant d’une condition initiale 0 p sur S , on arrive à une suite discrète de points k ppp 10 , : D’un système à temps continu défini par (1-d) , nous sommes donc passés à un système à temps discret. On peut alors définir une application 1 1 : n- Æ n- SST dite de Poincaré ou encore fonction de premier retour qui transforme un point k p en son suivant k+1 p ,autrement dit : ( ) ( )1 2 k+1 k == k- pTpTp 2.2.1 Nature des Sections de Poincaré Outre le fait qu’elle simplifie l’étude des flots continus , la méthode de Poincaré permet d’avoir directement des informations sur la nature de la dynamique (description qualitative) tandis qu’une représentation dans l’espace des phases n’apporte pas en général d’information sur la nature des trajectoires · pour un régime périodique : la section de Poincaré est un point fixe unique 0 p Figure 13 l’application T est alors équivalente à l’identité puisque la trajectoire se referme sur elle 0 ( 0 ) ( )( ) == pTTpTp 0 · pour un régime quasi-périodique à deux fréquences : nous sommes alors en présence d’un tore 2 T avec deux fréquences 1f et 2f . Nous distinguerons deux cas selon la nature du rapport r qui est égal à 1 2 f f Si r est irrationnel( 1f et 2 f incommensurables) la section de Poincaré est alors une courbe fermée : la trajectoire qui s’enroule sur ce tore perce chaque fois le plan S en un point différent Figure 14 Si r est rationnel(phénomène de synchronisation) la section de Poincaré est constituée d’ un nombre fini de points d’intersections qui sont successivement visité par la trajectoire Figure 15 exemple de synchronisation d’ordre 7 7 1 2 = f f ce qui se traduit par la présence de 7 points sur la section de Poincaré · pour un régime chaotique la section de Poincaré est constitue par un nuage de points Figure 16 Section de Poincaré observé au-delà de Ra = 40,1 6 10 d’après : S.LAOUAR, L. ABADA, E.H. MEZAACHE, M. DAGUENET La section de Poincaré pourra être utilisé pour l’étude de la stabilité d’une solution périodique. En effet, au lieu de s’intéresser directement à la trajectoire ( ) 0 j , Xt comme cela a été le cas pour définir la matrice de monodromie , nous allons considérer l’ensemble des points d’intersections ( ,, ppp 210 ) de la trajectoire et du plan S . On obtient alors la relation suivante : ( ) ( ) ( ) * * += 00 – 0 d d pTppTTp où : d (Tp ) est l’écart au bout d’une période (après une itération) de l’application T des images, du point * p0 dont on aurait légèrement perturbe la position initiale sur le plan S et du point * p0 Base de la théorie de Floquet :cycle limite et trajectoire perturbée En effectuant un développement de Taylor au premier ordre autour de * p0 , on aboutit à la relation : ( ) 0 0 0 )( p p pT d Tp d ¶ ¶ = * où la matrice F= 0 0 )( p pT ¶ ¶ * est appelée matrice de Floquet. Cette dernière étant équivalente matrice de monodromie, nous retrouverons les mêmes conditions de stabilité : · la solution périodique est linéairement stable si pour tout = ni -11 on a < 1 li · la solution est linéairement instable si il existe ££ ni -11 tels que > 1 li les liseront cette fois ci nommés les multiplicateurs de Floquet. La perte de stabilité dune solution périodique (cycle limite) correspond à la traversée du cercle unité par un ou plusieurs multiplicateurs de Floquet C’est la manière dont les li traverse le cercle unité dans le plan complexe quand un paramètre de contrôle varie qui caractérise les différentes routes vers le chaos. Ainsi trois cas de figures peuvent se présenter : · La traversée d’un multiplicateur en +1 qui correspond à l’intermittence de type 1 · La traversée d’un multiplicateur en -1 qui correspond à la cascade sous-harmonique (bifurcation fourche supercritique) et à l’intermittence de type 3 (bifurcation fourche souscritique) · La traversée d’une paire conjuguée (a ± ib ) en i2exp pa qui correspond à la quasi périodicité (Hopf supercritique) et à l’intermittence de type 2 (Hopf sous-critique) Figure 18 : Différents cas possibles de traversée du cercle unité 2.3 Spectre de puissance de Fourier C’est un outil permettant de faire la distinction entre un phénomène périodique , quasi-périodique, chaotique