Les revirements de jurisprudence source du droit

Les revirements de jurisprudence source du droit

La jurisprudence est à distinguer de la norme jurisprudentielle. En effet, cette dernière en est le produit. L’étude de la genèse d’une norme jurisprudentielle permet de comprendre la différence qui existe entre la loi et la jurisprudence. La technique de création de la règle jurisprudentielle est foncièrement différente de celle de la norme législative. Alors que le législateur crée directement une norme générale sans prendre en considération des faits particuliers, le juge, lui, crée la règle jurisprudentielle à partir de faits spécifiques : il part du particulier pour aller vers le général. Par conséquent, sans décision judiciaire, sans litige à trancher, le juge ne peut créer du droit : « la règle posée par le juge ne fait que relier les faits à la solution. Elle n’est pas l’élément central et nécessaire de la décision »553. Toutefois, une nuance doit être apportée au point de vue du Professeur HERON. La règle posée par le juge est bien l’élément central de la décision car sans cette dernière, il ne peut y avoir de décision, mais sa spécificité résulte du fait qu’elle ne peut voir le jour sans l’existence de faits particuliers. 251. Si l’on compare la règle jurisprudentielle à la règle de droit on constate qu’elles partagent les mêmes critères (Section 1) si ce n’est celui de l’obligatoriété. Cependant, aujourd’hui ce critère répond plus à une conception classique de la règle de droit qu’à une conception contemporaine dans laquelle l’obligatoriété a laissé la place au concept de force normative : « le caractère « obligatoire », déjà très inadapté pour qualifier la règle de droit, (…), semble résolument inapte à évaluer le pouvoir  Dans le cadre de sa mission, le juge de cassation doit interpréter la loi tout en permettant son application uniforme. Pour cela, il est nécessaire que se dégage de la décision judiciaire une règle jurisprudentielle permettant aux juridictions du fond de se l’approprier afin de l’appliquer aux litiges similaires.

Pour KELSEN, « lorsque nous comparons les uns avec les autres les objets qui sont qualifiés de droit chez les peuples les plus différents et aux époques les plus éloignées, il apparaît d’abord qu’ils se présentent tous comme des ordres de la conduite humaine ». Ainsi « le mot norme exprime l’idée que quelque chose doit être ou se produire, en particulier qu’un Homme doit se conduire d’une certaine façon. Telle est la signification que possèdent certains actes humains qui, selon l’intention de leurs auteurs, visent à provoquer la conduite d’autrui »561. Pour le Professeur AMSELEK, l’édiction d’une norme est un « acte par lequel le commandement vise à contrôler la conduite effective des destinataires, à obtenir qu’elle ne s’écarte pas de la marge de manœuvre que leur indique la norme qui leur est donnée »562. Ainsi, les règles de droit sont des « instruments de direction ou de guidage des conduites humaines (…), (qui) donnent aux intéressés auxquels elles sont adressées, la mesure de leur possibilité d’action selon les circonstances, aux fins qu’ils ajustent en conséquence leur comportement. Elles leur indiquent la latitude ou marge de manœuvre à l’intérieure de laquelle la conduite doit se tenir, ce qu’ils ne peuvent pas faire, ce qu’ils peuvent faire ou ce qu’ils doivent faire »563. Ainsi, « toute norme constitue avant tout un instrument d’évaluation, de mesure ou de jugement »564. La règle de droit a donc pour but de régir des conduites humaines565.

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Cependant, à première vue, il semble que certaines règles ont d’autres buts, comme par exemple, les règles régissant les institutions. Cependant considérer que ce type de règle ne s’applique pas aux individus serait une erreur. En effet, ce sont tout de même les individus qui sont visés aux travers de ces règles juridiques car les institutions ont pour but de contraindre les personnes ou d’établir leurs droits. Ces règles ont donc pour conséquence, certes indirecte, de régir des conduites humaines. Ainsi, selon D. DE BECHILLON, Qu’est-ce qu’une règle de Droit ?, Editions Odile Jacob, p. 165 : la norme peut être définie « comme la signification d’une proposition indiquant aux hommes ou aux institutions un modèle auquel conformer leur conduite, impérativement ». De ces constatations, on peut donc déduire qu’il existe deux grandes catégories de normes juridiques : les normes de conduite qui sont des règles de droit tendant directement à régir les conduites des individus et les normes de structure qui vont permettre à l’Etat d’organiser le système juridique en distribuant les pouvoirs juridiques et en dirigeant la fabrication des normes. Souvent, les règles empruntent aux deux catégories. Par exemple, l’article 1134 du code civil emprunte aux normes de structure puisqu’il permet que le contrat soit La règle jurisprudentielle peut ainsi être considérée comme une norme de conduite dans la mesure où le juge va donner son interprétation de la loi. Par conséquent, il va venir définir le comportement qu’il convient d’adopter pour ne pas être sanctionné. Cependant, il est nécessaire que l’interprétation des textes par le juge soit assez détachée des faits de l’espèce afin qu’elle puisse trouver à s’appliquer à d’autres situations.

 

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