Les richesses biologiques du lac Tonga
Les richesses faunistiques et floristiques du lac Tonga l’ont hissé au rang des sites mondialement connus à travers sont classement depuis 1982 sur la liste de Ramsar. Cette reconnaissance était essentiellement basée sur son importance comme habitat pour les oiseaux d’eau. Actuellement, le classement des sites s’intéresse à d’autres aspects tels que l’intérêt limnologique, hydrologique, importance en terme de biodiversité (richesses floristiques, entomologiques, herpétologiques et ichtyologiques ….etc.). Le lac Tonga compte quatre vingt deux espèces végétales, appartenant à trente et une (31) familles botaniques et parmi lesquelles 32 espèces, représentant 39% de l’ensemble sont classées d’assez rares à rarissimes (Kadid 1989). Parmi les espèces rares : Marsilea diffusa, Nymphaea alba, Utricularia exoleta. La disposition en mosaïques de la végétation du lac Tonga, la présence de surfaces d’eau libre, la présence d’îlots flottants de grands arbres, lui confère une diversité des habitats permettant l’installation d’une faune très riche et variée. Parmi les espèces animales que compte ce site, les oiseaux aquatiques sont les mieux étudiés. Ils sont représentés par un nombre d’espèces sédentaires, d’espèces hivernantes, d’espèces estivantes nicheuses et non nicheuses. Il constitue également un site d’escale pour les espèces de passage qui font dans ce site une halte migratoire pour le repos, l’alimentation la nourriture et la quiétude, nécessaires aux deux traversées : automnale et printanière. Les oiseaux d’eau nicheurs comptent plusieurs espèces dont certaines sont très rares ou en déclin dans leur aire de répartition telles que le Fuligule nyroca Aythia nyroca, l’Erismâture à tête blanche Oxyura leucocephala, la Poule sultane Porphyrio porphyrio. Matériel et méthodes Région d’étude 29 D’autres espèces non moins importantes nichent au niveau de ce site telles que la Foulque macroule Fulica atra, l’Ibis falcinelle Plegadis falcinellus, plusieurs espèces d’Ardéïdés (Aigrette garzette Egretta garzetta, Héron garde-bœufs Bubulcus ibis, Héron crabier Ardeola ralloïdes, Héron pourpré Ardea purpurea, Héron bihoreau Nycticorax nycticorax, Blongios nain Ixobrychus minimus, et le Butor étoilé Botaurus stellaris), deux espèces de Grèbes (castagneux et huppé) et le Busard des roseaux Circus aeruginosus. En hiver, ce site accueille des effectifs très importants d’Anatidés, de foulque macroule, de Limicoles sont régulièrement observés ainsi que des rapaces tels que et le Balbuzard pêcheur Pandian haliaetus (espèce sédentaire). Pour la liste exhaustive des espèces aviaires, voir le plan de gestion du parc national d’El Kala (Benyacoub et al. 1998). En ce qui concerne les insectes, les Odonates constituent un des groupes de faune les plus étudiés au niveau du lac Tonga, en effet (22) espèces y ont été recensées appartenant à quatre familles, Lestidae, Coenagrillonidae, Aeshnidae et Libellulidae (Saoueche 1993). Les adultes et les larves de ces espèces constituent une bonne partie de l’alimentation des guifettes. Sur le plan herpétologique, plusieurs espèces de reptiles et amphibiens vivent au niveau du lac Tonga, l’Emyde lepreuse Mauremys leprosa, la Grenouille verte Rana saharica, le Discoglosse peint Discoglossus pictus, le Crapaud de Mauritanie Bufo mauritanicus, le Triton de poiret Pleurodels poireti, le pasammodrome algiré Psammodromus algirus, le Sep ocellé Chalcides ocellatus, le Lézard ocellé Lacerta pater et la Couleuvre vipérine Natrix maura (Rouag 1999). Le mammifère inféodé aux zones humides et présent au niveau du lac Tonga est la loutre d’Europe Lutra lutra.
DISCUSSION
Malgré le caractère nomade de la guifette moustac en Europe, l’espèce semble être fidèle au lac Tonga. L’arrivée des guifettes dans la région se fait par petit groupes, les individus sont d’abord éparpillés au niveau des zones humides de la région pour l’approvisionnement en nourriture suite aux pertes subies au cours de la migration du printemps puis, ils se concentrent, courant avril, au niveau du site de reproduction et ce pour toutes les années d’étude. Par ailleurs Rizi (1994), a noté l’arrivée des premières guifettes sur le lac Tonga en avril. En Brenne (France), les premières guifettes sont arrivées en mars de 1981 à 1987 et le nombre n’a augmenté qu’au cours du mois d’avril et essentiellement en mai. Pour Trotignon et al. (1989), l’arrivée des guifettes est située en moyenne le 3 avril. Toutefois, l’arrivée de tous les nicheurs se produit en avril et en mai, parfois même en juin (Bernard et Teyssier 2008). Une fois sur le site de nidification, les guifettes ne cessent d’errer dans toutes les directions pour s’alimenter. Les concentrations se font ensuite au niveau de la zone de nidification et les mouvements sont plus localisées au niveau de la nupharaie, située au nord-ouest du lac, elles commencent alors à transporter les matériaux nécessaires pour la construction des nids, à partir de ce moment l’agressivité entre les individus et les scènes de pillage des brindilles et de kleptoparasitisme commencent (obs. pers). La répartition des colonies des guifettes moustacs, est connue pour être étroitement liée à la distribution de la végétation aquatique, surtout les plantes flottantes dont plusieurs espèces sont utilisées comme supports des nids d’une année à l’autre ou d’un site à l’autre. Parmi ces espèces, la renouée amphibie Polygonum amphibium, la châtaigne d’eau Trapa natans, la Villarsie L’Oenanthe sp., le Nénuphar blanc Nymphaea alba et le Nénuphar jaune Nuphar luteum (Benmergui et Broyer 2005). L’utilisation de la Châtaigne d’eau Trapa natans a été signalée au lac Anzali (Iran) (Sehhatisbet et Nezami 2007), celle du Nénuphar blanc Nymphaea alba ou Nymphoides peltata en Roumanie, (Cazacu 2006), des joncs Juncus sp., Ranunculus aquatilis pour Discussion 93 certaines populations européennes (Borodulina, in Cramp et Simmons 1977 et Kapocsy 1995) et exclusivement du Nénuphar blanc dans quelques zones humides françaises (Paillisson 2006). Dans notre zone d’étude et nonobstant quelques nids construits sur des amas de végétation à la surface de l’eau en 2006, les nids sont exclusivement déposés sur les feuilles du nénuphar blanc. Les guifettes nichent au niveau de la partie ouest du lac, selon un axe Nord-ouest –Sud-ouest, choisissant des patchs de nénuphars situés à proximité des zones d’eau libre. Depuis que la gestion de l’eau et de la végétation du lac a été abandonnée, le lac Tonga a considérablement changé, la zone couverte par les nénuphars ayant augmentée (Benyacoub et Chabi 2000). Les changements dans la structure de la végétation du lac expliquent les tendances dans l’écologie de la nidification des guifettes moustacs sur la période d’étude de près de dix ans. Le premier changement observé concerne le déplacement de la colonie vers le centre du la lac. En effet, la distance moyenne a augmenté de plus de 4 fois de 1996 à 2005 et de plus de 5 fois de 1996 à 2006. Ce déplacement peut être expliqué par la préférence des guifettes pour la proximité des surfaces d’eau libre, pour la détection précoces des prédateurs aériens et de s’éloigner des dérangements causés par les braconniers.