et aléatoire . En effet, lors des expériences aussi bien au laboratoire que sur un ordinateur, les données observées sont essentiellement sous forme de séries chronologiques d’une observable. Les informations recueillies sur le système sont donc discrètes . Soit a j la transformée de Fourier d’une série chronologique t x  ÷ ¯ ˆ Á Ë Ê = – t N j ix N aj t 2p exp 1 N j Nj j p w 2 1 = = comme nous le voyons , a j est à valeur dans l’ensemble des complexes. Nous définissons alors le carré de la norme de a j par : ( )j s w qui représente le spectre de puissance de Fourier ( ) ( ) 2 j j = as ww Selon la nature de la dynamique du système que nous étudions la courbe représentative de )( j s w sera composée pour : · un régime périodique , de pics d’amplitudes exponentiellement décroissantes en w0 (fondamentale) , 0 2w (première harmonique) ….. un régime quasi-périodique ( i j w w irrationnel) , d’un spectre dense avec des maxima aux fréquences de base Figure 20 spectre de puissance d’un regime quasi-periodique (étude de l’instabilité de Couette-Taylor par Swinney et Gollub) · un régime chaotique composé d’un large spectre continu et irrégulier qui peut présenter des pics (qui sont des traces de périodicité ) spectre de puissance d’un regime chaotique (étude de l’instabilité de Couette-Taylor par Swinney et Gollub)
Les exposants de Lyapunov
Ils permettent de caractériser le chaos temporel et plus particulièrement la sensibilité aux conditions initiales que peut présenter un attracteur étrange. Autrement dit ils permettent de calculer le taux de divergence entre l’évolution de trajectoires issues de conditions initiales proches au sein de l’espace borné qu’est l’attracteur étrange. Pour cela considérons : -un système dynamique discret de dimension 1 dont l’équation d’évolution est )( k+1 = XFX k -deux conditions initiales voisines X0 et += dXXX 000 , X0 d étant une perturbation infinitésimale La première itération de l’équation d’évolution conduit à : ( ) ( ) ( ) 111 00 0 0 XFXXFXXFXXX 0 d d d ×+=+=+= ¢ on en déduit la distance entre deux trajectoires ( ) 1 0 XFXX 0 dd ×= ¢ une seconde itération nous permet de tirer la valeur de X2 d qui est égale à : ( ) ( ) ( ) 1 1 0 0 XFXFXXFX 1 d × ¢ d ×= ¢ × ¢ Après un nombre k d’itérations il vient que : ( ( )) 0 1 0 X XXF k n k n d = ’ ¢ ×d – = On définit alors un multiplicateur par pas d’itération X0 k Xk d d g = . La valeur de g est donc ( ) k k n n k XF 1 1 0 lim ˙ ˚ ˘ Í Î È = ’ ¢ – = •Æ g l’exposant de Lyapunov l sera défini comme étant le logarithme de g  ( ) – = Æ• == ¢ 1 0 log 1 limlog k n n k XF k gl log F¢ étant le taux de divergence local entre deux points Ainsi une valeur positive de l indique que la divergence entre deux trajectoires voisines augmente au cours du temps ce qui est l’une des caractéristiques d’un régime chaotique. Tandis qu’une valeur négative de l désigne un manque de sensibilité du système aux conditions initiales(deux trajectoires voisines convergent lorsque t Æ • ). Il est possible d’étendre cette définition à une dimension plus élevée d’espace des phases . Pour un espace des phases de dimension n , on aura n exposants de Lyapunov (qui un forme un spectre ) chacun d’entre eux mesurant le taux de divergence suivant un des axes du système car un LES ROUTES VERS LE CHAOS : APPLICATION à L’HYDRODYNAMIQUE Page 28 système peut être instable ou stable suivant plusieurs directions. Pour un système de dimension d l’exposant de Lyapunov est : ([ ] [ ] [ ] [ ] ) 00 0 0 011 0 log 2 1 lim XX XLLLLX n t n t n t t n dd d d l — Æ• = [ ] L 0 est la matrice Jacobienne calculée en X0 et t le nombre d’itérations Le comportement du système sera alors dit : · régulier si les exposants de Lyapunov sont tous négatifs ou nul · chaotique s’il existe au moins un exposant de Lyapunov positif Ce que nous résumons dans le tableau ci-dessous où nous distinguons le temps continu et le temps discret tout en sachant que les systèmes à temps discrets sont issus des systèmes à temps continu de dimension n par section de Poincaré ( par la transformation suivante ( ) ( ) dttXFXX k k k k Ú + + += t t 1 1 , )
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